INTRODUCTION

Le 12 juillet 2010, au terme de débats parlementaires houleux, était promulguée la loi portant engagement national pour l’environnement. Polémiques et controverses ont émaillé l’ensemble de son processus législatif. Cette atmosphère rompait singulièrement avec le « consensus » observé lors des assises du grenelle de l’environnement, tenues à l’automne 2007.
Le vote de la loi a marqué l’étape finale du processus du Grenelle et, constitue la réponse politique aux questionnements suscités par la crise écologique actuelle. Les conséquences sur le plan juridique sont incontestables. Ce « monument législatif » revisite différentes disciplines juridiques. Quelle est l’ampleur des changements ainsi initiés ? La loi permettra-t-elle d’atteindre les objectifs du grenelle ? Seules la pratique et la mise en œuvre de ses dispositions permettront d’y apporter une réponse définitive. Toutefois, rien ne s’oppose à ce stade, d’analyser la portée à la fois juridique et politique de ce texte, tant les deux aspects paraissent imbriqués. Pour y parvenir, l’exercice exige de le décrypter, en procédant à une analyse tant de la lettre, que de l’esprit de la loi. Ce qui permettra d’envisager successivement les aspects juridiques (I) et politiques (II) de la loi grenelle II.

I. Les impacts juridiques du grenelle II

La loi grenelle II entraînera la modification d’environ une vingtaine de codes et pas moins d’une dizaine de lois. C’est dire, si les conséquences juridiques de ce texte ne sont pas négligeables. Pour preuve, en plus de la signature de Président de la République lors de sa promulgation, outre la signature du Premier Ministre, le texte publié au Journal Officiel comporte les signatures de : 8 Ministres, 1 Ministre délégué et 4 secrétaires d’État.
En termes de bilan juridique, si le texte comporte d’importantes avancées (A), il enregistre sur quelques points notables, malheureusement, des reculs significatifs (B).

A. Les nouvelles réglementations environnementales

Elles concernent principalement les disciplines environnementales (1) et d’autres champs juridiques (2).

1) Les principaux impacts environnementaux
On ne peut que se féliciter de l’enrichissement du droit de l’environnement dans son ensemble et de certains champs en particulier dont :

a) Le droit de la biodiversité, au travers de la consécration de la notion de « la trame verte et bleue », qui désigne un outil majeur d’aménagement du territoire qui vise à la restauration écologique du territoire. Leur institution a pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural (art. 126). Le texte innove par ailleurs, en introduisant la notion de « continuité écologique ». La démarche vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échange sur le territoire national pour que les espèces animales et végétales puissent communiquer, circuler, s’alimenter, se reproduire et assurer ainsi leur survie.
Afin de favoriser les actions de protection de la biodiversité, sera créée une instance de gouvernance et de pilotage, avec pour mission de définir les objectifs à atteindre dans ce domaine et les programmes d’actions correspondants (art.123). La loi propose l’élaboration, lorsque la situation des espèces visées le justifie, des plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement de ces espèces (art.129). Par ailleurs, sont institués les Conservatoires botaniques nationaux, personnes morales publiques ou privées, sans but lucratif, agréées par l’Etat et qui, exercent une mission de service public. Il en est de même des Conservatoires régionaux d’espaces naturels.
L’objectif de préservation de la biodiversité conduit à autoriser les Agences de l’eau, à acquérir des zones humides particulièrement menacées, à des fins de conservation (art.133).

b) Le droit de l’énergie dont les changements intervenus visent à résoudre les problématiques liées aux changements climatiques. L’ensemble des mesures prévues nourrit l’ambition de réduire la consommation énergétique et de prévenir les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, sont institués sous la responsabilité du préfet et du président du conseil régional, les « schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie ». Ce schéma fixe à l’échelon du territoire régional et à l’horizon 2020 et 2050 : les orientations permettant d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter, les orientations permettant d’atteindre les normes de qualité de l’air, et par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre et renouvelable (art.68).
La suite des changements initiés conduira à obliger les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 50 000 habitants à établir, d’ici le 31 décembre 2012 un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. De même, les collectivités de pus 50 000 habitants devront adopter un plan énergie-climat à l’horizon 2012 (art.75). Par ailleurs, la loi soumet les entreprises à des obligations d’économies d’énergie qui mettent à la consommation des carburants automobiles, et dont les ventes annuelles sont supérieures à seuil déterminé par décret.
Dans le domaine des énergies renouvelables, est institué au sein du Conseil supérieur de l’énergie, un Comité de suivi des énergies renouvelables afin de surveiller la progression vers l’objectif de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation de l’énergie finale en 2020. Est ainsi créé, un schéma régional éolien qui, grâce aux zones de développement de l’éolien devra favoriser le développement de cette forme d’énergie.

