Du nouveau dans les affaires « Jussieu » et « Dunkerque ».

Ce vendredi 15 septembre, la Cour d’appel de Paris a, après 21 ans d'enquête et de multiples rebondissements judiciaires, de nouveau annulé les mises en examen des responsables impliqués dans le scandale sanitaire de l'amiante dans les affaires du campus universitaire de Jussieu à Paris et des chantiers navals Normed de Dunkerque.

Le scandale de l'amiante est le fait d’une prise de conscience française qui a débuté les années 1970, puis qui s’est généralisée dans les années 1990 du fait de l’apparition de problèmes sanitaires causés par l'exposition à l'amiante et notamment par l'inhalation des fibres d'amiante.

Les affaires Jussieu et Dunkerque méritent d’être rappelées. Tout d’abord, l’affaire « Jussieu » concerne des bâtiments du site universitaire de Jussieu amiantés, ayant causé des cancers de poumon à des étudiants et des personnels travaillant sur le site. L’affaire de « Dunkerque », quant à elle, touche des salariés des chantiers de Dunkerque (un des principaux chantiers navals civils en France entre 1898 et 1987) gravement malades ou décédés à la suite d’une exposition à l’amiante.

Ces deux affaires sont emblématiques du scandale de l'amiante parce que ce sont les seules qui ont mêlé des responsabilités nationales. En effet, entre 1982 et 1995, neuf responsables nationaux auraient été impliqués dans le Comité permanent amiante (CPA, dissous dans les années 1990), pour, volontairement, retarder l’interdiction de l’amiante. Quelques années plus tard, le rôle de cette structure avait été épinglé dans un rapport sénatorial (« Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », 31 mars 2005 et 11 mai 2005).

L’Association de Défense des Victimes de l’Amiante (ADVA) avait alors porté plainte pour homicides et blessures involontaires. Dans le cadre d’une enquête des juges d'instruction du pôle de santé publique, qui portait notamment sur la recherche de ces éventuelles responsabilités nationales dans la gestion du dossier de l'amiante, des industriels, des scientifiques mais aussi des haut fonctionnaires avait été mis en examen entre fin 2011 et début 2012.

Ces personnalités ont obtenu l'annulation de leur mise en examen par la Cour d'appel de Paris le 4 juillet 2014. Cette décision avait, dans un second temps, été invalidée le 14 avril 2015 par la Cour de cassation, qui avait renvoyé les dossiers (remettant en cause la responsabilité des décideurs publics) devant la chambre de l'instruction, et redonnant ainsi espoir aux victimes. Dans cette décision, la Cour de cassation s’appuyait sur une autre décision du même jour dans le dossier de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt n° 1986 du 14 avril 2015, n°14-85.333).

Trois ans plus tard, la nouvelle décision de la Cour d'appel de Paris vient à nouveau contrecarrer une indemnisation des victimes de l’amiante.
En effet, cet arrêt du 15 septembre 2017 fait suite à la décision du Parquet de Paris, rendue le 13 juin dernier qui avait estimé que « le diagnostic d'une pathologie liée à l'amiante ne permettait pas de dater l'exposition ni la contamination des victimes, faisant craindre aux victimes de possibles annulations en série de mises en examen » (réquisitions dévoilées par Le Monde et portées à la connaissance de l’Agence France Presse).

Selon François Desriaux, l’un des porte-parole de l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante, (ANDEVA), « c'est un scandale absolu d'arriver à une telle conclusion après 20 ans d'instruction ».

La question juridique de ces mises en cause qui est restée en suspens durant cinq ans, devrait durer encore quelques temps car les victimes ont alors exprimé leur intention de se pourvoir en cassation.

La bataille judiciaire continue…