Le 12 juillet 2016, à la demande de l’Association Nationale Pommes-Poires, regroupant 1500 producteurs arboricoles, le Conseil d’État annulait l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime (CE, 6 juillet 2016, Association nationale pommes poires, n° 391684).

Les dispositions de ce texte, fixant le cadre règlementaire de la mise en marché et de l’utilisation de ces produits, notamment la vitesse maximale du vent au-delà de laquelle ils ne peuvent pas être appliqués, les délais à respecter entre l'application et la récolte, le délai de rentrée minimum applicable aux travailleurs agricoles après l'utilisation des produits ainsi que des dispositions pour limiter les pollutions ponctuelles, relatives notamment à l'épandage et la vidange des effluents phytopharmaceutiques, était jugé comme trop contraignant par l’association requérante, ses prescriptions rendant, selon elle, techniquement impossible les cultures arboricoles à certains moments de l’année. L’association avait par ailleurs sollicité à plusieurs reprises le Ministère de l’Agriculture pour que le texte soit abrogé.

Devant le Conseil d’État, c’est un vice de procédure qui sera pourtant invoqué pour demander le retrait de l’arrêté litigieux : le texte comportant des exigences portant « directement sur les conditions d'utilisation des produits phytosanitaires et (qui) influencent de manière significative leur commercialisation», celles-ci auraient dû faire, en application de l'article 8 de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 l’objet d’une notification préalable à la commission Européenne, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. La haute autorité donnait satisfaction à l’association, en reconnaissant l’irrégularité.

L’État se retrouvait contraint d’abroger le texte sous 6 mois, et pressé par plusieurs associations de protection de l’environnement de prendre un nouvel arrêté au plus vite. Parmi les raisons à cela, le fait que l’arrêté de 2006 constituait, selon l’avocate Stéphanie Cottineau, dans des propos rapportés par le Journal de l’environnement, le support argumentaire principal pour les riverains de parcelles agricoles intoxiquées par des épandages, lors des procédures au pénal.

Le nouveau cadre réglementaire est finalement fixé par l’arrêté du 7 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, adopté dans les tous derniers jours du gouvernement Hollande avant passation de pouvoir.

Si ce texte reprend en grande partie les dispositions de l’arrêté précédent, des différences notables sont à souligner, lesquelles suscitent quelques craintes, relayées par la presse spécialisée, et les ONG et associations de protection de l’environnement.

Ainsi les mesures concernant la protection des points d’eau semblent de prime abord maintenues : l’arrêté impose toujours aux agrochimistes, en bordure de cours d’eau, le respect d’une « zone non traitée », caractérisée par sa largeur, ou de se tenir à une certaine distance des autres points d’eau selon les normes d’utilisation de chaque produit chimique. Mais si ces points d’eau étaient très complètement définis dans l’arrêté de 2006 (« Points d’eau » : cours d’eau, plans d’eau, fossés et points d’eau permanents ou intermittents figurant en points, traits continus ou discontinus sur les cartes au 1/25000 de l’Institut géographique national ».), celui du 17 mai 2017 renvoie, lui, vers l’article L215-7-1 du code de l’environnement, qui propose une définition beaucoup plus restreinte, et vers un nouvel arrêté préfectoral, qui devra être pris dans un délai de 2 mois, pour une prise en compte d’autres éléments hydrographiques.

De fait il existe un risque que, d’un département à l’autre, certains écoulements naturels ne soient plus soumis à protection, or si ces écoulements sont en communication avec les cours d’eau protégés, ces derniers seront potentiellement contaminés par les substances visées par l’arrêté.

Autre point d’assouplissement : celui concernant le délai de rentrée des salariés. En cas de d’application de certains produits dangereux (provoquant par exemple des irritations sévère des yeux, des difficultés respiratoires, ou allergies cutanées) ce délai reste de 24h ou 48H, mais l’article 3-IV prévoit une dérogation en cas « besoin motivé, non anticipé et non prévisible ou impérieusement nécessaire », à condition que les travailleurs soient équipés d’équipement de protection individuelle. Ces dérogations ne faisant pas l’objet d’un accord préfectoral pourront donc être répétées, et l’association France Nature Environnement y voit une réduction de la sécurité des travailleurs, les équipements de protection prévus par l’arrêté n’ayant, selon elle, pas prouvé leur efficacité réelle.

Enfin cet arrêté ne prend pas en compte la demande, émanant de plusieurs associations de protection de l’environnement, d’imposer la mise en place des zones non traitées à proximité des habitations, espaces publics, ou lieu accueillant des personnes vulnérables.
Dans le contexte actuel, alors qu’une expertise menée en 2013 par l’Inserm a fait apparaitre des liens entre l’exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies (cancer de la prostate, maladie de Parkinson), d’une part et d’autre part les risques qu’une exposition en périodes prénatales et périnatale ainsi que lors la petite faisaient courir pour le développement de l’enfant, il est probable que cet arrêté fasse parler de lui.

Et ce d’autant plus que, suite à la mise en examen en novembre 2016 de deux propriétés viticoles, pour « usage inapproprié de produits phytopharmaceutiques » soupçonnés d’être à l’origine de malaises et de nausées chez des élèves d’une école primaire en mai 2014 à Villeneuve les Blaye, un renvoi en correctionnelle amènerait encore la question de la sécurité des personnes face aux pesticides, et de la responsabilité des utilisateurs sur le devant de la scène.