Face aux États-Unis et la Chine, la France marque son retard sur la réutilisation des eaux usées. Pourtant, l’art R211-23 du code de l’environnement l’autorise : « Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leurs modalités d'emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l'environnement. »

Constat surprenant puisqu’en 2017, l’ONU déclarait que les eaux usées étaient le « nouvel or noir ». C’est donc deux ans plus tard, le 12 février 2019, que le Parlement européen décide d’agir pour promouvoir la réutilisation de ces eaux en votant un projet de réglementation définissant les normes minimales de qualité pour l’eau recyclé à destination de l’irrigation agricole.

La Commission est optimiste, elle espère économiser 5% des ressources par ce système. Aujourd’hui, les chiffres, à ce sujet, sont flous mais il est tout de même estimé que la réutilisation en France ne dépasse pas les 0,1% bien que 90% des eaux usées sont traitées et relâchées dans des cours d’eau.

De 1980 à 2014, la réutilisation n’était quasiment pas pratiquée car la réglementation était trop restrictive. En effet, depuis 2014, la réglementation s’est assouplie laissant libre à plusieurs projets de se développer. Certes, ces projets sont longs à se mettre en place, mais les premières expériences se précisent et dont on en verra le jour au deuxième trimestre 2020.

En matière économique, le frein est réel. Si les agriculteurs sont plutôt favorables au système écologique, le sur-traitement, donnant suite, après la sortie de la station d’épuration, comporte un coût non-négligeable. La solution discutée à ce sujet relève de l’innovation technologique, quatre techniques sont pour l’instant retenues :

- UV filtre aéré : désinfection de l’eau par une source lumineuse

- Planté de roseaux : système de stockage en surface et d’écoulement vertical dans un bassin servant également de stockage

- Membrane gravitaire : système biologique à boues activées capable de filtrer de manière sélective

- Electro oxydation : production de radicaux hydroxyles capables de réagir rapidement sur les composés organiques

La volonté de réutiliser les eaux usées va au-delà des fins agricoles. L’étude Explore 2070 a conclu que les eaux souterraines, fournissant l’eau potable, pourraient diminuer entre 20% à 50%. L’idée serait donc de combler cette diminution par les eaux usées. Le problème qui se pose incontestablement est la réticence de la population. Très peu sont favorables à l’idée de consommer de l’eau usée traitée.

Pour l'encadrement de ces pratiques, il existe quatre catégories dont les normes sont plus ou moins exigeantes selon l’utilisation des eaux usées traitées (Arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts) : la catégorie A sur l’irrigation des cultures maraîchères non transformées et arrosage d’espaces verts publics dont les normes sont très exigeantes ; la catégorie D sur l’irrigation des forêts d’exploitation avec accès contrôlé au public dont les normes sont peu exigeantes.

On suppose donc que si les eaux usées venaient à se déployer en matière de consommation d’eau potable, les exigences seraient extrêmement élevées mais cela supposerait également un coût conséquent.

La France traite ses eaux usées convenablement mais ne les réutilise que très peu. Constat décevant au regard des ressources que l’on pourrait économiser grâce à ce procédé. Réglementation trop restrictive, coût trop élevé et populations réticentes constituent les freins à cette solution de développement durable.