La chambre criminelle a en effet motivé sa décision sur le fondement notamment de l’article 223-1 du Code pénal. Celui-ci punit « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Si le cas d’espèce se rattachait à l’amiante, cette décision ne semble pas pour autant se circonscrire à ce cas. L’article du Code pénal suscité ne vise pas expressément l’amiante et garde une portée générale pouvant s’appliquer à une multitude de situation. Le cas des produits chimiques à titre d’exemple peut être cité. Certains présentent justement la particularité d’être cancérigène, mutagène ou reprotoxique. Le danger de mort est avéré pour les CMR de catégorie 1a et 1b si les conseils de manipulation ne sont pas respectés. Le domaine du nucléaire peut également être concerné tout comme encore le milieu du BTP où la prévention des risques est maître mot puisqu’il s’agit d’une obligation légale. Dès lors, si les mesures de prévention imposées par la loi ne sont pas respectées, la violation à une obligation particulière de prudence ou de sécurité fixée par la loi est caractérisée. Il restera toutefois à prouver la violation manifestement délibérée. Une omission involontaire ne saurait donc caractériser cette infraction pénale : le délit de mise en danger d’autrui. En l’espèce, au terme d’une démonstration casuistique fort bien fournie par la Cour d’appel, la violation délibérée à une obligation de prudence ou de sécurité a été vite balayée par la chambre criminelle. Le non-respect de la législation relative à l’amiante étant en effet caractérisé.

Ce qui interroge toutefois à la lecture de cet arrêt, c’est la corrélation entre « un risque immédiat » de mort et le fait de développer un cancer au bout de quarante ans. Le défendeur a justement défendu l’hypothèse suivante : le risque immédiat n’est pas présent. Mais la cour de cassation n’a pas été de cet avis. C’est ce point particulier qui doit retenir l’intention car si la preuve d’une violation délibérée est exigée et parait difficile à démontrer, le risque immédiat quant à lui ne l’est pas. A la lecture de l’article 223-1 du Code pénal, il ressort en effet que le risque immédiat ne doive pas être confondu avec le lien de causalité entre la faute et le risque de mort ou de blessure. Il s’agit de deux éléments différents dont la preuve distincte doit être apportée. Il semblerait en outre que le risque de mort doive être instantané. Or en matière d’amiante, le risque de mort n’est pas immédiat. La survenance de la mort peut être certaine mais sera lointaine. Cependant, pour la cour de cassation, jusqu’à présent le terme « immédiat » n’a jamais eu de connotation temporelle. L’adjectif « immédiat » caractérise uniquement le fait que le risque de mort ou de blessure provienne de l’exposition au risque. Aussi le rejet du pourvoi de surprend guère.

Cette interprétation de l’article par le juge pénal n’est pas sans conséquence. S’il n’est pas nécessaire qu’un risque immédiat de mort soit prouvé, mais simplement que le risque de mort soit immédiatement dû à ladite exposition, c’est le champ d’application du délit de mise en danger d’autrui qui en est considérablement élargie.