Lors de l’acquisition d’anciens sites industriels par la société, la question de la gestion du risque environnemental se pose toujours à l’entrepreneur qui va reprendre une activité industrielle sur ces sites en raison de l’existence potentielle d’une pollution du sol ou du sous-sol.
Une installation classée pour la protection de l’environnement est une installation fixe dont l’exploitation représente un risque pour l’environnement.
Toute activité industrielle polluante est soumise à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement.
En fonction des seuils d’émissions polluantes définis par la nomenclature des installations classées, les activités sont soumises soit au régime de la déclaration (pour les moins dangereuses pour l’environnement), soit au régime de l’enregistrement (régime intermédiaire), soit au régime de l’autorisation (pour les installations dont le risque d’atteinte à l’environnement est le plus élevé).
L’une des obligations majeures de l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement est l’obligation administrative de remise en état après la cessation d’activité.
Elle incombe au dernier exploitant.
Qu’il exploite ou non lui-même l’activité industrielle soumise au droit des installations classées, le titulaire de l’autorisation administrative d’exploiter est le débiteur de l’obligation administrative de remise en état, les actes de droit privés n’étant pas opposables à l’administration. C’est dans la contribution à la charge financière de la remise en état que les clauses contractuelles peuvent intervenir, notamment pour le partage de cette charge financière, au moment de la cession d’un site pollué, entre l’ancien exploitant et l’acquéreur qui sera amené à exploiter une installation classée sur ce site et qui découvrirait des pollutions occasionnées par les anciennes installations exploitées sur celui-ci.


L’obligation de remise en état est régie par les articles R 512-66-1 à R 512-66-2 du Code de l’environnement pour les installations classées soumises à déclaration, les articles R 521-46-25 à R 512-46-29 du Code de l’environnement pour les installations classées soumises à enregistrement et les articles R 512-39-1 à R 512-39-6 du Code de l’environnement pour les installations classées soumises à autorisation.
Cette obligation consiste, pour l’administration en charge des installations classées pour la protection de l’environnement, à la mise à l’arrêt définitif d’une activité industrielle polluante, à mettre à la charge du dernier exploitant de l’activité le coût financier de la dépollution du site sur lequel l’activité a été exploitée. Il s’agit donc d’une préoccupation majeure pour l’industriel dernier exploitant puisque la remise en état engendre d’importantes conséquences financières pour l’entreprise.
L’obligation de remise en état est ainsi la conséquence de la réalisation du risque environnemental transmis au moment de la cession du site sur lequel va être exploitée une nouvelle activité industrielle.
L’ampleur du risque supporté par le dernier exploitant est d’autant plus importante que le risque environnemental ne se limite pas à la pollution du sol ou du sous-sol, il englobe toute forme d’atteinte à l’environnement et aux populations avoisinant le site d’une installation classée, que ce soit une pollution de l’eau, de l’air ou du milieu naturel.
Face à ces enjeux, il s’agit de déterminer de quels outils contractuels l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (telle qu’une installation de stockage de déchets) dispose-t-il pour se prémunir au mieux du risque environnemental transféré lors de la reprise d’une activité industrielle sur un site pollué ?

Une typologie des garanties contractuelles contre le risque environnemental révèle divers mécanismes contractuels à disposition de l’exploitant reprenant une activité industrielle sur un site pollué (I). La complexité de rédaction de ces garanties contractuelles réside dans l’indispensable vigilance dont l’acquéreur d’un site pollué doit faire preuve face au transfert du risque environnemental. Ces difficultés se présentent surtout au moment de la rédaction des clauses de garantie de passif environnementales (II).