c) Le droit des pollutions et des déchets comportent également de nombreuses innovations. Les dispositions concernent diverses nuisances. Tout d’abord la pollution visuelle : la nouvelle réglementation vise à interdire toute publicité, en dehors des agglomérations (art.36). Ensuite, sont visées des nuisances lumineuses et sonores. Afin de prévenir ou de limiter les dangers aux personnes et à l’environnement des prescriptions peuvent être imposées pour réduire les émissions en cause. L’encadrement concerne les prescriptions techniques, l’autorité administrative chargée du contrôle. En matière de lutte contre la pollution de l’air, sera mis en œuvre le nouveau plan national de réduction des particules, des oxydes d’azote et d’ammoniac. La loi consacre également des dispositions nouvelles à la qualité de l’air intérieur. Il reviendra à l’Etat de coordonner les travaux d’identification des facteurs de pollution ainsi que l’évaluation des expositions et des risques sanitaires relatifs à la qualité de l’air dans un environnement clos. Au-delà, le texte prévoit l’expérimentation des zones d’actions prioritaires pour l’air, dont l’accès sera interdit aux véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique (art.182). En matière de déchets, le texte renforce les dispositions relatives à la production et la distribution des produits générateurs de déchets. Les producteurs, importateurs et distributeurs assujettis à la nouvelle réglementation devront mettre en place des systèmes individuels de collecte et de traitement de déchets issus de leurs produits ou mettre en place collectivement des éco-organismes.

2) Autres disciplines juridiques

La loi impacte, au-delà du simple droit de l’environnement de nombreuses disciplines. Deux champs disciplinaires principaux sont ici concernés :

a) Le droit de l’urbanisme et de la construction

La principale disposition en matière de construction concerne l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Sont concernées les constructions nouvelles. Un décret en Conseil d’Etat procèdera à la création d’une attestation, qui apportera la preuve de la prise en compte de la règlementation thermique par le maître d’œuvre, ou en son absence par le maître d’ouvrage. Cette attestation doit être établie selon les catégories de bâtiments neufs ou des parties nouvelles de bâtiments soumis à permis de construire, par un contrôleur technique. Dorénavant, en cas de location, le diagnostic de performance énergétique sera joint à de fins d’information au contrat de bail. A partir de janvier 2011, en cas de vente- location ou de vente d’un bien immobilier, le classement du bien au regard de sa performance énergétique, devra être mentionné dans les annonces relatives à la vente ou à la location (art.1er). La loi propose également de faciliter l’accès des copropriétés aux améliorations énergétiques.
Le droit de l’urbanisme subit des modifications qui s’appliquent notamment au permis de construire qui ne pourra s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables, ou permettant d’éviter l’émission des gaz à effet de serre (art.12). Le grenelle II renforce le code de l’urbanisme en tant qu’outil du développement et de l’aménagement durables au travers des outils de planifications. Tel est le cas des « Directives territoriales d’aménagement et de développement durables » (DTADD), qui peuvent déterminer les objectifs et orientations de l’Etat en matière d’urbanisme, de logement, de transports, de déplacement, etc. Les autres outils à savoir, les SCOT, les PLU et les cartes communales devront à leur tour, déterminer les conditions permettant d’assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : l’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, l’utilisation économe des espaces natures, etc.

