Certiphyto, un dispositif expérimental de certification relatif à l’usage professionnel des phytosanitaires
Par JIMMY HUSSON
Posté le: 11/05/2010 20:47
Dès 2014, le Certiphyto sera obligatoire pour acheter et user de produits phytosanitaires. Il est un certificat professionnel dont l'objectif est de vérifier les connaissances relatives à la bonne utilisation de pesticides, tout en préservant la santé et l'environnement.
Le dispositif s'inscrit dans un cadre national et communautaire.
L’instauration d’un nouveau dispositif de certification relatif à l’usage professionnel des phytosanitaires résulte d’une démarche menée par les Ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie et l’Union Européenne de réduire les risques liés à l’utilisation des pesticides et de limiter leur emploi.
Pour bien comprendre l’impact de certiphyto, trois textes sont à considérer :
La directive 2009/128/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 « instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable », adoptée par le parlement européen le 13 janvier 2009, prévoit (art. 5) que les Etats membres : veillent à ce que tous les utilisateurs professionnels, les distributeurs et les conseillers de produits phytopharmaceutiques aient accès à une formation appropriée, dispensée par des organismes désignés (…), mettent en place au plus tard le 14 décembre 2013, des systèmes de certification (…).
Ce texte énonce les thèmes de formation concernés. Il entrera en application début 2011 et fait partie de ce que l’on appelle le « Paquet pesticides ».
Le Grenelle II de l’Environnement, dont le texte est soumis à la délibération du Conseil des ministres, vise (art. 36 à 38) à « renforcer le dispositif de professionnalisation de la distribution, de l’application et du conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, qui constitue un des moyens de réduction et de bonne utilisation des pesticides ».
Ce texte introduit une certification spécifique pour les services de conseil rendus indépendamment de la vente ou de l’application, avec un renforcement du système de sanctions administratives et pénales pour intégrer les nouvelles exigences en matière d’agrément et de certification.
Certiphyto a été initié dans le cadre du plan gouvernemental de réduction de l'utilisation des phytopharmaceutiques dans un objectif de préservation de la santé humaine et de l'environnement à travers le plan « écophyto 2018 », découlant des débats du Grenelle de l'environnement..
Le plan Ecophyto 2018, qui découle du Grenelle II, a pour objectif principal de réduire si possible de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2018, grâce notamment à un plan ambitieux de formation.
L’axe 4 du plan prévoit de « Former à la réduction et à la sécurisation des pesticides » dès le 1er janvier 2010 d’un dispositif d’évaluation des connaissances de l’ensemble des utilisateurs de produits phytosanitaires, applicateurs et conseillers. Il indique que la réussite à cette évaluation, ou à défaut le suivi d’une formation, permettra de bénéficier d’un certificat utilisateur (le certiphyto) qui sera à terme (2014) nécessaire pour l’achat de produits phytopharmaceutiques.
L’axe 7 vise à « Réduire et sécuriser l’usage des produits phytosanitaires en zone non agricole », et prévoit parallèlement l’amélioration de la qualification des applicateurs professionnels en ZNA par la mise en place d’une certification (également le certiphyto) dans le cadre de la réforme de l’agrément.
Le plan Ecophyto 2018 comporte un ensemble de fiches actions, et fait l’objet d’une gouvernance nationale globale déclinée à l’échelon régional par un Comité régional d’orientation et de suivi placé sous la présidence du Préfet de région (le DRAAF). Ces modalités sont précisées dans une circulaire du 18 janvier 2010.
De fait, la France anticipe par le plan Ecophyto l’adoption de la directive européenne du 21 octobre 2009, ce qui permet d’expérimenter un dispositif de formation et de certification. Il s’agit d’une vaste réforme de la loi de 1992 sur l’agrément des utilisateurs et des applicateurs de produits
phytopharmaceutiques.
Or le dispositif présent relève du DAPA. De fait il convient dans un premier temps de voir celui-ci puis dans un second temps de voir certiphyto à travers ses objectifs et les modalités d'obtention.
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1- Le DAPA, une certification de l'usage de produits phytosanitaires appelé à évoluer:
La réforme de la certification DAPA a été instaurée en 1992. En effet, il relève de la loi n°92-533 du 17 juin 1992 relative à la distribution et à l'application par des prestataires de services de produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés, du décret n° 94-863 du 5 octobre 1994.