I. Typologie des garanties contractuelles lors de la reprise d'une activité industrielle sur un site pollué

A. Les garanties relatives aux obligations d'information du vendeur

1. La contractualisation de l'obligation particulière d'information du vendeur de l'article L 514-20 du Code de l'environnement

L’article L 514-20 du Code de l’environnement met à la charge du vendeur d’un terrain ayant servi d’assiette à l’exploitation d’une installation classée (soumise à autorisation ou à enregistrement) une obligation d’information spécifique. Cette obligation peut être contractualisée lors de l'acquisition d'un site pollué.
L'information doit porter sur l’existence de l’exploitation d’une installation sur le terrain vendu, sur les dangers ou inconvénients importants résultant de l’exploitation antérieure d’une installation classée (et donc l’existence potentielle d’une pollution du sol et du sous-sol générée par cette ancienne exploitation), et le cas échéant, sur les manipulations ou stockages de produits chimiques ou radioactives.
La Cour d’appel de Paris a d’ailleurs apporté une précision sur l’étendue de l’information en indiquant que le vendeur devait non seulement informer l’acquéreur sur l’existence d’une ancienne installation classée mais doit aussi lui indiquer les risques en découlant (CA Paris, 13 février 2003).
Ainsi, afin de limiter au mieux les risques environnementaux, les déclarations du vendeur ne doivent pas se limiter à l’état du sol et du sous-sol mais également porter sur les contrats importants en cours, la conformité des activités du site à la réglementation environnementale, aux autorisations et permis nécessaires au fonctionnement de l’activité, les audits environnementaux réalisés, l’obtention des polices d’assurances nécessaires et l’absence de litiges environnementaux et de réclamations de tiers (notamment les litiges en cours pour troubles anormaux du voisinage du fait des nuisances olfactives ou sonores émanant d'une installation classée).
En cas de manquement à cette obligation particulière d’information, le vendeur engage sa responsabilité civile contractuelle. L’acheteur peut alors demander la résolution de la vente ou se faire restituer une partie du prix de vente. Il peut également demander la remise en état du site aux frais du vendeur à condition que le coût de la remise en état ne soit pas disproportionné par rapport au prix de vente. L’acquéreur peut ainsi inscrire cette option dans le contrat de vente.



2. La contractualisation de l'obligation générale d'information de l'article 1602 du Code civil

L’acquéreur d’un site qui a servi d’assiette à une ancienne exploitation d’installation classée peut également contractualiser l’obligation générale d’information de l’article 1602 du Code civil que le juge met à la charge du vendeur, indépendamment de l’obligation spécifique de l’article L 514-20 du Code de l’environnement.
Cette obligation consiste pour le vendeur à fournir à l’acheteur des informations pertinentes sur la situation environnementale du site cédé. Cette obligation s’analyse au regard de la qualité du vendeur et de l’acquéreur (professionnel ou non) ainsi que des informations dont dispose le vendeur au moment de la vente et de l’usage futur du site pris en compte par les parties à ce moment.
Le vendeur engage sa responsabilité civile contractuelle en cas de manquement à cette obligation d’information.
L’acquéreur d’un site ayant déjà servi d’assiette à une ancienne installation classée et qui prévoit d’exploiter une nouvelle installation classée sur celui-ci peut alors intégrer cette obligation générale d’information dans les clauses du contrat de cession. Il s’agit pour l’acquéreur, d’un outil contractuel supplémentaire de prévention des risques environnementaux.

3. Les vices cachés et les vices du consentement

a. Les vices cachés
L’acquéreur d’un site pollué peut également invoquer la garantie des vices cachés lors du transfert des risques environnementaux inhérents à la cession du site.
L’article 1641 du Code civil régit la garantie des vices cachés. Cet article prévoit que « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
L’acquéreur peut invoquer la garantie des vices cachés quel que soit le produit acheté, quel que soit le vendeur, même s'il n'y a pas de contrat écrit.
La garantie légale couvre tous les frais entraînés par les vices cachés. Le défaut doit être antérieur à la vente et rendre les produits impropres à l'usage auquel ils sont destinés.
L’action en garantie pour vices cachés doit être intentée dans les plus brefs délais, au maximum 2 ans, à compter de la découverte des vices.
La Cour de cassation a notamment admis qu’une pollution du sous-sol pouvait constituer un vice caché au sens de l’article 1641 du Code civil (Cass. 3ème civ, 15 février 1989).