b) Le droit des transports

Les nouvelles mesures visent à assurer la cohérence d’ensemble de la politique de transports dans le respect des engagements écologiques du grenelle de l’environnement. Le principal levier choisi dans ce sens est le développement des transports collectifs urbains et périurbains. A cet effet, la loi consacre la notion « d’autopartage », définie comme la mise en commun au profit d’utilisateurs abonnés d’une flotte de véhicules de transports terrestres à moteur. Le label « autopartage » sera attribué et utilisé dans les conditions à définir par décret. Dans l’optique du développement des véhicules électriques et hybrides, les communes peuvent créer et entretenir les infrastructures de charge nécessaire à l’usage de ces véhicules.
La loi innove encore, et met en place une expérimentation des péages urbains. Seront concernées, les agglomérations de plus de 300 000 habitants dotées d’un plan de déplacement urbain et qui prévoit la réalisation d’un transport collectif en site propre. Une tarification des déplacements effectués au moyen des véhicules terrestres à moteur, pourra être instituée à titre expérimental pour la circulation automobile et lutter contre la pollution et les nuisances environnementales. Toutes ces mesures appellent une révolution culturelle, pour rentrer, comme l’indique le slogan du Grenelle dans le monde d’après. Cette hardiesse culturelle attendue des citoyens, l’était davantage de la part du gouvernement dont le texte final, sur bien de points enregistre de nombreux reculs.

B. Les reculs du grenelle II

On est animé par des sentiments contradictoires à la lecture du texte définitif du Grenelle II. Avancées, innovations, reculs et abandons sont les sentiments qui dominent. À la décharge du gouvernement, plaide l’immensité de la tâche que reflète l’ampleur de la thématique abordée. Sans prétendre à l’exhaustivité, les principaux reculs identifiés concernent l’environnement (2) et la gouvernance (1).

1) La gouvernance environnementale : le cas de la responsabilité sociétale environnementale (RSE)

La responsabilité sociétale environnementale dont l’origine est internationale, avait été annoncée par M. Koffi ANNAN (l’initiative Global Compact en 1999) ancien Secrétaire général des Nations unies. Il s’agissait d’une démarche qui visait, à proposer aux entreprises d’adhérer à dix grands principes dans les domaines des droits de la personne, du travail et de l’environnement. Au niveau communautaire, le Conseil européen de Lisbonne (mars 2000), inscrivait la RSE au rang des priorités politiques, ce que confirmait le Livre verts de la Commission sur la RSE, publié le 18 juillet 2001.
La tendance ainsi amorcée au niveau international et communautaire allait gagner progressivement l’hexagone. La loi n° 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, étend ces exigences aux sociétés cotées en bourse. Le rapport annuel d’activité doit prendre en compte les conséquences environnementales des activités de l’entreprise, y compris les émissions dans l’air de gaz à effet de serre. L’article 116 de la loi concerne la façon dont les entreprises prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité.
Le grenelle II offrait l’opportunité de renforcer les dispositions en matière de RSE, compte tenu des impacts négatifs des activités économiques sur l’environnement. Il fut un temps question, dans l’avant projet du texte (article 83) d’instituer des indicateurs environnementaux et sociaux, critères qui auraient permis de renforcer la gouvernance environnementale dans le monde économique. Cette disposition n’aura finalement pas été retenue. Il est vrai que la nouvelle loi invite les sociétés d’investissement et de gestion à mentionner dans leur rapport annuel, la prise en compte des objectifs sociaux, environnementaux et de gouvernance dans leur politique d’investissement (article 224).
Dorénavant, les sociétés devront indiquer la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales, ainsi que les engagements sociétaux en faveur du développement durable (article 225). Ces dispositions ne constituent qu’une reprise de la loi de 2001. En l’état actuel, il est illusoire de penser que ces différents textes, conduisent à des changements de comportement nécessaires de la part des acteurs économiques.

2) Les contradictions environnementales : le cas de la préservation de la biodiversité

