La directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale illustre le principe du pollueur-payeur énoncé parmi les principes communautaires en matière d’environnement à l’article 174 paragraphe 2 TCE qui dispose que « La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur. »

I- Les faits de l’affaire

Un site italien dit « de la rade d’Augusta » (Sicile) subit une pollution environnementale des ses fonds marins du fait des activités des entreprises, opérant dans l’industrie et des hydrocarbures, implantées dans le secteur. La pollution remonte au plus tard à après la seconde guerre mondiale.

La difficulté de l’affaire résidait donc dans l’imputation individuelle de la pollution aux différentes entreprises présentes et à la démonstration du lien de causalité.
Par différentes mesures successives, l’administration italienne ordonne aux entreprises qui opèrent actuellement sur le site de la rade d’Augusta de procéder à la bonification des fonds marins contaminés. À défaut pour les entreprises de s’exécuter, l’administration les menace d’effectuer d’office les travaux de bonification, et ce à leur charge.
Il ressort des constatations de la juridiction de renvoi que l’administration a ordonné aux entreprises qui opèrent dans la rade d’Augusta d’éliminer la pollution environnementale existante, sans distinction entre la pollution antérieure et la pollution actuelle et sans examen de la part de responsabilité de chacune des entreprises en cause pour le dommage occasionné.

Afin de mieux comprendre la réponse faite par le Cour il convient de rappeler le régime posé par la directive 2004/35 entrée en vigueur pour rappel le 30 avril 2004 et transposée en France par la loi du 1er aout 2008

II- Le régime de la responsabilité environnementale

Tout d’abord il convient d’énoncer que le régime de responsabilité de la directive 2004/35 ne concerne que certains types de dommages.

Il s’agit des dommages, directs ou indirects, causés au milieu aquatique couvert par la législation communautaire en matière de gestion des eaux; des dommages, directs ou indirects, causés aux espèces et habitats naturels protégés au niveau communautaire par la directive « oiseaux sauvages » de 1979 et par la directive « habitats » de 1992; et enfin la contamination, directe ou indirecte, des sols qui entraîne un risque important pour la santé humaine.


Le régime de responsabilité de la directive décrit un régime de responsabilité objectif concernant les dommages environnementaux et menaces imminentes de tels dommages lorsqu'ils résultent d'activités professionnelles, dès lors qu'il est possible d'établir un lien de causalité entre le dommage et l'activité en cause

Les activités professionnelles en question dans le texte communautaire sont énumérées dans l’annexe III de la directive, à savoir les activités agricoles ou industrielles soumises à un permis en vertu de la directive sur la prévention et la réduction intégrée de la pollution, les activités rejetant des métaux lourds dans l'eau ou dans l'air, les installations produisant des substances chimiques dangereuses, les activités de gestion des déchets, ainsi les activités concernant les organismes génétiquement modifiés et les micro-organismes génétiquement modifiés.

Concernant les activités professionnelles autres que celles énumérées dans l'annexe III de la directive, pour les dommages ou menaces imminentes de dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés par la législation communautaire, la responsabilité de l'exploitant ne sera engagée que si celui-ci a commis une faute ou s'est montré négligent.

Dès lors que ces conditions sont réunies il appartiendra à l’autorité nationale compétente de prendre les mesures de prévention s’agissant d’une menace imminente de dommage, ou les mesures de réparation pour les dommages effectifs. Ces mesures de réparation ou prévention sont à la charge de l’exploitant, avec la possibilité pour l’autorité compétente de les effectuer elle-même en réclamant ensuite les frais engagés au pollueur dans un délai de cinq ans à compter de la date d'achèvement des mesures de prévention ou de réparation ou de la date à laquelle l'exploitant a été identifié.

L’annexe II de la directive prévoit différente formes de réparation du dommage :
- pour les dommages affectant les sols, la décontamination des sols jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun risque grave d'incidence négative sur la santé humaine;
- pour les dommages affectant les eaux ou les espèces et habitats naturels protégés, la remise en état antérieur au dommage. À cet effet, les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés doivent être restaurés ou remplacés par des éléments naturels identiques, similaires ou équivalents, soit sur le lieu de l'incident, soit, si besoin est, sur un site alternatif.

III- Les solutions indiquées par la Cour de Justice

Il est indiqué à l’article 4, paragraphe 5, que:
«La présente directive s’applique uniquement aux dommages environnementaux ou à la menace imminente de tels dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants.»

De plus l’article 16 paragraphe 1énonce que:
«La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres activités en vue de leur assujettissement aux exigences de la présente directive en matière de prévention et de réparation, ainsi que l’identification d’autres parties responsables.»

Dès lors la Cour édicte que la directive 2004/35 ne s'oppose pas à une réglementation nationale permettant à l'autorité compétente, agissant dans le cadre de cette directive, de présumer l'existence d'un lien de causalité, y compris dans le cas de pollutions à caractère diffus, entre des exploitants et une pollution constatée, et ce en raison de la proximité de leurs installations avec la zone de pollution.

Elle précise qu’aux fins de présumer de la sorte un tel lien de causalité, cette autorité doit disposer d'indices plausibles susceptibles de fonder sa présomption, tels que la proximité de l'installation de l'exploitant avec la pollution constatée et la correspondance entre les substances polluantes retrouvées et les composants utilisés par ledit exploitant dans le cadre de ses activités.

La charge de la preuve de la source de la pollution ainsi que du lien de causalité entre le dommage et la pollution incombe donc à l’autorité nationale compétente selon la règlementation en vigueur.


Sources :
http://europa.eu
CJUE, gr. ch., 9 mars 2010, Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA c/ Ministero dello Sviluppo economico
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