Saisi par les sénateurs et députés Les Républicains, le Conseil constitutionnel a validé le 23 mars dans son principe la loi socialiste sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre, adoptée le 21 février par l'Assemblée nationale.

Le texte impose aux 150 entreprises employant plus de 5000 salariés en France de mettre en place des plans de prévention, dits «de vigilance». Ces plans sont destinés à prévenir les manquements éthiques, sociaux ou environnementaux de leurs sous-traitants, que ceux-ci soient implantés en France ou à l'étranger. Les manquements feront l'objet d'une mise en demeure, puis d'une éventuelle injonction prononcée par le juge.

Mais le Conseil constitutionnel a censuré l'amende civile prévue en cas de manquement à ces obligations. Celle-ci devait atteindre 10 millions d'euros (en cas de non-respect du plan et mise en demeure de l'entreprise), voire 30 millions d'euros en cas de dommage grave constaté. Le patronat et les parlementaires LR avaient dénoncé "le caractère punitif" de cette sanction et critiquaient "des obligations au champ bien trop vaste et trop vague". Au regard du principe de légalité des délits et des peines, les Sages ont aussi reconnu que «le législateur avait défini l'obligation qu'il instituait en des termes insuffisamment clairs et précis pour qu'une sanction puisse être infligée en cas de manquement».

La décision des Sages, très ambivalente, crée une grande incertitude quant à l’application effective de loi. D’un côté, le Conseil constitutionnel supprime toute sanction effective à l’encontre des entreprises, de sorte que la loi apparaît encore plus inoffensive qu’elle ne l’était. D’un autre côté, pourtant, il valide le principe selon lequel une entreprise pourrait voir sa responsabilité mise en cause pour des atteintes graves humains occasionnées par ses activités. Ce qui reste une première sur le plan juridique. Le Conseil a également souligné l’objectif d’intérêt général porté par la loi, ce qui revient à admettre implicitement qu’elle ne comporte pas d’atteinte excessive à la liberté d’entreprendre.

Au final, les dispositions concernant directement les entreprises en interne - l’établissement d’un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains - sont clairement validées. En revanche, en ce qui concerne l’accès à la justice des victimes, sans parler de la réparation des préjudices, la question ne semble pas encore vraiment résolue.