L’un des objectifs fondamentaux de la loi demeure la préservation de la biodiversité. Il imposait de prendre des mesures, notamment dans le domaine agricole dans lequel l’usage des produits chimiques nuit à la préservation de la qualité de l’environnement et de la biodiversité. S’il est un domaine dans lequel était attendue la loi, c’est bien celui de l’usage des pesticides agricoles. Sur ce point, le silence du Grenelle II est sidérant.
Certes, le texte se propose d’encadrer les activités de conseil et de vente des produits phytopharmaceutiques, et d’interdire, sauf dérogation, l’épandage aérien des produits phytopharmaceutiques (article 103) et limiter ou interdire leur usage dans les espaces utilisés par le grand public, ou des groupes des personnes vulnérables (article 102). La loi élargit aussi la responsabilité des fabricants ou importateurs de ces produits à l’élimination des produits dont l’autorisation a été retirée (article 100).
Toutes ces dispositions ne sauraient faire oublier l’omerta du texte sur les pesticides. Il s’agit d’une occasion manquée, de trouver une solution pérenne, à cette problématique de l’agriculture industrielle. La prolifération des algues toxiques, la pollution des rivières et des nappes phréatiques constituent autant de méfaits de ces produits chimiques dont les effets néfastes sur la préservation de la biodiversité sont avérés. Par cette attitude, le gouvernement renonce à promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement.
Par ailleurs, si on l’on peut se réjouir de la consécration juridique de la trame verte et bleue, qui participe à l’objectif de préservation de la biodiversité ; on ne peut s’interroger sur l’opposabilité juridique de ces instruments. La création de ces « corridors écologiques » est censée conditionner la réalisation d’infrastructures à la protection de la faune, la flore et de l’espace naturel. Il s’agit de la contribution essentielle de loi à la protection de la biodiversité. Son opposabilité aurait constitué un signal écologique fort à l’endroit des aménageurs de tout acabit, dont les projets portent très souvent atteinte à l’environnement. Une fois de plus, le gouvernement ne va jusqu’au bout de la logique afin que le discours soit suivi des actes concrets. Ses atermoiements renforcent le sentiment de gâchis politique qui domine la fin du processus du Grenelle.

II. L’échec politique du Grenelle II

Il suffit pour cela, de se remémorer l’enthousiasme, l’espoir que véhiculait l’initiative du grenelle de l’environnement. Les excès du développement en cours exigeaient un nouveau départ, un nouveau consensus écologique, qui n’était pas sans rappeler « Le contrat social » de Rousseau (A). Force est de constater, trois ans plus tard que les mannes de Rousseau n’auront pas aidé à fonder ce nouveau consensus social et écologique (B).

A. La « mystique rousseauiste » du Grenelle de l’environnement

La logique du Grenelle s’inspire profondément de la philosophie du Pacte Social (1), dont s’est inspiré à son tour, Nicolas HULOT avec son pacte écologique (2) dont le grenelle de l’environnement n’était qu’une caisse de résonance.

1) Du Contrat social…

Le sens fondamental de l’approche « rousseauiste » du Contrat social est de donner la primauté à la volonté générale, au bien commun. Ne dit-il pas à propos du Contrat que toute société n’est pas une association politique. Le « vrai fondement de le société » est « l’acte par lequel un peuple est peuple ». Le peuple se constitue par le pacte social dans lequel chacun renonce à son indépendance et à sa puissance naturelle pour devenir souverain, à égalité avec les autres membres du corps politique. La volonté générale est alors la seule qui a le droit de vouloir pour tous par le moyen de la loi. Son objet est le bien commun.
Sans forcer les traits, l’opération Grenelle de l’environnement avait pour but de trouver, autour d’un consensus, les solutions face à la détérioration de notre bien commun : l’environnement. C’est sans doute le sens qu’il convient de donner aux différentes étapes du grenelle en 2007. La première étape s’est déroulée du 15 juillet au 25 septembre 2007. Il s’agissait d’une phase de dialogue et d’élaboration des propositions d’action entre 5 collèges (Etat, collectivités locales, entreprises, syndicats et ONG), répartis dans 6 groupes thématiques.
Du 28 septembre au 19 octobre 2007, la deuxième étape a donné lieu à la consultation de différents publics. Deux mois de consultation nationale durant lesquels ont été organisés : 19 réunions en région, 8 forums sur internet, 2 débats au parlement, 31 organes consultatifs saisis. Les 24, 25 et 26 octobre 2007, consacrait la troisième étape réservée aux négociations et aux décisions. La quatrième étape, à partir de décembre 2007 consacrait le passage à la mise en œuvre opérationnelle. 34 comités opérationnels ont été lancés avec pour mission de proposer des actions concrètes pour mettre en œuvre les engagements. Il s’est agi de larges consultations, qui visaient à créer les conditions d’un large consensus à la hauteur des enjeux climatiques. Cette mobilisation du grenelle répondait à l’appel, lancé par Nicolas HULOT au travers de son Pacte écologique.

