Le 19 mai 1998 entrait en vigueur le régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux en droit interne. Vingt ans jour pour jour après cette loi, il parait opportun de revenir sur la définition de la mise en circulation. La notion de mise en circulation a été introduite par la directive du 25 juillet 1985. Si le droit français connaissait la notion de « mise sur le marché », notamment pour les produits pharmaceutiques, il ignorait la notion de « mise en circulation ». Toutefois, la directive, en introduisant cette notion, ne la définit pas pour autant.
Le législateur français, après de nombreux débats au Parlement, a quant à lui décidé de prendre les devants en définissant la notion dans la loi de transposition. Dès lors, sans pour autant dissiper toutes les incertitudes de la notion, l’ancien article 1386-5 du Code civil (nouvel article 1245-4) dispose que « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement. Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ». De cette définition, deux éléments se démarquent largement : le dessaisissement volontaire (1) et le dessaisissement unique (2).

I. Un dessaisissement volontaire

Peu importe de savoir au profit de qui le producteur se dessaisit du produit, peu importe également la finalité de ce dessaisissement, peu importe enfin selon la Cour de justice que le produit n’ait pas quitté la « sphère de contrôle » du producteur dès lors qu’il y a eu dessaisissement (CJCE, 10 mai 2001). Ainsi, puisque la mise en circulation suppose la volonté de mettre le produit sur le marché, le dessaisissement involontaire exonère le producteur. La responsabilité est en conséquence exclue en cas de vol, notamment, du produit dans les locaux du producteur, ou de toute autre « sortie » du produit à son insu. Le mercredi 9 mai 2018, des boîtes de lait infantile à détruire pour suspicion de contamination à la salmonelle ont été volées en Seine-Maritime. Ainsi, la mise en circulation n'est pas volontaire, ne résulte pas d'un libre choix du producteur puisqu’il s’agit d’un vol. La Cour de justice des Communautés européennes (5e chambre, 10 Mai 2001 - n° C-203/99) comme le législateur français par l’article 1245-4 du Code civil imposent que la mise en circulation soit délibérée, n'ait pas été imposée au producteur. Ainsi, chaque fois qu'une personne autre que le producteur a sorti le produit de la sphère de fabrication, celui-ci se trouve libéré.

II. Un dessaisissement unique

Celui qui prend l’initiative et le risque de mettre un produit sur le marché doit supporter la responsabilité du fait des produits défectueux, tel est l’objectif de la loi du 19 mai 1998. Cette règle de l’unicité soulève toutefois des difficultés quant aux produits dont la mise en circulation est permanente ou qui sont fabriqués en série. En effet, l’électricité est notamment mise en circulation de façon permanente, quelle doit donc être sa date de mise en circulation ? C’est en effet à la fin du XIXème siècle que la production industrielle d'électricité devient possible, doit-on donc appliquer le droit commun interne puisque mis en circulation avant le 30 juillet 1998 (Cass. Civ. 1re, 24 février 2006) ? Ce n’est certainement pas l’intention du législateur qui considère l’électricité comme un produit dans l’article 1245-2 du Code civil. Quant aux produits fabriqués en série, doit-on prendre en compte la mise en circulation du premier exemplaire ou celle de chaque exemplaire pris séparément ? L’opinion dominante est en faveur de la mise en circulation de chacun des exemplaires considérés isolément. Dès lors, vingt ans après la loi de transposition, la définition de la mise en circulation reste encore incomplète.