Depuis 2011, la politique agricole commune (PAC), et notamment la structure d’allocation des aides aux agriculteurs connait des mutations : s’amorce en effet une transition vers le conditionnement environnemental des aides.
A l’occasion de la réforme de la PAC en 2013 (mais réellement à compter du 12 janvier 2015, date de fin des arbitrages), ce « verdissement » s’est concrétisé par la mise en place d’un paiement direct supplémentaire pour les exploitants agricoles, rémunérant des actions spécifiques en faveur de l’environnement.
Parmi ces actions, l’obligation pour l’exploitant agricole, lorsqu’il détient plus de 15ha de terres arables, d’en consacrer 5% au maintien ou à l’établissement de surfaces d’intérêt écologique (SIE). Plusieurs éléments peuvent être considérés comme SIE, avec pour chacun un critère d’équivalence en surface : terres en jachère, haies ou bandes boisées, murs traditionnels en pierre, surface où sont présentes des cultures dérobées ou à végétales (bourraches, avoine, lins, sarrasin)…

Toutes les exploitations qui ont plus de 15ha sont donc tenues au respect de ces critères pour obtenir les aides à deux exceptions près :
- lorsque les terres arables sont occupées à plus de 75% par des prairies temporaires et/ou de la jachère ou des légumineuses et que la surface arable restante est inférieure à 30 hectares ;
- lorsque la SAU est occupée à plus de 75% par des prairies temporaires et /ou des prairies permanentes et que la surface arable restante est inférieure à 30 hectares

Il est à noter que, parmi les SIE, et pour encourager les filières de céréales destinées à nourrir les animaux, ont été introduits celles portant des cultures de plantes fixant l’azote (principalement des protéagineux et légumineuses : pois, lentilles, pois chiche, soja…)

Cette dernière faculté à contribué à faire achopper les discussions sur les SIE à propos d’un sujet : la possibilité, ou non, d’utiliser des pesticides pour le traitement de ces parcelles.

En mai, deux eurodéputés conservateurs avaient réussi à bloquer la proposition de la commission Européenne de restreindre l’usage de pesticides dans ces zones protégées, puis c’est la commission parlementaire de l’agriculture et du développement durable qui avait exercé son véto sur cette interdiction des pesticides.

Cette dernière estimait en effet que la proposition, allant bien au-delà d’une simple simplification, allait avoir une trop grande incidence sur la mise en œuvre de la PAC, pénalisant notamment les producteurs de protéagineux et légumineuses, et mettant en péril la production durable de ces plantes, essentielles à l’élevage, et pour lesquelles l’Europe est extrêmement dépendant des pays tiers.

La FOP (Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux) estimait en effet, que cette mesure retirait, de facto, 5% de leurs surfaces arables de la production agricole, risquant de décourager telles cultures.

Cette position était contestée par plusieurs associations de protection de l’environnement, notamment France Nature environnement, la faculté de pouvoir épandre des pesticides sur les SIE les vidant de leur sens premier : en faire des refuges de biodiversité.

C’est dans ce contexte conflictuel que les parlementaires européens, à une courte majorité, ont approuvé la proposition de la commission, dans un vote du 14 juin, et officialisé l’interdiction de l’usage de produits phytosanitaires sur les surfaces d’intérêt écologique.

Cette décision, importante, marque l’approbation du premier dispositif contraignant pour évoluer vers une agriculture sans pesticides, et confirme le processus de « verdisation » de la gouvernance des politiques agricoles dans l'UE.