Le préfet du Loiret avait délivré à la société Ligérienne Granulats SA une autorisation d’exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires, ainsi qu’une installation de traitement de ces matériaux sur le territoire de la commune de Mardié.

Le Tribunal administratif d’Orléans ayant, par un jugement du 19 mars 2013, rejeté la requête d’une association et de la commune de Mardié, tendant à l’annulation de l’autorisation d’exploiter, ces dernières ont formé appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a annulé le jugement et l’arrêté d’autorisation d’exploiter litigieux, par un arrêt du 11 mai 2015.

La société exploitante et la ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie se sont ainsi pourvues en cassation contre cet arrêt.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que le juge du plein contentieux des installations classées vérifie la légalité d’une autorisation d’exploiter au regard des règles d’urbanisme en applicables au jour de la délivrance de ladite autorisation ; il précise cependant que le fait que l’autorisation méconnaît les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance n’empêche pas que le juge constate que, au jour où il statue, l’autorisation a été régularisée par la modification ultérieure des règles d’urbanisme.

La haute juridiction estime ainsi que la Cour administrative d’appel de Nantes a commis une première erreur de droit en appréciant la légalité de l’autorisation d’exploiter au regard du document d’urbanisme en vigueur à la date où elle statuait, alors qu’elle aurait dû « l’apprécier au regard des règles d’urbanisme légalement applicables » à la date de délivrance de l’autorisation litigieuse.

Sur ce point, le Conseil d’Etat avait déjà fait évoluer sa jurisprudence dans un arrêt du 16 février 2016, en adéquation avec la loi dite LTE promulguée quelques mois plus tôt (loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, du 17 août 2015) : en matière de contentieux de pleine juridiction, le juge de plein contentieux statue en principe en s’appuyant sur le droit en vigueur au jour où il statue ; l’article L. 514-6 du Code de l’environnement dispose désormais, dans sa rédaction issue de la LTE, que la compatibilité d’une autorisation d’exploiter une installation classée (ou d’un enregistrement ou d’une déclaration) est appréciée au regard des règles d’urbanisme en vigueur au jour de sa délivrance, apportant ainsi une exception au principe précédemment évoqué. Dans cet esprit, le Conseil d’Etat a considéré, pour citer M. Steve Hercé (BDEI n° 63, 1er mai 2016, Rubrique de jurisprudence urbanisme et environnement – mai 2015-juin 2016) « qu’une évolution défavorable du PLU [plan local d’urbanisme] postérieurement à l’autorisation d’exploiter ne pouvait être opposée à l’exploitant » (CE n° 367901, Société Entreprise routière du grand sud).

Dans un second temps, reprenant la solution dégagée en matière de permis de construire dans un arrêt du 7 février 2008 (CE n° 297227, 7 février 2008, Commune de Courbevoie), le Conseil d’Etat rappelle qu’il ressort de l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme que la constatation de l’illégalité d’un document d’urbanisme a pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme antérieur, et, le cas échéant, les règles générales d’urbanisme applicables en l’absence d’un tel document. Il en découle qu’il ne suffit pas d’exciper de l’illégalité du document d’urbanisme sous l’empire duquel une autorisation d’exploiter une installation classée a été accordée pour en demander utilement l’annulation : encore faut-il également s’attacher à démontrer que ladite autorisation méconnaît les dispositions d’urbanisme remises en vigueur, et, le cas échéant, celles du document remis en vigueur.

En l’espèce, le Conseil d’Etat en conclut à une seconde erreur de droit de la Cour administrative d’appel de Nantes, qui s’est contentée de constater que les règles d’urbanisme par rapport auxquelles elle vérifiait la légalité de l’autorisation étaient elles-mêmes illégales pour annuler ladite autorisation ; il lui appartenait encore de déterminer si l’autorisation litigieuse méconnaissait ou non les dispositions d’urbanisme remises en vigueur.

Il annule ainsi l’arrêt rendu par la cour le 11 mai 2015, celui-ci étant entaché de deux erreurs de droit.