Le débat concernant le glyphosate, substance herbicide très utilisée dans les produits désherbants (notamment le Round Up de Monsanto), sujet de maintes controverses quant à son caractère cancérogène ou non, a fait l’objet d’un nouveau développement : la Commission européenne a décidé le 16 mai 2017 de relancer la procédure d’autorisation du glyphosate. Une des porte-parole de l’organe exécutif de l’Union européenne a ainsi informé l’AFP que les commissaires européens avaient accepté de « redémarrer les discussions avec les États membres sur un possible renouvellement de l'autorisation du glyphosate pour 10 ans ».

Cette décision fait suite au rapport de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en date du 15 mars 2017, qui ne classe pas le glyphosate parmi les agents cancérogènes, tout en reconnaissant son caractère toxique.

Pour rappel, la Commission européenne avait, en juin 2016, prolongé pour une période de dix-huit mois au maximum, l’autorisation de cet herbicide sur le territoire de l’Union européenne, jusqu’à ce que l’ECHA se prononce. L’exécutif européen avait justifié cette décision par l’absence de consensus entre les Etats membres sur la question : aucune majorité qualifiée n’avait été recueillie auprès des représentants des Etats membres faisant partie du comité technique chargé de se prononcer.

Le glyphosate est au cœur d’un vif débat au sein de la communauté scientifique, débat alimenté par les différentes études aux conclusions divergentes. Ainsi, en novembre 2015, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait jugé le risque cancérogène « improbable », tandis que le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC – dépendant de l’OMS) concluait quelques mois plus tôt à la présence d’un risque cancérogène. Par ailleurs, une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) estimait peu probable le caractère cancérogène du glyphosate chez les humains y étant exposés par l’alimentation.

Un récent développement redonne quelques espoirs aux partisans de l’interdiction du glyphosate : dans une lettre ouverte au président de la Commission européenne en date du 28 mai 2017, le Dr Christopher Portier - toxicologue par ailleurs à la tête d’un collectif de scientifiques s’inquiétant des conséquences de l’utilisation du glyphosate - remet en cause les études sur lesquelles s’appuie l’organe exécutif européen pour proposer le renouvellement de l’autorisation du glyphosate (principalement les études de l’EFSA et de l’ECHA évoquées ci-dessus). Il considère, après avoir accédé à une partie des données sur lesquelles se sont appuyées ces deux agences, que « l'EFSA comme l'ECHA n'ont pas réussi à identifier tous les cas statistiquement significatifs sur le cancer dans les études menées sur les rats ». Mme Anca Paduraru, porte-parole de la Commission, a déclaré que l’exécutif européen allait « demander aux deux agences, l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), d'y répondre, car ce sont les organes scientifiques" en charge du dossier. Elle a réaffirmé que « les discussions allaient reprendre avec les Etats-membres ».

Ce rebondissement est accompagné du dépôt par quatre eurodéputés écologistes, dont la française Mme Michèle Rivasi, d’un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant la non-divulgation par l’EFSA des études sur lesquelles elle s’était appuyée pour considérer le risque cancérogène comme étant improbable. Celle-ci n’a fourni qu’un « accès partiel à ces études, omettant des informations clés, comme la méthodologie ou les conditions d’expérimentation. Or, sans cela, il est impossible pour des experts indépendants de vérifier la validité des conclusions, comme l’a souligné M. Portier », pointe Mme Rivasi. Les requérants demandent, dans l’attente de al décision de la Cour, que les agences de l’Union ne recourent qu’à des études publiques, à l’instar du règlement interne du CICR.

Cette décision de réouverture des discussions quant à l’autorisation du glyphosate montre, selon l’eurodéputé Vert Harald Ebner, « le peu de respect pour l’initiative citoyenne » européenne lancée début 2017, appelant à une interdiction du glyphosate, à une réforme de la procédure d’autorisation des pesticides et à l’instauration d’objectifs obligatoires de réduction d’utilisation des pesticides dans l’Union. La pétition a déjà reçu 750.000 signatures, selon Greenpeace.