La santé et la sécurité au travail sont des sujets de préoccupation depuis la fin du XIXe siècle. Au départ surtout réservées au secteur industriel, ces problématiques touchent désormais toutes sortes d’entreprises et les employeurs sont tenus d’un certain nombre d’obligations en matière d’hygiène et de sécurité.

Le XXIe siècle voit cependant un nouveau type de risque émerger avec notamment l’apparition du stress professionnel. La récente vague de suicides dans de grandes entreprises et sa médiatisation a favorisé l’adoption de nouveaux textes règlementant ces nouveaux risques appelés « risques psychosociaux ». Ces derniers représentent en réalité les risques d’atteinte à la santé mentale.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la santé mentale est « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ».

Sous cette appellation de risques psychosociaux sont regroupés le stress, le harcèlement moral ou sexuel, les violences et le suicide. En dehors du harcèlement, aucun d’eux n’est régi par un texte législatif. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont ignorés du monde politique. Ils font en effet l’objet d’une réelle prise en compte nationale et européenne. Ainsi, ils figurent au centre du plan de santé au travail 2010-2014 lancé dernièrement par le gouvernement.

Par ailleurs, les partenaires sociaux, largement impliqués sur tous ces sujets, sont à l’origine de deux importants accords nationaux interprofessionnels (ANI) portant sur la matière :
- ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail ;
- ANI du 26 mars 2010 sur le harcèlement et les violences au travail.

La gestion des risques psychosociaux suppose, d’une part, d’être capable de prévenir ces risques (I) et, d’autre part, de connaître les conséquences de la réalisation de ces mêmes risques (II).


I. La prévention des risques psychosociaux


Prévenir les risques psychosociaux est une démarche capitale pour éviter leur réalisation (b). Il est nécessaire pour cela de bien connaître ces risques (a).


a. Typologie des risques psychosociaux

La difficulté de la prévention des risques psychosociaux réside dans le caractère très varié de ces derniers. Ce terme recouvre en effet une multitude de réalités différentes. Il est donc important de bien connaître chacune d’elles pour pouvoir les appréhender au mieux.

Le harcèlement moral, tout d’abord, correspond, aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail correspond à des « agissements répétés […] qui ont pour objet ou pour effet une dégradation [des] conditions de travail [susceptibles] de porter atteinte [aux] droits et à [la] dignité, d'altérer [la] santé physique ou mentale ou de compromettre [l’] avenir professionnel » du salarié.
Quant au harcèlement sexuel, il s’agit, selon l’article L.1153-1 du Code du travail, d’agissements en vue « d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ».

En ce qui concerne le stress, selon l'Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail, « on parle de stress au travail lorsqu’il existe un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement professionnel et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. On distingue les situations de stress aigu (quand une personne doit faire face à un événement ponctuel) et des situations de stress chronique, lorsque cette situation est durable. Il en résulte des conséquences sur la santé des salariés et des dysfonctionnements dans l’entreprise ».

Le Bureau International du Travail définit la violence au travail comme «toute action, tout incident ou tout comportement qui s’écarte d’une attitude raisonnable par lesquels une personne est attaquée, menacée, lésée ou blessée dans le cadre du travail ou du fait de son travail :
- la violence au travail interne est celle qui se manifeste entre les travailleurs, y compris le personnel d’encadrement ;
la violence au travail externe est celle qui s’exprime entre les travailleurs (et le personnel d’encadrement) et toute personne présente sur le lieu de travail ».

Enfin, les suicides, comme les tentatives de suicide, peuvent être reconnus comme des accidents du travail lorsqu’ils surviennent, selon la Cour de cassation, « par le fait du travail ». Ils constituent en réalité la forme la plus dramatique des risques psychosociaux.


b. Démarche de prévention des risques psychosociaux


La prévention des risques professionnels, d’un point de vue général, est organisée par les articles L. 4111-1 et suivants du Code du travail. Il s’agit d’une véritable obligation à la charge de l’employeur. L’article L.4121-1 du Code du travail dispose ainsi que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

L’article L. 4121-2 du même code énonce ensuite un certain nombre de principes généraux de prévention que l’employeur est tenu de suivre.

