La loi sur la biodiversité adoptée le 9 aout 2016 en France, a inscrit, pour la première fois au monde, l’interdiction de l’utilisation des produits phytopharmaceutique à base de neonicitinoïdes. Alors en cet début d’année 2018, où en est-on de l’application de cette interdiction ?

Cette interdiction existe désormais dans l’article L 253-8 complété par la loi de biodiversité en ces termes : «II. L'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite à compter du 1er septembre 2018. Des dérogations à l'interdiction mentionnée au premier alinéa du présent II peuvent être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. L'arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent II est pris sur la base d'un bilan établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. Ce bilan porte sur les impacts sur l'environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l'activité agricole(...).»

Nous pouvons déduire de ces dispositions qu’en principe les néonicotinoides sont interdits à partir du 1er septembre 2018, que des dérogations délivrées par arrêté interministériel sur la base d’un avis de l’ANSES seront possibles jusqu’en juillet 2020. Ce qui pourrait faire perdurer l’utilisation de ces produits alors même que de nombreuses études déjà effectuées au moment de l’adoption de la loi ont démontré l’impact de ces pesticides sur la biodiversité, les pollinisateurs et en particuliers les abeilles.

Depuis 2016, les preuves scientifiques de la toxicité aigüe des néonicotinoïdes se sont encore accumulées. Dernièrement, au plus haut niveau européen, l’EFSA a reconnu que ces pesticides représentent un risque élevé pour les abeilles domestiques et sauvages. Quant à la situation des pollinisateurs, elle est plus que jamais alarmante: en 2017, une étude allemande révélait que la biomasse volante a chuté de 80% en 25 ans. Un véritable effondrement de la population des insectes en Europe est en cours, alors qu’ils sont à la base des écosystèmes et de la chaîne alimentaire de nombreuses espèces.

Il y’a urgence à interdire immédiatement les néonicotinoïdes. Pourtant, des tentatives de remettre en cause ou de contourner la loi sont apparues. L’une d’entre elles a échoué cet automne grâce à l’action des apiculteurs et des organisations environnementales: la France avait autorisé le sulfoxaflor, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, et le juge administratif a suspendu l’autorisation, arguant du principe de précaution.

Au niveau européen en 2013, il a été decidé d’interdire partiellement les usages de trois néonicotinoïdes (imidaclopride, thiaméthoxam et clothianidine) pour les traitements de semences de certaines cultures et pour les pulvérisations sur les plantes attractives pour les abeilles.

Depuis 2013, de nombreuses études ont confirmé la rémanence très longue de ces pesticides dans les sols, leur contamination généralisée de l’environnement, et leurs impacts sur la biodiversité. Fin février, l’EFSA a encore une fois conclu que ces pesticides présentaient un risque très élevé pour les abeilles domestiques et sauvages.

La Commission européenne propose aujourd’hui aux Etats membres d’étendre l’interdiction de ces 3 molécules à tous les usages en plein champs. De manière inacceptable, le vote des Etats membres prévu le 22 mars sur cette proposition a été repoussé, suscitant l’indignation de nombreux scientifiques et parlementaires européens.


Références:

https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2016SA0057.pdf

https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/180228

https://www.generations-futures.fr/actualites/comite-abeille-pesticides/