A la fin du mois d’avril 2017 une biologiste et apicultrice amateure a découvert qu’une larve, la fausse teigne de la cire (Galleria Mellonella), avait la capacité de « manger » le polyéthylène contenu dans les plastiques. Si cette avancée peut être saluée, il ne faut cependant pas y voir ni une solution durable pour la réduction des déchets plastiques présents dans nos océans, ni une alternative à la gestion courante des déchets au regard des principes contenus dans le droit français.

Les caractéristiques de Galleria Mellonella

Selon l’étude menée, la larve en question serait ainsi capable d’ingérer le polyéthylène contenu dans les plastiques. Dégradant ce matériau plus rapidement que certaines solutions actuelles, une utilisation de la larve à grande échelle permettrait donc de réduire les déchets plastiques présents dans nos océans d’autant plus que la larve en question est déjà utilisée comme appât pour la pêche.
Cette espèce est toutefois connue à l’état sauvage comme nichant dans la cire des ruches qu’elle ingère pour se nourrir. La structure chimique de la cire est similaire à celle du polyéthylène. La survie des abeilles est pourtant déjà menacée, notamment par l’utilisation d’insecticides néonicotinoïdes, que la loi biodiversité du 8 août 2016 (art.125) entend interdire à compter du 1er septembre 2018, bien que des dérogations soient possible jusqu’en 2020. Il semblerait donc plus prudent de ne pas ajouter une pression supplémentaire sur les insectes pollinisateurs par une dissémination industrielle de ces larves.

Des opportunités et des risques attachés à l’utilisation massive d’un service écologique

Outre les menaces pouvant peser sur l’apiculture et les abeilles, l’utilisation de ces larves à grande échelle, si elle peut paraître intéressante en matière d’opportunités de réduction des déchets, est susceptible de générer des menaces sur les écosystèmes. En effet, l’introduction à grande échelle d’une espèce non indigène dans un écosystème peut conduire au déséquilibre de celui-ci en ce que les ressources dont a besoin la larve pour survivre seront consommées aux dépens de l’espèce indigène. Il n’est donc pas souhaitable d’introduire dans tous les écosystèmes des espèces exotiques ou encore non indigènes.
Par ailleurs, le résultat de l’ingestion par les larves du polyéthylène se trouve être de l’éthylène glycol, utilisé par exemple comme antigel. Au vu des quantités grandissantes de plastiques produits ou se trouvant dans nos océans, il serait primordial d’étudier l’impact d’une augmentation d’éthylène glycol dans les milieux naturels concernés.

Un rappel des principes de gestion des déchets

Enfin, il convient de rappeler les principes élémentaires qui irradient le droit français des déchets notamment ceux contenus à l’article L.541-1 du Code de l’Environnement. Certes, l’utilisation soit de l’espèce, soit de l’enzyme permettant à cette espèce de dégrader le polyéthylène est une idée séduisante pour réduire le stock existant de déchets. Toutefois, les principes fondamentaux en matière de gestion des déchets sont d'abord ceux de prévention et de réduction à la source, puis de la réutilisation, du réemploi, du recyclage et de la valorisation. Il conviendrait donc dans un premier de dégager des solutions visant à limiter l’utilisation du plastique, en développant à l’instar d’autres pays européens des systèmes de consigne, des magasins généralisant le vrac ou encore des emballages compostables.
Si ce service écologique vient à être investi par un développement à grande échelle (soit pour isoler l’enzyme, soit pour produire de manière industrielle des larves), les risques inhérents pour l’environnement dépendent des risques classiques des investissements. En effet, pour une utilisation industrielle de ces services cela suppose des investissements conséquents, dans la recherche comme dans la mise en œuvre du projet. Le retour sur investissement sera attendu, si bien qu’il faudra toujours plus de plastique pour rentabiliser la démarche, en l’état actuel de l’économie.
De manière prospective, si l’on vise une réduction voire un bannissement total du plastique, mieux vaut investir dans des solutions qui réduisent les déchets à la source plutôt que dans celles qui proposent une solution donnant un blanc-seing à la production toujours plus effrénée de ceux-ci. Cette hypothèse se vérifie avec les incinérateurs qui ont supposé de lourds investissements dans leur mise en œuvre ainsi que dans leur maintenance, et qui pour certains, ont aujourd’hui besoin d’importer des déchets, en méconnaissance du principe de proximité.
Solution court-terme louable et avancée scientifique majeure, certes, mais comme le rappelle l’association Zero Waste France, le changement des modes de consommation doit d’abord s’opérer au niveau anthropique avant de devoir compter sur l’exploitation industrielle de chenilles pour y remédier.