b. Les vices du consentement

Ultérieurement à la vente, l’acquéreur qui découvre une pollution dont l’origine est antérieure au transfert de propriété du site à son profit peut invoquer la théorie des vices du consentement.
Sur le fondement de l’article 1109 du Code civil, l’acquéreur peut alors demander l’annulation du contrat de vente du site en arguant de l’existence d’un vice du consentement.
Le consentement vicié de l’acquéreur peut résulter de l’erreur (article 1110 C.civ) ou du dol (article 1116 C.civ).
Pour vicier le consentement et entraîner la nullité du contrat, l’erreur doit être excusable, c'est-à-dire que l'analyse de la situation ne permettait pas au contractant de s'en apercevoir. Elle doit également porter sur les qualités substantielles de la chose, à savoir une qualité de la chose qui était considérée par le contractant comme motivant son consentement. Elle doit aussi être déterminante du consentement de l’acquéreur.
La Cour de cassation a ainsi prononcé la nullité d’un contrat de vente sur le fondement de l’erreur résultant des anomalies contenues dans les profondeurs du terrain cédé en raison d’une décharge avoisinante, empêchant le projet de construction de l’acquéreur ( Cass. 3ème civ, 21 juin 1995).

L’acquéreur peut également invoquer le dol pour obtenir l’annulation du contrat de cession d’un terrain pollué. Le dol vise des agissements trompeurs ou manœuvres dolosives, ayant entraîné le consentement de l’acquéreur et sans lesquelles il n’aurait jamais conclu le contrat de vente.
Pour obtenir la nullité du contrat de vente, l’acquéreur devra alors démontrer l’existence des manœuvres du vendeur, notamment quant à la dissimulation d’éventuelles pollutions au moment de la vente, et sans lesquelles il n’aurait jamais conclu le contrat ou des manouvres visant à améliorer la situation environnementale du site cédé, ayant déterminé l’acquéreur à contracter.


B. Les garanties de passif environnementales
A l’image des clauses de garanties de passif des cessions de sociétés, les clauses de garanties de passif environnementales consistent à encadrer le passif environnemental et les responsabilités qui en découlent entre l’acquéreur et le vendeur lors de la cession de sites ayant servi d’assiette à une installation classée (anciens sites industriels potentiellement pollués).

L’acquéreur doit apporter un soin particulier à la rédaction de ces clauses.
L’audit environnemental préalable est une étape nécessaire à la rédaction des clauses de garanties de passif environnementales.

1. L'audit environnemental préalable

L’audit environnemental préalable est surtout nécessaire pour l’acquéreur car il lui permet de se renseigner sur le terrain dont il souhaite devenir le propriétaire et de mieux évaluer les risques environnementaux qui seront transférés au moment de la cession, eu égard à l’usage qu’il compte en faire, en particulier s’il compte exploiter une installation classée sur ledit terrain.
Les parties doivent définir de manière précise la mission de l’expert environnemental qui va procéder à l’audit, le type d’audit souhaité (application des normes, de référentiels, de la méthodologie technique française…) ainsi que le contenu de l’audit (études historiques, investigations des sols ou des eaux souterraines, évaluation des coûts de réhabilitation…).

L’audit environnemental permet ainsi aux parties de détecter les pollutions, de déterminer leur nature, leur ampleur, leur origine et de déterminer les mesures de réhabilitation à réaliser, d’évaluer leurs coûts et de s’accorder sur la prise en charge financière de celles-ci.
Le contenu des clauses de garanties de passif environnementales dépend alors des résultats de l’audit.

