L’articulation de la protection juridique de l’eau et la législation des installations classées pour la protection de l’environnement
Par Pauline ROCFORT
Juriste contrats
SFR BUSINESS TEAM
Posté le: 31/05/2010 20:03
Alors qu’en France, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) font l’objet d’une règlementation spécifique, au niveau européen, les activités industrielles et agricoles qui ont un fort potentiel de pollution sont soumises à autorisation selon la Directive européenne du Conseil du 24 septembre 1996 (dite « directive IPPC ») relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (dite « Directive IPPC »). Depuis, cette Directive vise à renforcer la protection du milieu aquatique par des mesures spécifiques conçues pour réduire ou supprimer progressivement les rejets, émissions et pertes de substances (dangereuses) prioritaires.
I. Prescriptions applicables aux ICPE
Les modalités de fonctionnement des ICPE sont données par le préfet au moment de la déclaration ou de l'autorisation. Elles portent sur les prescriptions de fonctionnement et d'exploitation, les moyens d'intervention en cas de sinistre et les moyens d'analyse et de contrôle.
A/ Les installations soumises à déclaration
La procédure de déclaration est une procédure dont les modalités sont décrites par les articles R. 512-47 et suivants du code de l'environnement. La déclaration est effectuée par l'exploitant auprès de la préfecture avant la mise en service de l'installation.
Lorsque le dossier est régulier et complet, le préfet adresse à l'exploitant le récépissé de déclaration et les prescriptions générales applicables à l'installation, fixées par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. Le préfet peut éventuellement imposer à l'exploitant des prescriptions spéciales par arrêté complémentaire après avis du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Celles-ci viennent renforcer, alléger ou compléter les prescriptions générales suite à des modifications de l'installation ou des circonstances locales.
B/ Les installations soumises à autorisation
La procédure d’autorisation est plus complexe et plus longue que la procédure de déclaration et est définie par les articles L. 512-1 à L. 512-7 et R. 512-2 et suivants du code de l'environnement. Le dossier de demande d'autorisation doit être adressé au préfet et comprend notamment une étude d'impact et une étude de dangers, en plus des éléments du dossier de déclaration. Le préfet communique le dossier complet au président du tribunal administratif qui désigne un commissaire enquêteur pour l'enquête publique. Le dossier d'enquête est envoyé à la préfecture et, une fois l'avis du CODERST rendu, le préfet rédige l'arrêté d'autorisation.
L'arrêté du 2 février 1998 fixe les valeurs limites d'émission des ICPE soumises à autorisation en matière de pollution de l'air et de l'eau et les dispositions générales relatives à la prévention des risques, au prélèvement et à la consommation d'eau, à la surveillance des émissions et des effets sur l'environnement. Les activités n'entrant pas dans le champ d'application de cet arrêté (installations d'incinération, de traitement de surface, cimenteries) sont soumises à des dispositions spécifiques, les arrêtés de branches.
Les valeurs limites d'émission sont fondées sur les « Meilleures Techniques Disponibles » dans des conditions économiques et techniques acceptables, en prenant en considération les caractéristiques de l'installation, son implantation géographique et les conditions locales de l'environnement.
Les programmes d'auto surveillance des rejets et de surveillance des effets sur l'environnement (eau de surface, eau souterraine, air, sol) sont prescrits pour vérifier la conformité des effluents aux valeurs limites fixées dans l'arrêté d'autorisation. Lorsque le rejet s'effectue dans une eau de surface et que certains seuils (Demandes chimiques en oxygène, hydrocarbures, métaux…) sont dépassés, l'exploitant doit réaliser des prélèvements mensuels en aval du rejet pour surveiller les effets sur l'environnement. Pour les substances susceptibles de s'accumuler (métaux, hydrocarbures…), l'exploitant doit réaliser des mesures annuelles dans les sédiments, la flore et la faune aquatique. Les rejets directs ou indirects de substances toxiques dans les eaux souterraines sont interdits, mais la surveillance demeure une nécessité. Elle prévoit l'implantation d'au moins deux puits en aval du site, avec un relevé du niveau piézométrique et des prélèvements d'eau semestriels.
