Depuis plus de trente ans, le GIEC évalue l’état des connaissances relatives aux changements climatiques afin d’en déterminer ses causes et ses effets. En octobre dernier, dans le cadre de la COP24, il a rendu un rapport faisant état d’une urgence financière et environnementale. En effet, le GIEC considère qu’il est « urgent de réorienter les flux financiers vers la transition énergétique afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C » à défaut de quoi, les effets sur notre environnement pourraient être irréversibles. Au regard de ce rapport et de l’accroissement des scandales financiers et humains visant de grandes entreprises, le conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu un avis fin janvier, visant à déterminer les leviers français et européen qu’il semble nécessaire d’améliorer afin d’accélérer la mutation du secteur financier vers une démarche plus durable.

La finance durable est une notion difficile à appréhender puisque revêtant des significations variées. De manière générale, elle correspond à la conciliation entre performances économiques et impacts sociaux et environnementaux, à travers une contribution active des entreprises, ainsi que du secteur financier, au développement durable. Elle se décline à travers différents modèles tels que l’investissement socialement responsable (ISR), la finance verte par le biais notamment des obligations vertes, et la finance solidaire. L’avis du CESE tend à l’analyse de cette déclinaison afin d’en tirer les points forts et déterminer des axes de préconisation pour généraliser ces modèles, en les rendant plus fiables et attractifs. Il appel, en outre, à la mobilisation rapide de capitaux par le biais d’investissements publics mais également privés. Ainsi, afin de transformer nos modes de consommation pour faire face à la crise écologique et humaine qui se dessine de plus en plus et accélérer la mutation du secteur financier, le CESE préconise d’adapter le cadre réglementaire français et européen, d’orienter l’épargne vers des investissement socialement responsables, tout en ayant une meilleure prise en considération des différentes parties prenantes, à travers plusieurs propositions.


L’adaptation du cadre réglementaire français et européen :

La commission européenne a engagé depuis mars 2018 un plan d’action sur la finance durable avec en outre, l’élaboration d’une « taxonomie des investissements durables », c’est-à-dire un système de classification unifié permettant de déterminer les investissements et les pratiques financières durables sur un plan environnemental. Ainsi d’une part, le CESE réaffirme l’intérêt de cette démarche et propose que celle-ci prenne également en considération les dimensions sociales et de gouvernance de ces investissements verts. De plus, le CESE rappelle que l’obligation de transparence des agences de notations extra-financière est aujourd’hui insuffisante de sorte que les parties prenantes du secteur financier manquent de confiance dans ces indicateurs. Ainsi, il préconise que cette obligation de transparence soit définie au niveau européen, de même que les modalités de certification des procédures de notation, avec une généralisation obligatoire à l’ensemble des entreprises du secteur financier.

D’autre part, après avoir rappelé que les labels de l’investissement socialement responsable (ISR) permettent la mise en place de bonnes pratiques en matière sociale, environnementale et de gouvernance, le CESE souligne que ces derniers sont encore trop peu encadrés de sorte que leur intérêt est très limité. Ainsi, il propose d’inclure au sein de ces labels le respect des droits fondamentaux, notamment les normes internationales relatives au droit du travail, et de créer, au niveau européen, un socle minimal de pratiques que devront respecter tous les labels relevant de l’ISR, afin d’améliorer leur crédibilité et leur transparence. De plus, il propose la création d’une agence nationale afin d’assurer la gestion et la coordination des labels publics français (l’ISR et le label transition énergétique et écologique dit TEEC). Enfin, bien que la régulation financière assurée par les règles prudentielles, dites de Bâle 3 pour les banques et Solvency 2 pour les assurances, doivent être maintenue, le CESE propose la création d’un observatoire afin d’évaluer l’impact de ces règles sur le financement durable, ainsi que l’adaptation de ces dernières pour faciliter la mise en place d’investissements à long terme intégrant les critères ESG. Il préconise également l’extension à l’échelle européenne du reporting climat et ESG prévu par l’article 173 de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, en incluant dans son champ d’application l’ensemble du secteur financier afin de renforcer son effectivité.



L’orientation de l’épargne vers des investissements socialement responsables et une meilleure prise en considération des parties prenantes:

L’épargne française est aujourd’hui l’une des plus importantes en Europe. Cependant, on constate que les épargnants sont souvent mal informés de l’orientation que celle-ci peut prendre notamment en ce qui concerne la sensibilité de leurs investissements aux risques climatiques. Ainsi le CESE propose de rendre obligatoire la notation ESG de l’ensemble des fonds inclus dans les produits d’assurance vie, plans et livrets d’épargne soutenus par les pouvoirs publics. Dès lors, les épargnants devraient se voir proposer, de manière systématique, la souscription de supports d’investissement ayant reçu une notation ESG ou une labellisation ISR. Il propose également de réformer le livret de développement durable et solidaire afin que les sommes qui y sont déposées soient placées uniquement dans des fonds ayant eu la labellisation ISR, avec une majoration de son taux de rémunération par rapport au livret A pour le rendre plus attractif. De plus, dans une optique d’orientation de l’épargne vers de la finance durable, l’avis du CESE tend à créer une graduation des avantages fiscaux accordés à l’épargne des ménages en fonction du caractère labellisés ou non des produits d’épargne choisit, ainsi que d’inviter les partenaires sociaux gérant les régimes obligatoires à établir un plan pour investir, dans les 5ans, 100% de leurs fonds de réserve en fonds labellisés ISR pour toutes les classes d’actifs couverts par des labels publics. Enfin, le CESE demande à ce que le gouvernement mène, dans les mois à venir, une étude, afin de trouver des solutions pour que les ETI, les PME et les projets territoriaux de taille limitées puissent accéder au financement durable par le biais des fonds labellisés ISR.

L’avis rendu par le CESE entend également renforcer la prise en considération des acteurs essentiels au bon fonctionnement et au développement du financement durable. En effet, il recommande d’inciter les entreprises à accorder des actions de préférence aux fonds d’investissement labellisés ISR, en abaissant, en outre, les seuils requis pour le dépôt de résolutions en assemblée générale sur les thèmes directement liés aux dimensions sociales et environnementales de l’activité de l’entreprise. De plus, il souhaite que les institutions représentatives du personnel du secteur financier soient consultées annuellement concernant la politique ESG de leur entreprise et que l’avis rendu par ces dernières soit publié en annexe du rapport annuel. Enfin, le CESE propose de responsabiliser davantage les institutions financières de taille significative en instaurant, au sein de leur conseil d’administration, un comité spécifique chargé d’évaluer les risques environnementaux, sociaux ou de gouvernance de l’entreprise, et d’établir un plan d’action pour limiter l’impact de ces risques. Cette évaluation et ce plan serait alors présenté annuellement au conseil d’administration, et la rémunération variable des dirigeants devrait les prendre en compte.




SOURCES :
Demain, la finance durable : comment accélérer la mutation du secteur financier vers une plus grande responsabilité sociale et environnementale ?
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=JORFARTI000031045547&cidTexte=LEGITEXT000031047847&categorieLien=id