A la suite d’un accident lors du déchargement d’une cargaison de pétrole entre un pétrolier et une station de raffinage, une quantité importante de pétrole se déverse dans l’estuaire de la Loire, et des oiseaux vont être mazoutés. La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 25 septembre 2013 va dans un premier temps condamné la société Total, la reconnaissant coupable de négligence à la suite du constat de corrosion du matériel. Les juges du fond vont aussi constater l’existence d’une atteinte à l’environnement et d’un préjudice écologique atteignant particulièrement une population d’oiseau. Toutefois, aucun dommage et intérêt au titre du préjudice écologique pour la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) n’ont été accordé, considérant que Total avait remis en état les lieux. De plus, les juges considéraient que l’estimation faite par la LPO du nombre d’oiseaux touché rendait impossible l’évolution du préjudice écologique, et que dès lors, la justification par le demandeur des dommages et intérêts était insuffisante en raison d’une évaluation approximative. Pour les juges, la LPO avait confondu son préjudice personnel et écologique, se fondant sur ses frais de fonctionnement et son budget annuel lié à la gestion de la zone impactée.

Le 22 mars 2016, la Cour de cassation va venir casser cette décision au visa de l’ancien article 1382 du Code civil, ainsi que les articles du Code de l’environnement renvoyant à la responsabilité environnementale.

La Cour va dans un premier temps faire un rappel du principe de réparation du préjudice écologique en reprenant les termes utilisés dans l’affaire Erika quelques années plus tôt. Elle vient donc une nouvelle fois affirmer que « le préjudice écologique consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement ».
Elle va dans un deuxième temps préciser que la remise en l’état prévu dans le Code de l’environnement en cas de pollution n’exclut en aucun cas une indemnisation de droit commun.
Enfin, concernant la question du chiffrage du montant de la réparation, la Cour vient dire qu’il incombe aux juges du fond de chiffrer « en recourant si nécessaire à une expertise le préjudice écologique ». Il revient donc aux juges du fond de chiffrer le montant des réparations, étant précisé que l’insuffisante évaluation faite par le demandeur ne peut pas servir de justification à un rejet du principe de la réparation de préjudice écologique.

La société Total a donc été déclaré coupable de rejet en mer de substances nuisibles par la Cour de cassation, qui a renvoyé l’affaire à la Cour d’appel de Rennes. Par un arrêt du 9 décembre 2016, la Cour d’appel de Rennes va condamner Total à verser 80.000€ de dommages et intérêts à la LPO au titre du préjudice écologique.
Les juges vont en effet relever que la pollution en cause avait « atteint directement les oiseaux et détruit leur habitat, les a empêchés de nidifier et de se nourrir ».
De plus, la Cour d’appel va effectuer la distinction entre le préjudice écologique « pur » qui renvoi à « l’atteinte non négligeable directe ou indirecte à l’environnement naturel, l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction de ces éléments à l’écosystème », du préjudice écologique « dérivé », désignant le préjudice moral ou matériel. Elle va venir se rallier à la Cour de cassation en affirmant que bien que le site avait été rapidement remis en l’état, « il n’en demeure pas moins qu’il y a eu une atteinte non négligeable à la faune avicole pendant deux années ».

La Cour d’appel de Rennes va donc venir condamner Total à indemniser la LPO au titre du préjudice écologique devant être réparé. La détermination de cette somme s’est notamment faite par la prise en compte du nombre et des espèces d’oiseaux ayant subis la pollution.