II. L’impact de la loi sur l'eau sur la législation ICPE
En effet, en vertu de l'article L. 214.7 du code de l'environnement qui fixe les règles applicables aux ICPE, celles-ci sont soumises aux dispositions du code visant à respecter les objectifs de gestion équilibrée de la ressource en eau et les prescriptions du SDAGE (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) et du SAGE (Schéma d’aménagement et de gestion des eaux). Il s’agit du respect du débit minimal, de la protection des zones humides, des conséquences des travaux en rivière, des valeurs limites des rejets en accord avec les objectifs de qualité et la vocation piscicole du milieu récepteur. Ces installations doivent également être pourvues de moyens de mesure et d'évaluation appropriés. Enfin, le code de l'environnement prévoit que le délit de pollution et les sanctions pénales s'appliquent aux ICPE responsables de telles atteintes à l'environnement.
A/ L’autorisation de déversement de rejets non domestiques au réseau d'assainissement
Le déversement d'eaux usées non domestiques (eaux provenant d'activités à caractère industriel) au réseau d'assainissement est soumis à une autorisation préalable du maire ou du président de l'établissement public compétent afin de protéger le système d'assainissement (réseau et station d'épuration). Une convention spéciale de déversement peut être annexée à l'autorisation de déversement pour définir le partage des responsabilités, les modalités juridiques, financières et techniques du raccordement. Cependant, bien que vivement conseillée, cette convention n’est pas obligatoire.
L'autorisation de déversement est indépendante des autorisations délivrées au titre de la réglementation ICPE. Elle est prescrite par l'article L. 1331-10 du code de la santé publique, l'arrêté du 2 février 1998 sur les ICPE et l'arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique.
Pour autoriser le raccordement au réseau d'assainissement, la collectivité considère la composition des eaux usées (quantité et qualité) et la capacité de traitement de la station d'épuration. L'autorisation de déversement fixe les caractéristiques minimales que doivent présenter les eaux usées, qui peuvent être plus sévères que celles fixées par l'arrêté d'autorisation d'exploitation. Toute modification dans la nature ou la qualité des eaux usées rejetées au réseau doit être autorisée dans les mêmes conditions que la demande initiale.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 précise la procédure pour obtenir l'autorisation de déversement qui, en cas d’absence de réponse à la demande dans les quatre mois vaut rejet de la demande. L'absence d'autorisation est passible d'une amende de 10 000 €, ce qui est bien plus sévère qu'auparavant. Le traitement des effluents par la collectivité implique le paiement par l'industriel d'une redevance d'assainissement composée d'une partie fixe pour couvrir les charges fixes liées au service, et d'une partie variable déterminée en fonction du volume d'eau prélevé dont l'usage génère le rejet d'eaux usées (articles L. 2224-7 à L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales).
Enfin, il faut noter que le raccordement au réseau d'assainissement collectif n'est ni un droit ni une obligation pour l'entreprise. Les solutions amont (efficacité des procédés, prétraitements) doivent être privilégiées.
B/ La déclaration annuelle des émissions polluantes
Conformément à l'arrêté du 27 décembre 2005 qui modifie l'arrêté du 24 décembre 2002 relatif à la déclaration annuelle des émissions polluantes des installations classées soumises à autorisation, les exploitants des ICPE soumises à autorisation sont dans l'obligation de déclarer au préfet leurs émissions polluantes annuelles. La déclaration se fait au 1er trimestre de l'année suivante par Internet ou par écrit. Ces données servent ensuite à alimenter les registres nationaux et européens (EPER) des émissions polluantes. Le registre EPER est un élément essentiel de la directive IPPC.
Suite au règlement n° 166/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2006 concernant la création d'un registre européen des rejets et des transferts de polluants, le registre EPER a évolué vers un registre des rejets et transferts de polluants (PRTR) en 2008 et 2009. Cette base de données comprend désormais un plus grand nombre de polluants et d'activités, ainsi que la notification des rejets dans le sol, des rejets de sources diffuses et des transferts hors des sites. La directive IPPC est modifiée en conséquence.