Au début du mois de mai 2017, les services des douanes sur l’Ile de la Réunion ont intercepté plusieurs dizaines de tonnes de déchets automobiles dangereux dans des conteneurs à destination de l’Inde. Cette pratique illégale et relevant du dumping environnemental devient de plus en plus courante parmi les trafics environnementaux. L’occasion de dresser un état des lieux de la règlementation relative au transfert transfrontalier de déchets.

Les faits de l’espèce

En lieu et place de débris de métal déclarés pour une valeur de 7 000€, les douanes ont en réalité trouvé à l’intérieur des conteneurs 24 tonnes de batteries automobiles usagées et 44 tonnes de déchets ferreux et de pièces automobiles usagées.
De tels événements ne sont pas rare puisqu’en 2016, 44 tonnes de batteries usagées et 506 pneus avaient déjà été saisis dans la zone Océan Indien ; les flux illégaux au départ de La Réunion ayant principalement pour destination Madagascar.
Le Parquet a été saisi des chefs de stockage illégal de déchets dangereux et d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées.

L’illégalité d’une telle pratique

L’exportateur aurait dû disposer d’une autorisation de stockage pour ces déchets dangereux et leur exportation, délivrée par la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
Deux textes régissent à l’échelle supranationale le transfert transfrontalier de déchets. Pour les pays de l’Union Européenne, il s’agit du Règlement (CE) 1013/006 du 14 juin 2006 qui reprend en réalité les dispositions de la Convention Internationale signée à Bâle en 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination.
L’exportation de déchets dangereux sans autorisation et d’autant plus hors de l’Union Européenne est illégale notamment en raison de l’absence de traçabilité qu’il en résulte. Les déchets dangereux saisis (batteries) contiennent en effet des produits extrêmement nocifs pour la santé et pour l’environnement tels que le plomb, le cadmium, ce qui rend nécessaire leur prise en charge dans des installations agréées au sein desquelles les risques sont maîtrisés (de type ICPE en France par exemple au titre du stockage et du traitement des déchets dangereux).
Or, leur exportation vers des pays tiers dont les normes sanitaires et environnementales ne sont pas connues ou ne répondent pas aux mêmes standards renchérit la dangerosité de l’opération pour la santé des travailleurs et l’état des éléments de l’environnement.
Cette pratique, qui n’est pas sans rappeler le désamiantage du porte-avions Clémenceau, s’apparente en effet à du dumping environnemental en ce qu’elle dédouane les obligés de leur contribution financière au titre de la responsabilité élargie du producteur en matière de piles et accumulateurs automobiles en France, et permet d’épargner les coûts de soumission d’un dossier d’autorisation ICPE pour le stockage de déchets dangereux.
Par ailleurs, les pièces automobiles jugées trop dangereuses pour être utilisées sur des véhicules en France n’ont pas nécessairement le même qualificatif dans des pays tiers à l’Union Européenne dans lesquels elles seront revendues puis réutilisés sur des véhicules, au détriment des enjeux climatiques mondiaux.

Le régime de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination

Cette Convention a été signée à Bâle en 1989 et son dispositif a notamment été transposé dans le droit de l’Union Européenne par le règlement susmentionné.
Le texte prévoit avant toute chose de réduire la production de déchets dangereux. A défaut de la réduire, les Etats doivent faire montre d’une gestion des déchets sans risques. La Convention prohibe par ailleurs l’exportation de déchets dangereux en Antarctique, dans un Etat qui n’est pas partie à la Convention ou dans un Etat partie qui a interdit l’importation de déchets dangereux. Toutefois, des agréments bilatéraux ou multilatéraux peuvent être passés entre Etats parties ou non parties, à condition que ces accords ne soient pas moins protecteurs de l’environnement que la Convention de Bâle.
Le transfert transfrontière de déchets demeure cependant l’exception et ne doit être réalisé que s’il constitue une solution sûre pour l’environnement et que l’opération est réalisée conformément au système mis en place par la Convention. Puisque la traçabilité des déchets est une notion centrale pour la sûreté de la planète (voir en ce sens l’affaire des dioxines de Seveso), la Convention de Bâle subordonne l’exportation de déchets à l’impératif d’information préalable. L’Etat exportateur doit en ce sens notifier l’opération à l’Etat d’accueil (supposé avoir consenti par écrit) et lui indiquer en détails les informations relatives à ce transfert.

En l’espèce, bien que l’Inde et la France soient toutes les deux parties à la Convention de Bâle, les responsables de cette tentative d’export ont essayé d’agir en dehors des radars officiels et en méconnaissance des impératifs de traçabilité des déchets. La coopération internationale en matière douanière et de lutte contre la criminalité environnementale est donc primordiale, lorsque l’on voit les effets causés par le trafic de déchets dangereux, à l’instar de l’affaire du Probo Koala.