2. Les diverses clauses de garanties de passif environnementales

Les clauses de garanties de passif permettent à l’acquéreur d’exercer des actions récursoires contre le vendeur, par exemple au moment de la découverte d’une pollution dont l’origine est antérieure à la cession du site et serait imputable aux anciennes exploitations du vendeur.

Ainsi, au moment de la conclusion du contrat de vente du site, l’acquéreur peut insérer dans le contrat une clause de garantie de passif stipulant qu’en cas de découverte d’une pollution dont l’origine est antérieure à la vente du site, le vendeur prendra en charge la réalisation des mesures de réhabilitation du site et indemnisera l’acquéreur des coûts financiers de cette réhabilitation.
Les parties peuvent également insérer dans le contrat de vente une clause de garantie de passif stipulant qu’en cas de recours des tiers contre l’acquéreur, ce dernier informera le vendeur qui aura la possibilité de prendre la direction du procès.
Ces clauses sont généralement associées à l’obligation pour l’acquéreur d’informer le vendeur de tout évènement susceptible d’entraîner la mise en jeu de la garantie de passif environnementale.
De manière générale, lors des cessions, l’appréhension du coût du risque environnemental est telle que les parties posent comme condition suspensive à l’acte de vente l’absence de découverte de pollution ou du sous-sol du terrain concerné. La promesse de vente d’un terrain peut alors être accordée sous la condition suspensive, stipulée au profit de l’acquéreur, de l’absence de pollution rendant le terrain impropre à sa destination.
L’acquéreur peut également stipuler une clause prévoyant la répartition de la charge financière de l’obligation de remise en état. Le vendeur et l’exploitant acquéreur s’entendent pour que le premier indemnise le second des conséquences d’éventuels dommages causés aux tiers du fait de l’état de pollution du site cédé. L’acquéreur renonce en contrepartie à exercer quelque recours que ce soit à ce titre contre le vendeur.
Toutefois, ces clauses contractuelles de garanties de passif environnementales ne sont pas opposables à l’administration (inspection des installations classées) et ne le sont pas non plus aux tiers en vertu de l’effet relatif des contrats.


II. Rédaction des garanties de passif environnementales lors de la reprise d'une activité sur un site pollué
Lors de la cession d’un site pollué, les risques liés à d’éventuelles pollutions du site sont transférés à l’acquéreur qui va exploiter à son tour une installation classée. Celui-ci doit être vigilant sur la rédaction des garanties de passif environnementales notamment concernant leur étendue et leur durée (A). La vigilance est d’autant plus recommandée lors des opérations de fusion acquisition du fait de la nécessité des garanties de passif environnementales (B).

A. Les vigilances inhérentes à la rédaction de la garantie de passif environnementale

1. Etablissement d'une procédure de mise en oeuvre de la garantie

Au moment de l’établissement des clauses de garanties de passif environnementales, afin de se prémunir de lourdes conséquences financières inhérentes à l’obligation de remise en état, il est important que l’acquéreur définisse avec le vendeur une procédure de mise en œuvre de la garantie de passif environnementale.
En effet, afin de pouvoir exiger du vendeur le paiement d’une dette qui lui incombe, il faut préalablement l’informer de la survenance de la condition posée pour le paiement de la dette.
Ainsi, l’acquéreur doit prévoir dans la garantie de passif une procédure d’information obligatoire du vendeur qui se sera engagé à toujours être joignable. Il doit notamment s’engager à transmettre ses coordonnées à l’acquéreur en cas de changement d’adresse et à désigner un représentant en France en cas d’expatriation.
De même, la garantie doit prévoir un délai de réponse du vendeur à l’information transmise par l’acquéreur ainsi qu’un délai pour s’exécuter. L’acquéreur peut alors veiller à stipuler que le non-respect de ces délais par le vendeur fasse non seulement courir des intérêts moratoires mais tienne également lieu, au même titre que l’absence de réponse, de reconnaissance de dette ou de consentement donné par le vendeur au règlement de la dette.