La DAPA est basé sur le suivi d’une formation par unités capitalisables ou l’obtention par équivalence, comme l'obtention d'un BTSA, ou par VAE. Ce dispositif avait permis l'instauration pour la première fois en France d'un système d’agrément et de certification portant sur la distribution et l’application par des prestataires de service de l’agriculture des produits antiparasitaires à usage agricole.
La création du certiphyto constitue une réforme du dispositif de certification et d’agrément DAPA. Le nouveau dispositif élargit le public visé réglementairement. Il a en vocation à être étendu à l’ensemble des usages professionnels des produits phytopharmaceutiques, dans la mesure où il permettra à toute personne physique : d’être en règle pour tout usage professionnel de l’application, de la vente, du conseil et de la distribution des phytosanitaires dans les conditions définies par la future loi Grenelle II, de pouvoir effectuer légalement l’achat de produits phytopharmaceutiques à usage professionnel à partir de 2014.
La détention de ce certificat assurera à toute entreprise exerçant dans les métiers de la distribution, de l’application en prestation de service ou de conseil phytosanitaire d’obtenir une certification d’entreprise et son agrément.
Ce certificat doit être détenu par au-moins 10 % des effectifs de l’entreprise comme dans le cas de l’actuel dispositif DAPA.
L'autre différence vis à vis du DAPA tient au fait que le certiphyto ne fait pas l’objet d’une épreuve de validation devant un jury. Le certificat sera identique pour tous, mais il portera la mention de l’activité concernée (utilisation agricole, utilisation non agricole, utilisation dans le secteur du conseil et de la vente : préconisation, distribution…) et la catégorie de fonctions exercées au sein de l’entreprise.
En clair, à partir de 2014 les professionnels concernés par les produits phytosanitaires (utilisateurs, acheteurs, distributeurs et conseillers) devront tous être titulaires du certiphyto. En conséquence, le nouveau dispositif concernera un nombre de personnes beaucoup plus important que l’actuel dispositif d’agrément et de certification DAPA.
Les publics potentiellement concernés sont considérables, et on estime entre 800.000 et un million de personnes le besoin en formation d’ici 2015. Toutefois, dans l’attente de l’échéance indiquée, les agriculteurs et viticulteurs n’ont pour l’instant pas d’obligation réglementaire pour être détenteur du certiphyto.
2- La mise en place du dispositif expérimental certiphyto:
Le décret n° 2009-1619 du 18 décembre 2009 publié au Journal Officiel du 24 décembre 2009 crée, à titre expérimental, un certificat dénommé « certiphyto 2009-2010 » portant sur les connaissances relatives à l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques.
Ce texte est consécutif à la note de service DGER/SDPOFE/N2009-2062 du 3 juin 2009, qui prévoit « les modalités de mise en place, à titre expérimental, du dispositif de formation et d’évaluation relatif à la délivrance du certiphyto pour l’ensemble des usages professionnels des produits phytopharmaceutiques ». Cette note indiquait notamment le lancement de l’appel à candidature pour les centres de formation.
Le certiphyto a cinq objectifs. Le premier tient sur l'identification des risques liés à l'utilisation des produits, à savoir mettre en place des mesures de prévention, réagir en cas d'intoxication. Le deuxième objectif porte sur l'évaluation des risques au niveau d'une entreprise ou de la zone à traiter dans une situation donnée. Le troisième ojectif consiste à définir une stratégie pour réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et en limiter les impacts sur l'environnement.
Le quatrième objectif assigne à cette formation de raisonner l'utilisation des produits puis organiser leur mise en oeuvre. Le cinquième vise à appliquer des pesticides en minimisant les risques.
Le certiphyto se décline pour l’instant en 4 spécialités :
- usage agricole des produits phytopharmaceutiques,
- usage non agricole des produits phytopharmaceutiques,
- conseil en produits phytopharmaceutiques,
« magasinier » spécialisé en produits phytopharmaceutiques (distribution).
