Dans le cadre de la réforme du marché du travail proposée par le gouvernement, qui s'est d'ailleurs récemment vu autorisé par l'Assemblée nationale à légiférer par ordonnances, un document de synthèse des échanges avec les partenaires sociaux a permis de révéler le projet de fusion, au sein des entreprises de plus de 50 salariés, du Comité d'entreprise, des Délégués du personnel et du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en un unique « comité social et économique ».

Ce que prévoit actuellement la loi
Actuellement, la loi prévoit, pour les entreprises d'au moins 50 salariés, trois grands organes de représentation du personnel : le Comité d'entreprises (CE), le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les Délégués du Personnel (DP).

Alors que le CE assure un droit d'expression pour les salariés de l'entreprise sur les orientations économiques et stratégiques de l'organisation, leurs conditions de travail ainsi que sur les garanties collectives de protection sociale complémentaires, le CHSCT, introduit par la loi 82-1097 du 23 décembre 1982, contribue à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Le CHSCT doit être consulté sur les problématiques touchant les risques professionnels, le respect des prescriptions législatives et réglementaires ainsi que la mise en œuvre des mesures de prévention préconisées. Il contribue également au développement de la prévention par des actions de sensibilisation et d’information (contre le harcèlement moral et sexuel notamment) et analyse les circonstances et les causes des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

Le CHSCT est doté de la personnalité morale et juridique depuis les arrêts N°89-17993 – N°89-43767 – N°89-43770 de la Cour de Cassation du 17 avril 1991. Cette reconnaissance permet au CHSCT de signer des contrats comme la convention de recours à l’expertise, accepter des dons et des legs et agir en justice pour défendre les intérêts des salariés.

Les moyens et prérogatives du CHSCT se sont considérablement étendus depuis 1982. Le Comité dispose en effet d'un droit à organiser des inspections et des enquêtes au sein de l'entreprise. Il peut également recourir à un expert en cas de risque grave constaté. Les membres du CHSCT bénéficient en outre d'une formation théorique et pratique afin de remplir leurs missions et déceler les risques touchant l'hygiène et la sécurité au travail.

Les prérogatives du nouveau comité social et économique
Or, le gouvernement prévoit de créer une instance unique fusionnant le CE, le CHSCT et les Délégués du personnel, relais des salariés dans ces deux instances de représentation.
Ce comité social et économique conserverait les compétences des trois instances d'information et de consultation fusionnées. La nouvelle instance aurait obligatoirement :
• un budget de fonctionnement propre
• la capacité d'agir en justice
• la capacité de recourir à des expertises
• une commission hygiène, sécurité et conditions de travail
Par accord majoritaire, les entreprises pourraient toutefois décider de conserver des instances séparées mais il est prévu que, dans ce cas, les instances séparées n'auraient plus la personnalité morale, ce qui les priverait donc de la possibilité d'agir en justice.

Quelles conséquences pour la protection des salariés ?
Alors que certains experts relativisent cette transformation, d'autres s'alarment des possibles conséquences néfastes que pourraient avoir l'incrémentation de la CHSCT dans un organe plus englobant.

Cette fusion inquiète en effet bon nombre de juristes, notamment du fait de la disparition de la personnalité morale du CHSCT. Ainsi, Jean Auroux, ancien Ministre du Travail et instigateur de la loi de 1982 ayant créé le CHSCT, affirme que « des CHSCT ont réussi à faire plier des directions d'entreprises importantes sur des questions dangereuses parce qu'ils avaient la personnalité morale et donc la possibilité d'agir en justice. » D'après lui, cette réforme risque de porter atteinte à la prévention et à la sécurité des salariés dans l'entreprise.

Cependant, certaines personnes saluent ce projet visant, d'après eux, à simplifier la vie des entreprises et à donner aux salariés un organe de représentation unique plus efficace. La gestion des quatre organes de représentation (CE, CHSCT, DP et Délégués syndicaux) est très fastidieuse et peut nuire à la compétitivité des entreprises. Ces instances ont également tendance à avoir des prérogatives très proches, ce qui nuit à leur coordination, à la résolution des problèmes et à l'efficacité des décisions prises au sein de ces organes.

Par ailleurs, depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, le CE et le CHSCT peuvent déjà fusionner en une délégation unique du personnel (DUP) dans les entreprises de 50 à 300 salariés. Les défenseurs de cette réforme prennent l'exemple du Danemark et de l'Allemagne où les employeurs font face à un organe de représentation des salariés unique et donc plus puissant.