Le 29 mars 2017, l’Assemblée Législative du Salvador a adopté une loi interdisant les mines de métaux sur son territoire, publiée ce 27 avril au Journal Officiel salvadorien. Ce petit pays d’Amérique Centrale devient ainsi un pays pionnier en la matière. Cette loi fait suite à nombre de contentieux que le pays a connu avec de grands groupes miniers. L’analyse des articles du texte ainsi que l’étude de ses motivations ouvrent une fenêtre sur la place de la protection de l’environnement au sein de ce pays.

L’opposition à l’exploitation minière sur le territoire salvadorien

Petit pays d’Amérique Centrale, le Salvador dispose au Nord de son territoire de gisements aurifères importants. L’impact sur l’environnement, notamment sur l’eau potable de ces activités avait d’abord conduit l’ancien président Elias Antonio Saca en 2008, à déclarer un moratoire sur la concession de nouvelles autorisations d’exploiter sans étude d’impact environnemental préalable et sous réserve qu’une loi régulant les activités minières soit votée.
Un deuxième coup d’arrêt a été porté aux activités extractives des entreprises minières au Salvador, lorsque l’entreprise canado-australienne OceanaGold venant aux droits de la société Pacific Rim a été condamnée par la Cour d’Arbitrage de la Banque Mondiale a verser 8 millions de dollars à l’Etat du Salvador au titre des frais de justice exposés. La société avait exigé du Salvador le paiement de 314 millions de dollars au motif de gains potentiels perdus en se voyant refuser la délivrance d’un permis d’extraction.
En plus d’avoir requis l’engagement par le Salvador de sommes colossales pour se défendre face à la compagnie minière devant la Cour Arbitrale, l’implantation minière a déjà fait plusieurs victimes chez les activistes environnementaux opposés à ce projet, sans pour autant selon le Parquet avoir pu relier ces disparitions aux engagements que les victimes portaient.

Les motivations de la loi

La loi arbore six considérants qui apportent un éclairage sur la protection de l’environnement offerte par le Salvador.
L’article 1 de la Constitution du Salvador qui sert de fondement à cette loi, rappelle que l’Etat a pour fin d’assurer à ses habitants le droit de jouir de leur santé. L’article 117 de la Constitution établit également qu’il est du devoir de l’Etat de protéger les ressources naturelles ainsi que la diversité et l’intégrité de l’environnement afin de garantir le développement durable.
Les considérants suivants rappellent ensuite que le Salvador est partie aux engagements internationaux de protection de l’environnement ainsi que de la santé, et qu’en 2010 le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a classé le Salvador parmi les pays dont l’environnement était le plus détérioré sur le continent américain. Une étude environnementale du Ministère de l’Environnement corrobore ces assertions en estimant que l’état dégradé de l’environnement au Salvador constitue une barrière significative empêchant toute possibilité pour le pays de garantir une exploitation minière soutenable et la maîtrise suffisante des risques.
Enfin, les députés en déduisent que les mines de métaux, en plus de leur utilisation de l’eau constituent une menace pour le développement durable et pour le bien être de la population, en raison de leur utilisation de produits hautement toxiques (mercure, cyanure) et des nombreux risques que ces activités font peser sur la protection des paysages et sur une contamination des milieux préjudiciable à la santé humaine.

Le contenu de la loi

En substance, la loi contient onze articles qui traduisent juridiquement les enjeux relevés dans les considérants. Elle interdit ainsi toute activité minière sur le territoire salvadorien. Sont également prohibés l’utilisation de produits toxiques tels que le cyanure et le mercure. Aucune institution, norme ou acte administratif ne pourra autoriser dorénavant l’exploration, l’exploitation ou l’extraction de métaux au Salvador. Il en va de même pour toute concession, permis ou contrat qui aurait cette même fin. En outre, les demandes pendantes visant à l’obtention d’autorisations ou de concessions minières sont rejetées.
La loi prévoit par ailleurs que le Ministère de l’Economie est responsable de la fermeture des mines de métaux et qu’il coordonne avec le Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles la réparation environnementale des nuisances occasionnées par les mines dans les régions concernées, afin de rendre à la population les conditions d’un environnement sain.
Sont néanmoins exclues du champ d’application de la loi les activités artisanales de fabrication, réparation et commercialisation de bijoux ou objets contenant des métaux précieux.
Le Salvador est donc un des premiers pays du monde à interdire ces activités sur son sol. Ajoutons à cela que les arguments en termes d’emploi et de richesse apportée au pays, souvent entendus dans le cadre de l’exploitation de ressources par de grandes entreprises multinationales ont été écartés puisqu’une étude a montré que ce secteur n’avait contribué qu’à 0.3% du PIB entre 2010 et 2015.

Si les ONG attendent encore l’application effective de la loi, celle-ci est porteuse d’espoir pour toutes les communautés locales qui luttent pour la préservation de la ressource en eau et de l’environnement dans les pays d’Amérique Centrale, à l’instar du Nicaragua et du Guatemala.