2. Vigilance quant à la négociation de l’étendue de la garantie

Lors de la reprise d’une activité industrielle sur un site pollué, l’obligation de remise en état incombe à l’acquéreur qui exploite une installation classée sur le site cédé puisque c’est ce dernier qui sera titulaire de l’autorisation préfectorale d’exploiter l’installation classée. Il devient ainsi l’interlocuteur de l’administration.
L’exploitant-acquéreur doit alors veiller à ce que tous les risques de pollution (air, eau, sol/sous-sol, milieu naturel) ainsi que les risques liés aux tiers soient couverts par la garantie du vendeur.

En raison de la complexité des questions liées à l’environnement, notamment en raison du fait que le risque environnemental recouvre à la fois les pollutions de l’air, de l’eau, du milieu naturel, du sol et du sous-sol et les risques liés aux tiers, la garantie de passif devra nécessairement contenir une obligation de gestion conjointe des pollutions. La contrepartie de cette précaution est l’obligation, précédemment évoquée, d’information permanente du vendeur. Cette précaution permet une gestion plus efficace du risque environnemental.
L’acquéreur doit également être vigilant quant au plafond de la garantie de passif environnementale. Le vendeur exigera souvent un plafond assez bas, arguant de l’absence de risque d’augmentation du passif environnemental. Or le coût de la remise en état est très variable, il est fonction des mesures de réhabilitions requises eu égard à l’ampleur de la pollution.
Lorsque les parties n’arrivent pas à un accord sur ce plafond, le recours à une couverture d’assurance assurant la partie du risque environnemental seulement probable peut être envisagé. Cette solution est plus économique que la souscription d’une garantie d’un montant très élevé.

3. Vigilance quant à la négociation de la durée de la garantie

L’obligation de remise en état pesant sur le dernier exploitant se prescrit par 30 ans (CE, 08 juillet 2005, Alusuisse Lonza France) .
L’exploitant semble alors libéré de toute contrainte de la part de l’administration des installations classées 30 ans après la déclaration de la cessation d’activité.
En pratique, l’administration peut toujours chercher le dernier exploitant d’un ancien site industriel même après l’écoulement de la prescription trentenaire à partir du moment où elle estime que des mesures de sécurisation du site sont encore nécessaires.

L’acquéreur d’un site ayant déjà servi d’assiette à une activité industrielle doit alors s’employer à convaincre le vendeur, lors de la cession de ce site pollué, de souscrire une garantie de passif environnementale d’une durée d’au moins 10 ans, voire une garantie un peu plus longue.
Eu égard à cette contrainte de la remise en état, il semble en effet, impossible de limiter la durée de la garantie de passif environnementale à la durée de deux ou trois ans couramment appliquée en matière fiscale ou sociale.
De plus, le Conseil d’Etat a consacré le caractère personnel de l’obligation administrative de remise en état du dernier exploitant (C.Cass. 3ème civ, 2 décembre 2009). Même si l’acquéreur qui a exploité une installation classée sur un ancien site industriel vend à son tour le site après la cessation d’activité, le nouveau propriétaire du site n’est pas débiteur de l’obligation de remise en état, tant qu’il n’exploite pas lui-même une installation classée sur ce site. L’acquéreur dernier exploitant reste alors le débiteur de l’obligation de remise en état, d’où l’intérêt de définir, au moment de l’acquisition du site pollué, une durée de garantie de passif environnemental la plus longue possible.

Enfin, la volonté de protection de l’environnement étant de plus en plus accrue de la part de l’administration, l’on peut penser que celle-ci élargira de plus en plus les cas dans lesquels le dernier exploitant d’une activité industrielle devra supporter la charge financière de la remise en état.
La position récemment adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne tend vers un accroissement des cas de responsabilité environnementale de l’exploitant d’une installation classée . En effet, dans deux arrêts du 9 mars 2010 (CJUE, 9 mars 2010, aff. C-378/08, Raffinerie Méditerranée (ERG) SpA et a.c/Ministero dello sviluppo economico, et CJUE, 9 mars 2010, aff. C-379/08, Raffinerie Méditerranée (ERG) SpA et a.c/Ministero dello sviluppo economico), la Cour de justice a posé le principe d’une présomption simple de responsabilité de l’exploitant d’une installation classée située à proximité d’une zone polluée.