Les risques psychosociaux sont particulièrement difficiles à appréhender et donc leur prévention est délicate à organiser. Les employeurs doivent le plus souvent faire preuve de créativité pour mettre en place des actions efficaces. Trois modes de prévention se distinguent cependant :

- la formation : elle permet de sensibiliser le personnel aux problématiques de risques psychosociaux et de leur apprendre à leur faire face ;
- la négociation : nouvel outil de prévention, elle est indispensable pour construire un réel dialogue constructif en la matière et percevoir le climat général de l’entreprise ;
- le recours à un consultant externe : l’intervention d’un acteur neutre peut favoriser le déblocage de certaines situations particulièrement tendues. De plus en plus de grandes entreprises font désormais appel à des cabinets d’experts pour élaborer des plans de prévention.

L’employeur n’est pas seul en matière de santé et sécurité au travail. Il s’appuie en effet sur un certain nombre d’acteurs, tels que le CHSCT, la médecine du travail, l’agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail, l’inspection du travail…


II. La réalisation des risques psychosociaux


Outre la recherche de responsables (a), la réalisation des risques psychosociaux présente un certain nombre de conséquences, aussi bien à l’égard du salarié que de l’employeur (b).


a. Régimes de responsabilité


La réalisation des risques psychosociaux emporte la mise en œuvre de régimes de responsabilité. L’employeur est le premier concerné puisqu’il est titulaire d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés. Cette obligation trouve son fondement dans l’article L. 4121-1 du Code du travail et c’est la Cour de cassation, par les arrêts « Amiante » du 28 février 2002, qui en a défini la nature. Elle a par ailleurs déterminé dans cet arrêt que « le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable lorsque l’employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Cette faute inexcusable a pour conséquence d’aggraver la responsabilité de l’employeur et de permettre à la victime d’obtenir une réparation complémentaire de son préjudice.

La responsabilité pénale de l’employeur, personne physique comme personne morale, peut également être recherchée puisque la méconnaissance des prescriptions en matière d’hygiène et de sécurité a pour conséquence l’atteinte à l’intégrité physique des travailleurs. Le Code pénal prévoit donc plusieurs peines dans la matière.

Les salariés sont aussi susceptibles de voir leur responsabilité civile et morale engagée. En effet, même si sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil le salarié n’est pas responsable des actes qu’il commet dans le cadre de son travail, il perd cette immunité civile dès lors qu’il agit hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. En outre, dès lors qu’il commet une faute pénale intentionnelle, il engage sa responsabilité pénale.
Enfin, il convient de ne pas négliger que les salariés ont des obligations légales en matière de sécurité : ils sont tenus, en vertu de l’article L. 4122-1 du Code du travail « de prendre soin […] de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Les salariés risquent par ailleurs leur responsabilité disciplinaire au sein de l’entreprise puisque l’employeur a toujours la possibilité, dans le cadre de son pouvoir de direction, de les sanctionner.


b. Impacts de la réalisation des risques psychosociaux


Les conséquences de la réalisation des risques psychosociaux sont bien évidemment nombreuses. De manière succincte, il est ainsi possible de mentionner des impacts probatoires et financiers.

Concernant le salarié, une difficulté va se ressentir dans la preuve du caractère professionnel du préjudice qu’il a subi. En parallèle, il sera également délicat pour l’employeur de prouver que le risque qui s’est réalisé trouve son origine à l’extérieur de l’entreprise.

Les impacts de la réalisation des risques psychosociaux sont par ailleurs économiques. Les retombées ne sont pas négligeables pour l’employeur qui va devoir engager des frais pour indemniser le salarié victime, mais également pour faire cesser le risque. L’image de l’entreprise est souvent touchée par la réalisation de ces risques. C’est pourquoi, il est finalement dans l’intérêt de l’employeur de ne pas négliger leur existence et de tout faire pour les éviter.