L’arrêté du 8 juillet 2010, modifiant l’arrêté du 15 décembre 2009, détermine les seuils au-delà desquels une modification apportée à une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) est considérée comme un « changement notable » au sens des articles R. 512-33, R. 521-46-4 et R. 512-54 du Code de l’environnement et de ce fait doit être signalée au préfet.

I. Rappel

Lorsque l’exploitant d’une ICPE entend entreprendre une ou plusieurs modifications de son activité, il doit au préalable en informer le préfet et lui présenter l’ensemble des éléments d’appréciation du projet. A condition, toutefois, que la modification provoque un « changement notable » des éléments du dossier de demande d’autorisation ou de déclaration.
Si le préfet « estime » (articles R. 512-33 et R. 512-46-4 du Code de l’environnement), après avis de l'inspection des installations classées, que les modifications sont substantielles, il invite l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation ou d’enregistrement. Le mécanisme est identique pour les installations relevant du régime de la déclaration, à ceci près que l’inspection des installations classées ne donne pas son avis (article R. 512-54 du code précité). En revanche, si les modifications ne sont pas substantielles, le préfet peut toujours imposer des prescriptions complémentaires à l’exploitant.
Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où il existe des seuils quantitatifs et des critères (fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées) qui sont atteints, dès lors que le changement est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. Le préfet peut donc considérer qu’il y a modification substantielle même si ces seuils ne sont pas franchis.
Autrefois, aucun seuil ou critère objectif n’était prévu en matière d’ICPE. L’appréciation des dangers et inconvénients « significatifs » engendrés par des changements était faite par l’exploitant à partir de critères qualitatifs. Il décidait alors d’informer le préfet ou non (par précaution, il est toujours conseiller de passer l’information). Puis, s’il était tenu informé des modifications, le préfet déterminait si ces changements étaient substantiels ou non sur la base de critères également qualitatifs. L’absence de critère objectif, favorisait le subjectivisme administratif, et était source d’insécurité juridique pour les exploitants.
Un premier arrêté du 15 décembre 2009 a fixé les seuils au-delà desquels une modification apportée à une installation classée devait être considérée comme substantielle. Mais ces seuils ne concernent que les installations classées utilisant des solvants organiques. Pour les autres installations classées, l’appréciation des changements était, jusque là, faite par l’exploitant à partir de critères qualitatifs (sur ces questions, lire l’article de Melle Marie-Gabrielle Condamy http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=311).

II. Fixation de seuils et de critères objectifs

Désormais, un arrêté du 8 juillet 2010 (modifiant l'arrêté du 15 décembre 2009 fixant certains seuils et critères mentionné aux articles R. 512-33 et R. 512-54 du code de l'environnement, NOR: DEVP1017265A), introduit une liste des catégories d'installations pour lesquelles toute modification des capacités nominales supérieure ou égale aux seuils indiqués nécessite une nouvelle démarche administrative.
Il détermine les seuils au-delà desquels une modification apportée à une ICPE est considérée comme « substantielle » au sens des articles R. 512-33, Article R. 512-46-23 et R. 512-54 du Code de l’environnement et de ce fait doit être signalée au préfet.
Les activités industrielles visées sont très diverses : élevage intensif de volailles, abattoir, fabrication de papier et carton, fonderie de métaux ferreux, élimination des déchets dangereux, traitement des eaux résiduaires…
A titre d’exemple, cet arrêté définit, pour la rubrique 2210 de la nomenclature ICPE relative à l’activité d’abattage, à partir de quelle augmentation des effectifs/capacité de production il y a lieu de considérer qu'il y a une augmentation substantielle des dangers ou inconvénients pour l'environnement. Dans ce cas précis, il faut que l’augmentation des capacités de production des carcasses soit supérieure à 50 tonnes.

III. Le chemin de la sécurisation juridique

Les seuils et critères objectifs fixés ont vocation à améliorer la situation juridique des exploitants d’ICPE. Ils leur permettent d’anticiper, et ainsi de prévoir quelles modifications les obligeront à faire une nouvelle démarche auprès de l’administration. Ils peuvent faire des changements dans leur exploitation en fonction de ces seuils et critères. De plus, cela doit permettre de limiter le subjectivisme administratif et par là même harmoniser des décisions entre les préfets de département.
Cela ne peut se faire qu’à la condition, toutefois, que les seuils et critères soient déterminés en cohérence avec les spécificités des activités visées. Or, certains seuils établis par l’arrêté du 8 juillet 2010 manquent de lisibilité et parfois correspondent aux seuils de la directive IPPC 2008/1, lesquels n’ont parfois rien à voir avec ceux déterminés par la nomenclature ICPE française (plus sévère que le droit communautaire). L’arrêté du 8 juillet 2010 est calqué en partie sur le droit communautaire mais est en contradiction avec la nomenclature ICPE française. Juridiquement il n’apporte pas la sécurité attendue pour les exploitants d’ICPE. Ces seuils mériteraient d’être réétudiés. Pour exemple, la nomenclature ICPE indique qu’un abattoir est soumis à autorisation à partir d’une capacité de production journalière, en période de haute activité, de 5 tonnes. Si ce chiffre suffit à faire passer une installation d’abattage sous le régime de l’autorisation, il est difficile de comprendre qu’un changement puisse être considéré comme substantiel s’il conduit à une augmentation des effectifs/capacités de production supérieure à 50 tonnes.
De plus, malgré ces seuils, le préfet conserve le pouvoir de considérer, à partir de critères subjectifs, que la modification est substantielle. Or, si ces seuils sont fixés avec incohérence, le préfet va avoir tendance à ne pas leur faire confiance et à ne pas se reposer sur eux. Il continuera à intervenir à partir de critères subjectifs. Le mécanisme d’appréciation subjective de l’exploitant et du préfet perdurera jusqu’à ce que (pour certaines installations visées par l’arrêté du 8 juillet 2010) les seuils fixés par l’arrêté soient réévalués à la baisse.