Cette position est d’autant plus dangereuse pour l’exploitant que la Cour de justice opère un renversement de la charge de la preuve en donnant à l’administration la pouvoir discrétionnaire de présumer le lien de causalité entre la pollution et l’exploitant d’une installation classée du seul fait de la proximité de cette installation de la zone polluée. Si cette position de la Cour de justice tend à se généraliser, l’acquéreur d’un site industriel ayant déjà servi d’assiette à une installation classée aura donc tout intérêt à négocier une garantie de passif environnementale de longue durée afin de se prémunir au mieux face à l’élargissement du champ du risque environnemental transféré lors de la cession du site pollué.

Cette dernière jurisprudence est d’autant plus défavorable à l’exploitant et devrait davantage susciter la prudence de l’acquéreur au moment de l’acquisition d’un site pollué que lorsqu’il sera exploitant, en cas de pollution sur une zone située à proximité de son installation, si l’administration met le coût financier de la dépollution à sa charge, il lui sera difficile de distinguer les pollutions anciennes des pollutions imputables à son installation, surtout dans le cas de pollutions historiques ou diffuses.

Lors de l’acquisition d’un site pollué, l’acquéreur peut donc souligner le risque supplémentaire engendré par cette nouvelle jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne pour obtenir une durée de garantie d’au moins 10 ans. La durée de la garantie devrait être équivalente à la proximité du site d’une zone protégée.

B. Illustration des difficultés : le transfert de l’obligation de remise en état lors d’une fusion-acquisition

1. La responsabilité de la remise en état en matière de fusion-absorption

En cas de fusion-absorption, la jurisprudence a établi que la société absorbante était considérée comme l’ayant droit de l’ancien exploitant et à ce titre, comme le débiteur légal de l’obligation administrative de remise en état (CE, 10 janvier 2005, n° 252307, Société SOFISERVICE).
A ce titre, elle se voit prescrire la réalisation d’une évaluation détaillée des risques et de travaux de réhabilitation du site.

Lorsque l’activité exploitée appartient à un groupe de sociétés et que la fusion-absorption a lieu dans ce cadre, en se fondant sur les liens qui unissent la société exploitante à la société mère du groupe de sociétés, et s’il constate qu’en réalité cette dernière contrôlait l’activité sur le site industriel, le juge administratif peut mettre la responsabilité de la remise en état pesant sur la filiale exploitante à la charge de la société mère ( Cour administrative d’appel de Douai, 26 juillet 2001, Société AUXILOR).

2. Nécessité d'une garantie de passif environnementale lors d'une fusion-absorption d'une société exploitant une installation classée

Lors de la fusion-absorption, les garanties de passif sont importantes et l'absorbant doit notamment être vigilant quant à la durée de celles-ci.
Les garanties de passif environnementales sont souvent accordées pour une durée de 3 ans. Or, eu égard à la prescription trentenaire de l'obligation de remise en état, cette garantie de 3 ans est insuffisante.
La société absorbante étant débitrice de l'obligation de remise en état, elle sera démunie de toute garantie à l'expiration des 3 ans, d'où l'importance d'une garantie plus longue, voire même équivalente à la prescription de l'obligation de remise en état.
Une garantie d'au moins 10 ans serait plus sécurisante pour la société absorbant une société dont l'activité est polluante.

L'extension de la responsabilité de la remise en état par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne précédemment citée peut notamment être un argument majeur pour obtenir une garantie de passif environnementale sécurisante pour l'absorbant.