2) … Au Pacte écologique

Le Grenelle de l’environnement n’était qu’une caisse de résonnance du fameux Pacte écologique lancé par M. HULOT juste avant l’élection présidentielle d’avril 2007. Ce document appelait à engager de profondes mutations économiques, sociales et culturelles de nos sociétés en s’appuyant sur une mobilisation collective. Le Pacte joue sur la symbolique « rousseauiste » en adoptant à la fois sa sémantique et sa démarche politique.
L’auteur du Pacte insiste sur l’urgence qu’il y a à agir pour sauver notre bien commun. Les travaux des experts nourrissent son rôle d’alerte écologique. À ce propos, les signes sont loin d’être rassurants : changement climatique, extinction des espèces, épuisement des ressources, raréfaction et contamination de l’eau, pollutions, maladies émergentes… L’humanité entière est menacée et les populations les plus démunies sont les premières frappées.
Le Pacte écologique reposait sur 10 objectifs largement repris par le Grenelle :
- Économie : vers une logique de durabilité ;
- Énergie : organiser la baisse de la consommation ;
- Agriculture : produire autrement ;
- Territoire : contenir l’extension périurbaine et relocaliser les activités humaines ;
- Transport : sortir du tout routier ;
- Fiscalité : établir le véritable prix des services rendus par la nature ;
- Biodiversité : faire entrer la nature dans l’aménagement du territoire ;
- Santé : prévenir avant de guérir ;
- Recherche : faire de l’environnement un moteur de l’innovation ;
- Politique internationale : prendre l’initiative.
Pour la petite anecdote, le Pacte écologique est devenu un engagement politique, puisque signé par les candidats à la présidentielle. Le consensus qui a accompagné la signature du Pacte écologique, l’organisation du Grenelle et même le vote de la loi Grenelle I, a finalement volé en éclats avec la loi Grenelle II.

B. Les mannes inopérantes de ROUSSEAU

L’atmosphère qui a entouré le vote du Grenelle II, confirme la sensibilité de la question écologique, que traduit l’absence de consensus social autour de l’éolien (1). Censée inaugurer une nouvelle ère économique, sociale et culturelle, la loi Grenelle II restera politiquement une occasion manquée. Il n’est pas certain que les mesures votées, permettent à terme, d’initier les changements nécessaires qui permettent de résoudre la crise écologique actuelle (2).

1) L’éolien ou le syndrome NIMBY

La volte face gouvernementale entre le vote des deux lois grenelle dénote d’une imposture environnementale, et reflète la difficulté du corps social à accepter la légitimité d’une mesure pourtant plébiscitée pour son caractère écologique. La fronde observée autour de l’éolien, rappelle à bien des égards le syndrome NIMBY (Not in my backyard), qui veut dire « pas dans mon jardin ». Né aux États-Unis dans les années 60, il désigne l’attitude des personnes qui veulent tirer profit des avantages d’une technologie moderne, mais qui refusent de subir dans leur environnement proche les nuisances liées aux infrastructures nécessaires à son installation.
On s’y retrouve, avec les polémiques qui entourent le développement des parcs éoliens. Le groupe des frondeurs, composé majoritairement des élus locaux, milite ouvertement contre l’installation des parcs éoliens dans leurs circonscriptions administratives. La contradiction est flagrante à ce propos. Elle pourrait être résumée ainsi : oui à l’énergie éolienne, mais non aux machines. Cette contradiction résume à elle seule toute l’ambiguïté autour de la perception de cette énergie. Séduisante par son côté écologique, mais problématique dans la mesure où, elle contrarie les priorités et les enjeux économiques et sociaux locaux. Les bienfaits de cette énergie représentent finalement, bien peu de choses face aux préoccupations immédiates des populations et des élus locaux.
Ces derniers tendent à privilégier la logique des territoires, au détriment de l’intérêt collectif et renforcent ainsi ce sentiment NIMBY. Les arguments en faveur du refus concernent entre autres, les nuisances, la perte de la valeur immobilière à la vue des éoliennes, la crainte d’une dévalorisation des territoires. Si elle est légitime, cette attitude n’en est pas moins surprenante. Les atermoiements du gouvernement en rajoutent à la confusion. Il constate l’échec des Zones de développement de l’éolien instaurée en 2007 et, ne manque pas de dénoncer l’anarchie qui a présider à l’implantation des parcs. Si les développeurs sont mis à l’index, cela n’exonère pas le gouvernement de ses responsabilités. Il n’a pas suffisamment fait œuvre de pédagogie, de vigilance et de maîtrise dans le développement de la production de l’énergie éolienne.
Le discours volontariste et incitatif du gouvernement répondait uniquement aux objectifs nationaux et communautaires de développement des énergies renouvelables. Il n’a pas développé de véritable politique de concertation, associant les territoires, pour une dynamique nationale en faveur de l’éolien. Sa vision a manqué, et manque de perspectives dans ce domaine. Pour donner des gages au camp du refus, il s’est contenté d’une réponse circonstancielle et politique. Ainsi, a-t-il donné un tour de vis supplémentaire au cadre réglementaire qui régit l’énergie éolienne.
Le chapitre III du Titre V de la partie législative du Code de l’environnement codifie les changements apportés par la loi grenelle II. L’article L553-1 du même code soumet désormais, à autorisation les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent. Ce classement constitue un coup d’arrêt apporté au développement de l’énergie éolienne. Nul doute que les opposants ne se priveront pas d’utiliser les moyens légaux (enquêtes publiques, études d’impact, notices d’impact, procédures judiciaires) pour faire traîner en longueur les projets, et décourager au passage les promoteurs. Cette séquence écorne un peu plus l’image de cette énergie. Le développement des énergies renouvelables reposent sur l’adhésion des populations. Il n’est pas certain qu’après cette mauvaise publicité faite à l’éolien, les populations continuent de voter en faveur de cette énergie.

