En Bretagne le débat sur la reconnaissance du danger que représente les proliférations d’algues vertes semble relancé après une décision du Tribunal des Affaires Sociales de Saint Brieuc le 16 juin 2017.

Malgré plusieurs accidents mortels, impliquant principalement des animaux, mais aussi de multiples dénonciations de lanceurs d’alertes, tel que Yves-Marie le Lay et André Ollivro, deux dirigeants de l’association Halte aux marées vertes, qui dénoncent les méfaits des algues vertes; le débat reste entier concernant les dangers sur l’Homme.

Pourtant la Cour Administrative d’Appel de Nantes avait fait un premier pas en reconnaissant le 21 juillet 2013 la responsabilité de l’Etat après la mort, due à des algues vertes en décomposition, d’un cheval pendant l’été 2009. Cette responsabilité portait sur le fait que la prolifération de ses algues vertes était due à une carence de l’Etat dans la mise en oeuvre de manière efficace des règlementations nationales et européennes sur la protection des eaux contre les pollutions d’origine agricole qui sont la cause principale des marées vertes. Cette décision marquait la première condamnation de l’Etat du fait des algues vertes pour des conséquences sanitaires. Dans cette affaire la cause de l’intoxication du cheval était l’inhalation du gaz toxique (hydrogène sulfuré) dégagé par les algues vertes en décomposition. Par conséquent l’État reconnaissait la dangerosité et la mortalité des émanations issues des algues vertes en décomposition.

Le 27 avril 2017 les dirigeants de l’association Halte aux marées vertes ont décidé de porter leurs actions devant la justice. Dans le but premier d’obtenir la reconnaissance devant le tribunal des affaires de sécurité sociales de la mort de Thierry Morfoisse, un conducteur de camion décédé en juillet 2009 alors qu’il transportait une cargaison d’algues vertes en accident de travail. Ensuite ils ont pour but de déposer devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Brieuc une plante contre X pour « Mise en danger de la vie d’autrui ». Ils souhaitent se constituer partie civile avec l’association Génération futurs suite au décès d’un joggeur, René Auffray, dont le corps a été retrouvé sans vie sur une plage recouverte d’algues vertes en décomposition le 8 septembre 2016. Le corps a été retrouvé près d’une zone où quelques années plus tôt une trentaine de sangliers avaient également été retrouvées sans vie et dont la cause de la mort était une intoxication à l’hydrogène sulfuré produit par les algues vertes en décomposition.

Le 16 juin 2017 le tribunal des affaires sociales de Saint Bireuc a ordonné la réouverture des débats sur les causes du décès de Thierry Morfoisse. Une décision qui pourrait jouer un rôle décisif dans la reconnaissance du danger que représente les algues vertes et leurs proliférations.

Dans cette affaire Thierry Morfoisse un conducteur transportant plusieurs chargements d’ulves pourrissantes ramassées sur la plage de Binic est décédé à l’âge de 48 ans à la déchetterie de Launay- Lantic. Depuis 2009 sa famille mène une véritable lutte juridique pour faire reconnaitre que la crise cardiaque qui lui a été fatale est due à un accident de travail en lien avec les émanations toxiques de l’hydrogène sulfuré.

Cette décision du Tribunal des Affaires sociales ne tranche pas sur le fond mais permet d’ouvrir une nouvelle fois le débat pour déterminer à qui il appartient d’apporter la preuve du lien de causalité: à la famille ou à la Caisse primaire d’assurance maladie.

Pour l’avocate de la famille il s’agit d’une « décision importante car si la charge de la preuve incombe à la Caisse d’assurance maladie, alors le caractère professionnel de l’accident est présumé, et la CPAM devra démontrer qu’il n’existe aucun lien entre l’accident de Thierry Morfoisse et son travail. » En effet en France il existe un principe de présomption d’imputabilité lorsqu’un salarié décède sur son lieu de travail qui conduit à conclure à un accident du travail. Cette reconnaissance donnerait lieu à une indemnisation pour la famille de la victime.

Une procédure pénale est également en cours d’instance devant la Cour d’Appel de Rennes qui doit se prononcer sur l’ordonnance de non-lieu rendue en juin 2016. En première instance une expertise avait écarté le lien entre la mort du conducteur et l’inhalation de gaz toxique émanant de ces algues en décomposition. Pour l’avocate de la famille ce lien avait été écarté à cause de la mauvaise conservation des échantillons de sang dénombrant l’intoxication à l’hydrogène sulfuré.

Cette reconnaissance représenterait une avancée cruciale pour les défenseurs de l’environnement qui dénoncent depuis des années la responsabilité de l’agriculture intensive dans la prolifération des marées d’algues vertes. Il faudra attendre le 16 octobre 2017 pour que la décision soit rendue par le Tribunal des affaires sociales.