Ce certificat est accessible selon 4 voies :
- la voie A , par la validation des acquis académiques (VAA) qui permet une délivrance directe du certificat au vu de diplômes, titres ou certifications professionnelles ;
- la voie B, par test (QCM) non lié à une formation et permettant d’obtenir ou non le certiphyto ;
- la voie C, par formation et positionnement. Le candidat participe à une session de formation à la sécurité et aux risques pour l’homme et l’environnement (1/2 journée) et effectue un test de positionnement par QCM (1/2 journée). Cette modalité donne lieu, selon l’analyse des résultats, soit à la délivrance du certiphyto, soit à une prescription de formations « modulaires » personnalisées que le candidat devra suivre pour obtenir son certificat ;
la voie D, par le suivi d’une formation complète, dont la durée diffère selon l’activité concernée (deux jours pour l’usage agricole).
Le référentiel de cette formation est en ligne sur le site chlorofil.fr, respectivement décliné pour :
- les conseillers,
- les utilisateurs professionnels (opérateurs, décideurs),
les distributeurs (produits jardiniers amateurs, produits professionnels).
La délivrance du certiphyto ne sera pas effectuée par les DRAAF, mais par FranceAgriMer au vu des listes arrêtées par les DRAAF. Le certificat sera délivré pour tous selon les mêmes modalités, et portera à terme la mention :
- de l’activité concernée (utilisation agricole, utilisation non agricole, conseilvente),
- de la catégorie de fonctions exercées au sein de l’entreprise (décideur, opérateur…).
Le décret ne mentionne pas la durée de validité du certificat. Malgré tout, la note de service du 3 juin 2009 indique qu’elle est de 10 ans pour la phase expérimentale. Il convient par ailleurs de préciser que les salariés agricoles ne sont pas concernés par cette phase.
Un Comité national administratif travaille actuellement à la mise en oeuvre du certiphyto 2009-2010. 4 textes sont en préparation :
- un arrêté indiquant la liste des diplômes ou titres pour mettre en oeuvre la voie A,
- un arrêté pour la mise en oeuvre des évaluations (notamment le logiciel présentant les QCM), qui permettra le lancement des voies B et C,
- un arrêté pour la liste définitive des organismes de formation habilités (plus
de 400),
une circulaire de mise en application de l’expérimentation.
A cette date, seule la voie D est opérationnelle depuis la sortie du décret et les premières sessions de formations ont débuté.
Enfin la note de service du 3 juin 2009 indique que le DAPA en tant que dispositif de formation et de certification, notamment pour les salariés, reste en vigueur et opérationnel jusqu’à la publication d’une nouvelle réglementation et valable pour 5 ans pour ses détenteurs.
Les textes ne fournissent à cette date pas d’indication précise quant à la transition entre les deux dispositifs.
Un bilan d’étape, initialement prévu en mars 2010 sera effectué, et à partir de septembre aura lieu une évaluation finale de la phase expérimentale avant la pérennisation du dispositif.
Enfin, l’agrément des entreprises relève de la compétence du SRAL.
Dans l'attente de la parution de nouveaux textes réglementaires, seule la certification DAPA permet d’obtenir cet agrément ou son renouvellement. Le nouveau dispositif n’étant pas encore calé, l’information relative aux modifications attendues sera répercutée dès la parution des textes.
Sources:
La tribune verte du 29 avril 2010
http://www.apecita.fr/information.aspx?id=144
http://www.chlorofil.fr/certifications/textes-officiels/mise-en-oeuvre-des-diplomes-et-certifications/textes-et-references-specifiques/certiphyto.html
- Certiphyto : le décret n° 2009-1619 du 18 décembre 2009 publié au Journal
Officiel du 24 décembre 2009
la note de service DGER/SDPOFE/N2009-2062 du 03 juin 2009
- Ecophyto 2018 : Projet de loi Grenelle 2 : http://www.developpementdurable.
gouv.fr/IMG/pdf/Texte_du_PJL_GE_2_cle21193f.pdf
- Directive « usage des phytosanitaires » : la directive 2009/128/CE du
Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 « instaurant un cadre
d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible
avec le développement durable »
Interlocuteurs de la DRAAF (standard 03 26 66 20 20) :
- agrément DAPA (entreprises) : le SRAL
- certificat DAPA et certiphyto expérimental (personnes physiques)