2) Un consensus politique et social introuvable

Seul compte finalement, la loi adoptée la 12 juillet dernier, opinent certains. À l’analyse, cette vision s’avère rapidement restrictive. Elle appréhende la loi uniquement sous l’aspect juridique. Elle limite le cadre d’analyse au droit positif. La loi du 12 juillet venant enrichir l’arsenal juridique existant. S’il est primordial d’appréhender la loi en tant que élément juridique, on ne saurait la réduire à cette nature unique. Elle a également une signification politique. Tout le processus qui a conduit au vote de la loi grenelle II l’a bien démontré.
L’aspect politique ne saurait, à son tour, être réduit à la dimension politicienne des différentes postures affichées pendant les débats parlementaires et le vote du texte. Il faut bien avoir conscience des enjeux du grenelle de l’environnement dont les lois grenelle I et II étaient censées formaliser les objectifs. Les options du grenelle de l’environnement étaient éminemment politiques. Le grenelle appelait à un changement paradigmatique, dans le contexte climatique actuel. À la croisée des chemins, il s’agissait d’un choix « collectif », sur les fondements du nouveau du modèle de société à bâtir. Cette option fondamentale en faisait donc un acte résolument politique.
Le contexte et les circonstances conféraient « au politique » une responsabilité majeure. Celle de créer les conditions politiques favorables face à ce qui demeure un enjeu sociétal, et de construire un nouveau pacte social. Il revenait au politique de faire partager cet idéal, dans un dialogue politique et social apaisé pré requis indispensable à un consensus autour du grenelle. Consensus qui a volé en éclats, preuve s’il en était besoin, de la sensibilité de la question écologique. En cela, la responsabilité de la classe politique est grande. Elle n’a pas su ou voulu fédérer les positions partisanes, et amener l’ensemble de la société à faire le choix de ce nouveau modèle de société.
Que restera-t-il finalement du grenelle de l’environnement, en dehors du grand raout médiatique de l’automne 2007, de la guérilla des débats parlementaires, et du vote caricatural de cet été ? Bien de peu de choses. Tous ces éléments de forme détestables, préjugent peut-être finalement du fond. Si la loi grenelle II est désormais en vigueur, seule l’application et la mise en œuvre de ses dispositions apporteront des enseignements utiles. L’initiative grenelle a, dès le départ, reçu un écho favorable auprès de la population. Il est regrettable de constater l’incapacité du politique, à se servir de cet acquis précieux et, à élaborer le nouveau projet de société qui en était attendu. L’échec politique du grenelle restera pour le sens commun une énigme, dont seuls les responsables politiques pourront à l’avenir fournir une explication.