Saisi par une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a décidé le 6 avril 2018 (décision QPC 6 avril 2018, n° 2018-698) que le premier alinéa de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est conforme à la Constitution.

Cet article énonce que « lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. »


Contexte de l’affaire :

En l’espèce, un syndicat de copropriétaires d’un immeuble situé près du rivage a demandé aux autorités administratives compétentes de réaliser des travaux de consolidation de la zone dunaire sur laquelle est situé l’immeuble en raison d’un risque d’érosion. Essuyant plusieurs refus, ce syndicat a demandé au Préfet de la région de mettre en œuvre la procédure d’expropriation pour cause de risque naturel prévue à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement en raison du risque d’effondrement de l’immeuble à cause du risque naturel que constitue le phénomène d’érosion côtière. Le Préfet a refusé de faire droit à sa demande.

Le syndicat a demandé l’annulation des décisions de rejet, ce qui l’a conduit jusqu’au Conseil d’Etat, devant lequel il a déposé une question prioritaire de constitutionnalité en estimant que les dispositions de l’article L. 561-1, alinéa premier du Code de l’environnement méconnaissaient :
- D’une part, le principe d’égalité devant la loi puisqu’elles excluraient le propriétaire d’un bien exposé au risque d’érosion côtière de cette procédure d’expropriation.
- D’autre part, le droit de propriété car le propriétaire d’un bien immobilier évacué par mesure de police en raison du risque d’érosion côtière, faute de pouvoir bénéficier des dispositions litigieuses, se trouverait exproprié sans indemnisation.


La décision du Conseil constitutionnel :

Concernant le principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel rappelle le principe selon lequel « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Il précise alors que l’intention du législateur était non pas de protéger tous les propriétaires d’un bien exposé à un risque naturel, mais de créer une procédure spécifique d’expropriation pour protéger les personnes habitant dans les logements exposés à certains risques naturels limitativement énumérés.

Ainsi, le législateur était en droit de traiter différemment le propriétaire d’un bien exposé à un risque d’érosion côtière et celui exposé à l’un des risques visés à l’article L. 561-1 alinéa premier du Code de l’environnement puisque ces personnes sont placées dans des situations différentes.

Le premier alinéa de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement ne méconnait donc pas le principe d’égalité devant la loi.



S’agissant du droit de propriété, le Conseil constitutionnel énonce que l’objet principal de la procédure d’expropriation est de priver le propriétaire de son bien. Ainsi, le refus d’engager une telle procédure au propriétaire d’un bien soumis à un risque d’érosion côtière ne peut pas constituer une atteinte au droit de propriété. Le premier alinéa de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement est également conforme à la Constitution sur ce point.


Le Conseil constitutionnel juge donc que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement ne méconnaissent aucun droit ou liberté garanti par la Constitution.