Le glyphosate, substance herbicide, principe actif du « Roundup », désherbant le plus vendu au monde, et produit phare de la firme Monsanto, est l’objet de controverse quant à sa toxicité depuis plusieurs années.

Son caractère cancérigène ou non cancérigène divise la communauté scientifique, la société civile, et, plus récemment, l’exécutif européen, sur la question du renouvellement de sa licence d’utilisation dans l’Union Européenne.

Or une récente décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) pourrait considérablement impacter la décision. Cette agence communautaire, mandatée par la commission européenne, vient, en effet, de rendre, le 15 mars 2017, un rapport établissant, certes, une toxicité du glyphosate notamment, pour les milieux aquatiques, mais remettant en cause son caractère cancérigène.

Cette analyse, qui recoupe le diagnostic déjà établi par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), et par le BfR (Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques) est un nouveau rebondissement dans une affaire qui suscite d’ardents débats dans la communauté scientifique.

En effet le 10 mai 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait le pesticide dans la catégorie de cancérogène probable pour les hommes (groupe 2A).
Toutefois, à peine un an après, le 18 mai 2016, l’organisation déjugeait sa cellule et, suite à une nouvelle expertise menée cette fois par le Joint Meeting on Pesticides Residues (JMPR), comité commun à l’OMS et la FAO, déclarait qu’il était « improbable » que l’exposition alimentaire au glyphosate soit cancérogène. Cette dernière étude, selon le journal « Le Monde », faisait l’objet de soupçons de conflit d’intérêt.

Aux États-Unis, le sujet ne fait pas non plus l’unanimité chez les scientifiques, ainsi, au sein même de l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA) deux départements de l'agence, celui de recherche et développement (ORD) et celui de l'évaluation des pesticides (OPP) ont des avis contradictoire sur la toxicité du glyphosate, les scientifiques de l’ORD étant peu ou prou sur la même ligne que ceux du CIRC, quand les membres de l’OPP, adoptent un diagnostic proche de celui de l’ECHA, sur une improbabilité de caractère cancérigène du glyphosate.
Au-delà du différend scientifique sur le protocole employé, l’OPP fait actuellement l’objet d’une enquête par la justice américaine, des documents rendus publics rapportant des échanges d’informations confidentielles entre l’un de ses hauts fonctionnaires et la firme Monsanto, laquelle cherche à éviter un classement du glyphosate comme substance cancérigène, remettant possiblement en cause la neutralité des études menées.

Dans ce contexte confus, il n’en reste pas moins que la décision de l’Agence européenne des produits chimiques aura un impact potentiel sur le devenir du glyphosate et donc du Roundup, dans l’Union européenne.
Le pesticide est, en effet actuellement en cours de réévaluation dans le cadre de la procédure de renouvellement décennal d’approbation des substances actives phytopharmaceutiques, au titre du règlement (CE) n°1107/2009.

La Commission Européenne devait se prononcer sur un renouvellement de l’autorisation d’utiliser ou sur une interdiction du glyphosate le 18 mai 2016, et, faute d’accord entre les états membres avait préféré temporiser et prolonger d’un an et demi l’autorisation, tout en restreignant l’utilisation du produit, en vue de laisser l‘ECHA produire ses conclusions sur sa dangerosité.
Désormais établi, le rapport de l'ECHA sera remis "avant les vacances d'été" à la Commission européenne, et fera partie des éléments sur lesquels les représentants des états membres pourraient fonder leur décision de renouveler ou non la licence d'utilisation du glyphosate dans l'UE.

En parallèle, une initiative européenne (ICE) a été lancée le 25 janvier 2017 pour interdire le produit, sous la forme d’une pétition qui, si elle recueille au moins un million de soutiens de citoyens avant le 8 février 2018 obligerait la commission à réagir.

Quelles conséquences la décision de la commission en l’espèce aurait pour la France ?

Si la loi sur la transition énergétique interdit l’usage du glyphosate pour les particuliers à compter du 1er janvier 2019, elle ne le fait pas pour les professionnels agricoles, qui sont les plus gros utilisateurs de l’herbicide. Le renouvellement de l’autorisation par la commission ferait donc perdurer cette situation.

Toutefois l’application du principe de précaution, émanant de l’article de 5 de la Charte de l’environnement, et de l’article L110-1 du code de l’environnement, permet, par restriction au principe de libre circulation des marchandises (Art.36 TFUE), dans le droit interne, d’interdire, en l’absence de certitudes scientifiques tel type de produit s’il présente un risque pour l’environnement et la santé publique, à condition qu’une évaluation du risque soit établie, et ce pour éviter que telles mesures soient prises sur des « considérations purement hypothétiques » .

Or, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), saisie sur la question par, notamment le gouvernement français et plusieurs associations de consommateurs, n’a, par un avis du 12 février 2016, pas confirmé le classement du glyphosate comme substance dangereuse pour l’être humain, et simplement confirmé que son classement devait être revu par…l’ECHA.

En outre, d’un point de vue économique, les désherbants issus du glyphosate étant peu couteux et très rentable, son interdiction pourrait diviser le monde agricole, telle démarche impliquerait donc une volonté politique forte. Or, pour rappel, le 18 mai 2016, la France s’était abstenue de prendre position sur cette interdiction...