Selon les articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 du Code de l’environnement, « lorsque l’installation est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur du site […] ». En vertu de ces articles, l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement, quel que soit le régime juridique auquel celle-ci est soumise (déclaration, enregistrement ou autorisation) est débiteur d’une obligation administrative de remise en état environnementale de l’installation qu’il a exploitée. Le principe paraît simple. En réalité, la réalisation de cette obligation n’est pas toujours aisée. Elle suppose en effet l’identification de l’exploitant. Or si le Code de l’Environnement se réfère aux obligations de l’exploitant, il ne donne aucune définition de ce qu’est « l’exploitant ». Pire encore, il sème le trouble, l’article L. 511-1 du Code de l’Environnement indiquant que « sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues … ».
Pour le Commissaire du gouvernement près la CAA de Douai, « Selon une vision classique, l’exploitant était perçu comme la personne qui effectue directement une production ou une utilisation à partir de l’installation et en retire un profit immédiat.[…]Malheureusement, cette vision relativement simple de la notion ne correspond plus aujourd’hui aux réalités notamment économiques faisant que se sont multipliées les hypothèses où l’auteur n’agit plus véritablement en toute indépendance et se trouve lié à des personnes morales se présentant a priori comme des tiers ».
On peut alors se demander comment s’apprécie la qualité « d’exploitant » lorsqu’il s’agit de désigner le débiteur de l’obligation de réhabilitation. Le Conseil d’Etat rappelle dans cet arrêt que seul le titulaire de l’autorisation d’exploitation d’une installation classée peut être qualifié d’exploitant.

I- Faits et procédure

En l’espèce, la Communauté de communes de Fécamp (Etablissement Public de Coopération Intercommunale), propriétaire d’une usine d’incinération d’ordures ménagères implantée à Senneville-sur-Fécamp, obtient en 1974 l’autorisation de mettre en service cette installation. Par deux contrats conclus en 1976, elle en confie cependant la gestion et l’exploitation à une société privée, la société Triga, aux droits de laquelle est venue la société Elyo Ouest, filiale de la société Novergie.
Le 25 avril 2002, le préfet de la Seine-Maritime suspend le fonctionnement de cette usine sur le fondement des articles L. 511-1 et L.512-7 du Code de l’Environnement. Puis par arrêté du 8 août 2005, il met la Communauté de communes en demeure de réaliser un mémoire de remise en état du site.
L’EPCI, considérant qu’il appartenait à ses cocontractants et non à elle d’exécuter cette mise en demeure de remise en état du site, initie un recours devant le Tribunal administratif de Rouen qui, par jugement en date du 29 juin 2006, annule l’arrêté du 8 août 2005 mettant en demeure l’EPCI de réaliser un mémoire de remise en état du site.
La société Novergie interjette appel devant la Cour administrative d’appel de Douai, laquelle infirme le jugement et rejette la demande de l’EPCI tendant à l’annulation de cet arrêté.
La Communauté de communes forme alors un pourvoi devant le Conseil d’Etat visant à l’annulation de l’arrêt de la Cour d’appel. En l’espèce, la question était ainsi de déterminer qui avait la qualité d’exploitant au terme des contrats passés par la communauté de communes.

II- La Décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par la Communauté de communes de Fécamp et juge qu’il résulte de l’article L. 511-1 du Code de l’Environnement que « l’obligation de remettre en état le site d’une installation classée qui a fait l’objet d’une autorisation pèse sur l’exploitant, lequel doit s’entendre comme le titulaire de cette autorisation, et que le changement d’exploitant est soumis à une procédure d’autorisation préfectorale ». Il en déduit dès lors que « l’existence d’un contrat confiant à un tiers l’exploitation d’une installation classée est sans influence sur la qualification d’exploitant ».
Le juge administratif rappelle ainsi son appréciation sur titre de la qualité d’exploitant, exigeant une succession régulière entre les exploitants et refusant de prendre en compte les conventions de droit privé ou les faits des tiers sur le site pour exonérer l’exploitant de son obligation de remise en état.
En l’espèce, en l’absence d’autorisation de changement d’exploitant, la Communauté de communes avait la qualité d’exploitant de l’usine d’incinération. Et « […] les stipulations des contrats […] conclus entre le district urbain de Fécamp et la société Triga, en vertu desquelles la gestion et l’exploitation du site avaient été confiées à ladite société » n’était « de nature à faire perdre à la communauté de communes, en l’absence d’autorisation de changement d’exploitant, la qualité d’exploitant qu’elle avait reçue par autorisation préfectorale du 22 novembre 1974 et à l’exonérer de ses responsabilités en matière de remise en état du site de l’ancienne usine d’incinération d’ordures ménagères ».



Sources

- CE, Communauté de communes de Fécamp, 29 mars 2010, n°318886.

- Code de l’Environnement.

- J. Lepers, La qualité d’exploitant au sens de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, AJDA 2008.