Aujourd’hui codifiée aux articles 1245 et suivants du Code civil, la responsabilité du fait des produits défectueux est la résultante de la directive communautaire 85/374/CEE du 12 juillet 1985. Lors de sa transposition en France, elle fut intégrée à la responsabilité civile délictuelle sans faute venant ainsi s’ajouter à des responsabilités sœurs telles que la responsabilité du fait des choses par exemple.

Sa finalité est de permettre à des victimes de produits défectueux d’obtenir réparation sans avoir à prouver la faute du producteur. Celle-ci étant en effet irréfragablement présumée si plusieurs conditions cumulatives sont respectées. Ainsi, il est nécessaire de prouver que l’auteur du dommage est bien le producteur du produit, que ce produit est défectueux, qu’il a été mis sur le marché et que la victime a effectivement subi un préjudice. La qualité de la victime, c’est-à-dire contractuelle ou délictuelle, importe peu. Cette responsabilité peut être soulevée par n’importe quelle personne physique ayant subi un préjudice. Si un choix s’offre alors à la victime qui est celui de pouvoir choisir son fondement juridique à l’appui de sa demande, c’est-à-dire la responsabilité du fait des produits défectueux ou bien une autre responsabilité de nature délictuelle ou contractuelle, tel n’est pas le cas pour les juges. C’est précisément sur ce point que la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

En l’espèce, une victime d’un produit chimique avait obtenu réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité pour faute. La responsabilité du fait des produits défectueux avait volontairement été écartée par la victime qui estimait que son applicabilité n’était pas possible. Selon elle, la mise sur le marché était antérieure à la date d’effet de la directive.

Toutefois, la Cour de cassation n’est pas de cet avis et considère qu’il appartenait aux juges du fond de statuer au regard de la responsabilité du fait des produits défectueux, et cela quand bien même la victime n’en avait pas fait la demande. Cette décision pourrait surprendre de prime abord, mais, en réalité, la motivation est tout à fait cohérente. A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde en effet sur le principe de primauté et d’effectivité du droit communautaire ainsi que sur le code de procédure civile. Nul n’ignore en effet que le droit communautaire prime sur le droit interne. De ce fait, avant d’envisager une réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute comme cela était le cas en l’espèce, la Cour d’appel aurait dû faire application du droit communautaire. Cette obligation étant subordonnée à des faits d’espèce le justifiant. Or dans l’arrêt du 7 juillet 2017, deux éléments justifiaient l’applicabilité de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Le premier était que la victime invoquait le fait que son dommage était la conséquence d’une insuffisance d’informations sur l’étiquetage et l’emballage du produit. Or il s’agit là d’une composante essentielle dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. La présentation du produit et le manquement à l’obligation d’information permettent de caractériser la défectuosité d’un produit. Le second élément concernait la mise en circulation. Pour la Cour de cassation, celle-ci doit s’apprécier à partir du jour où le produit quitte le processus de fabrication pour entrer dans un processus de commercialisation dans lequel il est offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé. En aucun cas une autorisation de mise sur le marché ne doit être assimilée à une mise sur le marché. Or en l’espèce, la mise sur le marché avait eu lieu bien après l’autorisation, à savoir en 2004. Autrement dit, la responsabilité du fait des produits défectueux pouvait tout à fait s’appliquer.

Cette décision présente ainsi deux avantages. Le premier est qu’elle assure la primauté et l’effectivité du droit communautaire dont l’objectif est d’harmoniser les réglementations des états membres. Le second est qu’elle permet aux victimes de bénéficier d’un régime où la preuve de la faute du producteur n’est pas requise. En l’espèce, la victime avait réussi à caractériser la faute et obtenir réparation mais si elle avait échoué, cette décision de la Cour de cassation aurait sans doute pu lui permettre d’obtenir malgré tout réparation sur le fondement de la responsabilité sans faute. Or il ne faut pas oublier que la demande à titre subsidiaire portait sur la responsabilité contractuelle. Autrement dit, une indemnisation très peu avantageuse pour la victime.