Promulguée le 13 avril 2015, la loi n° 2015-411 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques prévoit que le Gouvernement remette chaque année au Parlement, précisément « le premier mardi d’octobre » comme le cite le texte, un rapport « présentant l'évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu'une évaluation qualitative ou quantitative de l'impact des principales réformes engagées l'année précédente et l'année en cours et de celles envisagées pour l'année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l'évolution du produit intérieur brut ».

Pour l’auteure de la proposition de loi, la députée Eva Sas (Europe Écologie Les Verts), l’idée était d’apprécier l’efficacité des politiques publiques non plus uniquement sur le PIB mais sur d’autres indicateurs comme l’emploi, la qualité de vie ou encore l’environnement. Fin 2015, parallèlement au dépôt du projet de loi de finance, le gouvernement français publiait le premier rapport annuel. Dans ce rapport, apparaissent des indicateurs novateurs pour évaluer les progrès environnementaux (au nombre de 10) comme l’artificialisation des sols ou encore l’empreinte carbone.

Par exemple, pour l’empreinte carbone, le rapport faisait état d’une réduction de 12% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2012. En 2012, les émissions territoriales de gaz à effet de serre étaient « nettement plus faibles que la moyenne européenne : 7,5 contre 9 tonnes/habitant… » Sur ce point, Le Gouvernement insiste sur la promulgation le 17 août 2015 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui instaure une trajectoire « de 56 euros/t de CO2 en 2020 et 100 euros/t en 2030 ». De plus, cette loi énonce des objectifs pour 2025-2030, à savoir une diminution des émissions de gaz à effet de serre de « 40% en 2030 par rapport à 1990 » ainsi qu’une représentation des énergies renouvelables de l’ordre de 32% de la consommation d’énergie en 2030.

Par ailleurs, au sujet de l’artificialisation des sols, le rapport de 2015 note la nécessité de « disposer d’un indicateur qui puisse synthétiser les caractéristiques locales de l’artificialisation ». Les espaces artificialisés représentent à peu près 9% du territoire de France métropolitaine. En face de ce constat, le Gouvernement rappelait par exemple le renforcement dans la loi Alur (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) des obligations des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU) en matière d’analyse de la consommation d’espaces naturels ou agricoles. A côté de ça, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, du 13 octobre 2014, vise à juguler la consommation des terres agricoles et l’agrandissement excessif des exploitations existantes au détriment des installations de nouveaux agriculteurs et aussi développer la gestion durable et multifonctionnelle des forêts en créant un programme national de la forêt et du bois qui assure la gestion durable de la forêt et valorise ses atouts.

Néanmoins, la députée Eva Sas avait regretté que ce rapport prenne la forme davantage d’un outil de communication que d’un réel outil de réflexion et de prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse.

La publication du second rapport était donc attendue.
Tout d’abord, grande nouveauté dans le rapport de 2016, la mise en ligne des données issus du rapport sur le site « data.gouv.fr » qui témoigne d’une volonté de faire participer le public aux analyses et constats découlant de ce rapport.
En ce qui concerne l’artificialisation des sols, selon le rapport, les données provisoires indiquent que « l’artificialisation des sols reste stable en 2015 et s’établit à 9,3% du territoire de la France métropolitaine. Les espaces dédiés à l’agriculture occupent plus de la moitié du territoire (50,7%), tandis que les zones naturelles et forestières en occupent 40% ». Pour montrer que le Gouvernement agit sur la question, le rapport met en avant la réforme du Prêt à Taux Zéro fin 2015, qui, par son élargissement, a pour conséquence d’aider « les acquisitions avec d’importants travaux de rénovation et de redynamiser les centres-bourgs ». Par ailleurs, la modernisation du Plan local d’urbanisme communément appelé PLU permet de doter les élus d’outils permettant de « renforcer la mixité fonctionnelle et sociale ; assurer la maîtrise de la ressource foncière et la lutte contre l’étalement urbain ; préserver et mettre en valeur le patrimoine environnemental, paysager et architectural ». Enfin, la récente loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages instaure l’obligation des propriétaires de terrains de fixer un objectif de conservation, de gestion et de restauration de la biodiversité. Ainsi l’homme et la nature dans cette logique se trouve davantage en harmonie.

Du côté de l’empreinte carbone, le rapport fait état qu’elle est légèrement supérieure par rapport à 2014 du fait notamment « d’année particulièrement chaude au regard des moyennes décennales ».
Néanmoins, la tendance globale est la baisse de l’empreinte carbone. Toutefois, le rapport insiste sur le fait que « le niveau par habitant (11,9 tonnes) doit être mis en regard des objectifs internationaux et nationaux qui visent à contenir le réchauffement climatique à moins de 2°C, soit une cible inférieure à 2 tonnes de Co2e pour chacun des habitants de la planète en 2050 ». En cela, le Gouvernement, par le biais de la loi relative à la transition énergétique du 17 août 2015, a adopté en décembre 2015 la Stratégie nationale bas carbone (SnbC) qui définit par secteur un budget carbone pour 4 à 5 ans avec la fixation d’une quantité maximale d'émissions de GES.
De même, ladite loi incite les acteurs financiers comme les banques notamment à basculer leur investissement vers la transition énergétique avec l’indication des émissions de GES découlant de leur investissement. A côté de cela, le gouvernement a mis en place un label bio pour les financements bancaires, le label « Novethic ». Ce label est vu par le consommateur comme un gage d’engagement vers une démarche favorisant le développement durable. Ces financements constituent « également un moyen de contribuer à la baisse de l’empreinte carbone.

Preuve de la pertinence de suivre des indicateurs différents que le PIB, une base de donnée en ligne a été lancé par des experts du Climate Action Tracker (CAT) qui évalue pour 32 pays dont la Chine, les Etats Unis et l’Europe les tendances d'émissions de gaz à effet de serre ainsi que le taux de décarbonisation par secteur économique pour chacun de ces pays.