La taxe sur le carbone en France, et les gilets jaunes : le pollueur qui en a marre de payer ?

La taxe sur le carbone en France et dans la plupart des pays de l’UE, ces derniers jours, fait des mécontents et rencontre des soulèvements d’une envergue de plus en plus grandissante. Chaque week-end en France et récemment en Belgique et dans d’autres pays en Europe, c’est le blocage. Les gilets jaunes manifestent leur colère. On casse pille et la circulation est paralysée.
Que contient la taxe sur le carbone, et quel est son effet sur la protection de l’environnement ?
La taxe sur le carbone, une taxe finalement née en 2013 en France
Née du principe de pollueur-payeur, la taxe sur le carbone a été introduite en 2013 par le Gouvernement Jean-Marc AYRAULT, à travers la loi de Finance 2014, après deux tentatives législatives des gouvernements précédents échouées en 2000 et en 2010, à un taux de 7 €/tonne de CO2 émis.
Elle s’applique aux combustibles et aux carburants que nous utilisons dans la vie quotidienne, au prorata des émissions de CO2 qu’ils génèrent.
Elle est prélevée à la base par la douane et n’est ainsi pas directement « visible », car incorporée dans les droits d’accise énergétiques et principalement dans la « taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ».
Les gouvernements du quinquennat Hollande s’est gardé de communiquer sur un instrument que Ségolène Royal qualifiait en 2009 de « punitif » avant de le promouvoir quelques années plus tard dans le cadre de la loi de transition énergétique (2015).
Les français payent donc la taxe carbone depuis 2014, mais sans trop s’en rendre compte.
La fiscalité carbone existe dans la plupart de pays et dans l’UE.
Deux grandes vagues de mise en place de la fiscalité carbone en Europe.
De façon schématique, deux grandes vagues de mise en place de fiscalités, dans l’UE, incluant une part carbone peuvent être distinguées :
- Une première dans les années 1990 pour les pays nordiques (Finlande, Norvège, Suède, Danemark) ;
- la seconde à compter de 2008, moins ciblée géographiquement.
La mise en place d’une fiscalité carbone s’accompagne généralement d’un recyclage des recettes de la taxe visant soit :
- à compenser les ménages,
- à réduire les prélèvements assis sur le travail ou le capital,
- à consolider les recettes budgétaires,
- à renforcer la protection de l’environnement ou à la lutte contre le changement climatique.
Du fait de la baisse des cours du brut sur les marchés internationaux, la taxation sur le carbone est restée sans impact visible dans le panier de la ménagère ; même le contribuable le plus attentionné ne la constatait que sur les récépissés de paiement du carburant à la pompe. La taxe n’a donc, jusqu’alors pas été ressentie par la plupart des Français. Le recul des prix du pétrole a croisé la montée de la taxe en créant un équilibre jusqu’en 2017. Cela ne saurait durer longtemps.
La France passe à la vitesse supérieure dans le prélèvement de la taxe sur le carbone
La taxe sur le carbone, une taxe évolutive depuis sa mise en place en 2014
Dès sa naissance en 2014, la taxe sur le carbone a été programmée pour progressivement s’accroître ; Et son évolution depuis sa mise en œuvre suit constamment la trajectoire qui lui a été assignée. D’un taux de 7 €/tonne en 2014, elle est respectivement passée à 14,50 €/tonne 2015, à 22 €/tonne de CO2 en 2016 et 30,5 €/tonne de CO2 en 2017, pour atteindre 44,60 €/tonne en 2018, dépassant les 39€/tonne initialement prévues.
Elle est attendue à 65,40 €/tonne en 2020 et 86,20 € /tonne en 2022. Certains secteurs économiques bénéficient d'exemptions. Ces exemptions peuvent être totales ou partielles.
En 2018, les choses vont considérablement changer.
La monté de la taxe carbone à 44,60 euros dans le contexte de la légère flambée du prix du brut va entrainer un déséquilibre brutal ; Et de ce fait, les ménages sont appelés à payer plus pour le litre de carburant à la pompe.
Un ‘‘rétropédalage’’ sur le gasoil
Le ‘‘rétropédalage’’ sur la taxe sur le gasoil est dû au fait que l’essence était surtaxée et pour donner suite aux révélations scientifiques de ces dernières années, il ressort que l’essence serait moins polluante que le gasoil et de ce fait, pour encourager l’utilisation des véhicules a motorisation essence, il faillait réparer l’injustice sur la moindre taxation du gasoil, qui à la base coûte légèrement plus cher que l’essence. Pour ce fait, le gouvernement français décida qu’à partir de 2018, la taxe sur le litre du gasoil sera alignée au prix de celle sur l’essence. Ainsi, ces deux produits pétroliers seront taxés au même taux. De cet alignement, il ressort que le litre du gasoil coutera désormais un peu plus cher que le litre d’essence.

La France va battre des records sur la taxation du carbone

La France, à partir de 2018 est l’un des pays où la taxation du carbone est la plus onéreuse.
En effet, la France a adopté une politique dite ambitieuse compatible à un pays économiquement ouvert. C’est l’un des rares pays en 2018 où la tonne est facturée à plus de 40 euros. Et ces chiffres sont programmés pour franchir les 60 euro/tonne d’ici 2022
Sur le plan international, le niveau de la taxe carbone positionne dès 1ier janvier 2018 la France dans le club très restreint des pays tarifant la tonne de CO2 au-dessus de 40 euros. Une prolongation après 2022 du rythme de hausse décidé jusqu’en 2022 conduirait la France à dépasser le niveau actuel de la taxe suédoise, le plus élevé au monde, au cours du prochain quinquennat. Cette accélération va générer des résultats remarquables.
En renchérissant le coût des fossiles, la taxe carbone accélère le basculement vers les sources décarbonées et élargit le gisement économiquement rentable des économies d’énergie. L’expérience suédoise a montré qu’une taxation ambitieuse du CO2 pouvait être mise en place dans une économie très ouverte à la compétition internationale. En Suède, le découplage entre la croissance (PIB en hausse de 75 % relativement à 1990) et les émissions de gaz à effet de serre (en baisse de 25 % depuis 1990) est une réalité.
La taxe carbone suédoise s’applique aux émissions de CO2 non couvertes par le système européen d’échange de quotas.

Une taxe destinée à financer le développement durable
De 2014 à 2017, les taxes prélevées sont éjectées dans les secteurs vitaux de l’économie :
- L’emploi à travers le financement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à hauteur de trois milliards huit cent mille euros en 2016 ;
- Le financement de la transition énergétique par le financement des énergies renouvelables ;
- Financer la réduction de la dépendance au pétrole.
Ces mesures écologiques de la fiscalisation du carbone sont favorables au rééquilibrage de la balance commerciale et permettra à long et moyens termes aux familles de réduire leurs dépenses globales.
Les entreprises sont encouragées à se tourner vers d’autres sources d’énergie en dehors du pétrole (« en incitant à une amélioration de l’efficacité énergétique »).
A la suite des violentes manifestations depuis plusieurs semaines, le gouvernement d’Emanuel MACRON a pris la décision de suspendre la taxe sur le carbone jusqu’à nouvel ordre. Cette suspension n’a pas d’effet sur le niveau de la taxation depuis 2017. La suspension concerne l’évolution prévue pour l’année budgétaire 2018. La taxe est actuellement figée au prix de 2017 (30,5 euros/tonne).