Le concept de fiscalité écologique est apparu en 1999 avec l’institution de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cette taxe est divisée en plusieurs composantes selon la nature de l’activité.

Prenons le cas de la composante "déchets" de la TGAP qui constitue aujourd’hui le principal instrument de la fiscalité sur les déchets. La fiscalité sur les déchets est un moyen de définir un cadre économique qui incite à la valorisation et au recyclage plutôt qu’à la mise en décharge et à l’incinération. Aujourd’hui, malgré une augmentation des taux de la taxe générale sur les activités polluantes « déchets », les coûts de mise en décharge et d’incinération peuvent parfois être inférieurs aux coûts de valorisation, et ce de façon plus accrue pour les territoires isolés comme les territoires d’outre-mer.

En 2017, le taux de référence de la TGAP pour le stockage atteignait 40 euros la tonne, mais le taux moyen effectivement payé s’élevait à 22 euros la tonne du fait des exonérations (certification, valorisation biogaz et bioréacteur). De même, pour l’incinération, le taux moyen effectivement payé n’était que de 6 euros la tonne pour un taux de référence de 15 euros la tonne. Même si cette différenciation des taux de TGAP a dans un premier temps incité les exploitants d’installations de stockage ou d’élimination de déchets à améliorer les performances énergétiques et environnementales de leurs installations, ces taux réduits doivent être amenés à disparaitre si l’on veut que la TGAP rende véritablement la filière du recyclage et de la valorisation plus compétitive.

Ainsi, pour rendre la valorisation des déchets moins onéreuse que leur élimination et permettre une transition vers un modèle d’économie circulaire à travers une fiscalité incitative, des propositions ont été faites en ce sens. La loi de finances rectificative de décembre 2016 prévoit une trajectoire en hausse du taux de référence de la TGAP déchets jusqu’en 2025. La feuille de route pour l’économie circulaire propose également de réaliser un calendrier d’extinction des tarifs réduits de la TGAP, sauf concernant le tarif spécifique pour l’incinération qui présente une performance énergétique élevée.

La fiscalité, aujourd’hui est focalisée sur la gestion des déchets. Plusieurs propositions ont été faites pour introduire une fiscalité "amont" qui consisterait à orienter les choix des producteurs.

Le commissariat général au développement durable a donc proposé la mise en place d’une fiscalité portant sur les matières incorporées dans l’appareil productif. Il s’agirait de taxer les flux physiques des matières qui circulent dans l’économie, c’est-à-dire à la fois les entrées liées aux prélèvements de ressources naturelles primaires et les sorties sous forme de déchets. En pratique, le taux de cette taxe devrait être modulé en fonction de la nature des matières et de leurs coûts environnementaux. Dans un même ordre d’idée, le rapport Vernier propose d’étudier la création d’une TGAP "amont" sur tous les produits qui n’entrent pas dans le cadre d’une filière REP (responsabilité élargie du producteur). Le but de ces mesures n’est pas d’évincer la TGAP déchets, et donc la fiscalité en aval, mais d’orienter le comportement du producteur vers des matériaux plus respectueux de l’environnement.

Il existe en France depuis 2000 une TGAP amont sur l’extraction de granulats. Cette taxe pourrait être très efficace si son taux était plus élevé. A titre de comparaison, une taxe sur les granulats a été mise en place au Royaume-Uni depuis 2002, qui est douze fois plus élevée que la taxe française et témoigne du potentiel d’efficacité d’une telle fiscalité. En effet, cette taxe correspond à 20% du prix de la matière, ce taux ayant été fixé à partir d’une estimation des coûts environnementaux liés à l’extraction. Pour se prémunir de toute perte de compétitivité, le Royaume-Uni utilise un mécanisme d’ajustement aux frontières permettant de taxer les importations et d’exonérer les exportations. Depuis 2002, le Royaume-Uni a ainsi observé une augmentation de l’utilisation de granulats recyclés, qui correspond à un quart de la consommation totale, ce qui est cinq fois plus que la moyenne européenne.

Des solutions existent bien pour faire de la fiscalité, un instrument au service de la transition vers un modèle d’économie circulaire, notamment grâce à sa fonction incitative. En effet, renforcer le rôle incitatif de la fiscalité conduirait à orienter le comportement des opérateurs vers non seulement une production moins énergivore grâce à l’utilisation de ressources primaires secondaires, mais également à favoriser les filières de valorisation et de recyclage des déchets. Pour que cette fiscalité fonctionne, il faut également qu’elle soit bien affectée. A l’heure où la loi de finances 2018 a supprimé l’affectation de la TGAP "déchets" à l’Ademe qui avait mené jusque-là un vaste programme d’aides pour promouvoir le recyclage des déchets, et l’a affectée au budget de l’Etat, et où la feuille de route pour l’économie circulaire ne reprend pas la proposition de créer une fiscalité amont, il est possible de douter sur l’évolution de l’efficacité de la fiscalité environnementale.