Cette conception différente de la première et troisième chambre civile présente un intérêt pour les constructeurs et les victimes.

En effet, il est utile de rappeler qu’en cas de dommage, la responsabilité sans faute du constructeur pourra être engagée à la condition notamment que le délai ne soit pas forclos. En principe, si ce délai est dépassé, il n’est pas possible de mettre en œuvre la garantie décennale conformément à l’article 1792-4-1 du Code civil.

Toutefois, la jurisprudence a apporté assez rapidement un tempérament au travers de la faute dolosive. Celle-ci permet de rendre inopposable la prescription décennale. Ainsi, une fois le délai forclos, il est possible d’engager cette responsabilité spéciale du constructeur en plaidant la faute dolosive sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun. Or, la preuve de cette faute nécessite dans connaître parfaitement les contours.

C’est sur ce dernier point que l’arrêt du 5 janvier 2017 est intéressant. L’arrêt confirme la position de la troisième chambre civile adoptée par un arrêt du 27 juin 2001 n°99-21.017 et 99-21.284. Ainsi, les définitions de la faute dolosive selon les chambres sont les suivantes :

- Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, l’intention de nuire n’est pas exigée pour caractériser la faute dolosive. En revanche, celle-ci sera retenue lorsque « de propos délibéré, [le débiteur] se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n’est pas édicté pas l’intention de nuire son cocontractant ». (Arrêt du 4 février 1969, première chambre civile de la Cour de cassation).
- Pour la troisième chambre civile, l’intention de nuire n’est également pas exigée. Cependant, la faute dolosive sera effective « lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, [le constructeur] viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ». (Arrêt du 27 juin 2001; arrêt du 5 janvier 2017).

In fine, les deux chambres civiles retiennent toutes les deux une volonté délibérée de la part du constructeur de ne pas exécuter ses obligations contractuelles dans la caractérisation de la faute dolosive. Cependant, à la différence de la première chambre civile, la troisième chambre va exiger la preuve que cette inexécution délibérée résulte d’une dissimulation ou d’une fraude.

Cette approche différente de la faute dolosive s’explique par le fait que la troisième chambre civile considère, depuis l’arrêt du 27 juin 2001, qu’un simple refus à exécuter ses obligations contractuelles faciliterait l’accès à une remise en cause de la forclusion décennale. A l’inverse, la première chambre civile se contente pour le moment d’un refus sans autres précisions. Cette position étant nettement plus favorable au maître de l’ouvrage.

Il sera donc intéressant à l’avenir de suivre l’évolution de la jurisprudence de la première chambre civile sur ce point.