La participation des citoyens en droit constitutionnel slovène

De manière générale, la Constitution de la Slovénie laisse une place importante à la participation des citoyens en matière d’initiatives législatives. Ainsi, une pétition appuyée par 5 000 votants peut entraîner la proposition d’une loi devant le Parlement, tandis qu’un corps de 40 000 électeurs peut faire obstacle à l’adoption d’une loi en soumettant celle-ci à un référendum. La procédure utilisée en l’espèce permet à 30 000 électeurs au minimum de proposer d’enclencher la procédure visant à amender la Constitution (Article 168). L’Assemblée Nationale doit ensuite se prononcer favorablement par une majorité des deux-tiers pour que ce processus aboutisse. C’est donc en matière de droit d’accès à l’eau potable que la première initiative constitutionnelle a eu lieu en Slovénie, un enjeu d’autant plus important que la Slovénie abrite une communauté de 10 000 à 12 000 Roms pour lesquels l’accès à l’eau n’est pas encore garanti selon l’ONG Amnesty International. A voir si cette évolution juridique se traduira en pratique dans un pays qui prévoit pourtant la représentation de certaines de ses minorités au Parlement (hongroise et italienne). La Slovénie fait d’ailleurs l’objet depuis 2014 d’une procédure pendante devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Hudorovic c. Slovénie) notamment au motif de conditions de vie insalubres pour la communauté Rom (fondement tiré de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatif au droit à la vie privée et familiale).

Le contenu large du droit d’accès à l’eau potable en Slovénie

En substance, ce nouvel article 70 (a) prévoit que toute personne a un droit à l’eau potable et que les ressources en eau sont un bien commun géré par l’Etat. En outre, l’article 70 (a) énonce que ces ressources en eau sont en priorité destinées à l’approvisionnement durable de la population en eau potable et qu’à ce titre, ces ressources ne sont pas de simples marchandises. La distribution d’eau potable ne peut par ailleurs générer de profits et est assurée directement par l’Etat, par l’intermédiaire des collectivités locales.
Ces dispositions sont d’une importance capitale pour la préservation de la qualité des ressources en eau dans ce pays alpin qui sont actuellement abondantes et de bonne qualité. La réforme traduit aussi une prise de conscience selon laquelle la protection de la qualité de l’eau est un enjeu d’avenir et constitue un intérêt général dans lequel les considérations de profits provenant d’intérêts privés ne peuvent s’immiscer.
La privatisation de l’eau dans le pays pour les générations futures sera par conséquent impossible, ce qui empêchera à l’avenir les dérives générées par l’appropriation par de grands groupes multinationaux des ressources en eau. A priori, les concessions actuellement accordées à certaines entreprises pour l’exploitation de ressources en eau et pour la distribution de l’eau dans les collectivités ne pourront être renouvelées. La privatisation actuelle de certaines ressources en eau apparaît dès lors comme inconstitutionnelle ; cette situation fera certainement l’objet de mesures transitoires. Par conséquent, la création de nouvelles concessions à des entités privées sera de fait rendue impossible par la proclamation au plus haut niveau des normes nationales que l’eau est un bien commun géré par l’Etat.

Un droit effectif à l’avenir ?

L’eau ne peut donc plus faire l’objet de propriété privée et de profits en Slovénie. L’accès à l’eau potable étant un droit fondamental, l’Etat doit à présent gérer cette ressource de manière durable, veiller à la qualité de l’eau distribuée à la population et réaliser les investissements nécessaires au maintien de sa potabilité. A l’échelle du pays il est légitime de se demander si l’impératif d’accès à l’eau potable pour la population pourra être opposé à des projets risquant d’impacter la qualité de la ressource et si le manquement à cette obligation sera opposable à l’Etat.