Pour des raisons techniques et environnementales évidentes, on ne peut pas déverser n’importe quel liquide dans un réseau d’assainissement collectif. Celui-ci a vocation principale à accueillir les eaux usées domestiques.

Exceptionnellement toutefois, des eaux usées non domestiques peuvent être rejetées dans le réseau public de collecte, mais cette pratique est strictement encadrée. Elle doit faire l’objet, d’après l’article L1331-10 du code de la santé publique, d’une autorisation préalable délivrée par l’autorité territoriale du lieu du déversement. Cette autorisation, outre déterminer la participation financière éventuelle de l’auteur du déversement aux dépenses entrainées par la réception de ses effluents, fixe certains paramètres techniques, notamment les caractéristiques quantitatifs et qualitatifs que devront présenter ces effluents pour être admis.

L’absence, ou le non-respect de l’autorisation peut avoir des conséquences lourdes : le déversement d’eaux usées non domestiques dans le réseau public est constitutif d’un délit, puni d’une amende de 10 000 euros (20 000 en cas de récidive), quand les autres types de déversements illicites d’effluents sont habituellement passibles d’une simple contravention de 5e catégorie.

La question de la différence faite par la loi entre les eaux usées domestiques et non domestiques peut toutefois, à certains égards, se montrer délicate.
En effet, si les règlements départementaux d’assainissement définissent généralement les eaux usées domestiques par leur origine, regroupant dans cette catégorie les eaux usées ménagères (lessives, cuisines, salles de bain) et les eaux vannes (urines et matières fécales), le code de l’environnement, dans son article R214-5, s’il confirme peu ou prou ce caractère dans son premier paragraphe, constituant comme un usage domestique de l’eau « les prélèvements et les rejets destinés exclusivement à la satisfaction des besoins des personnes physiques » fixe, en revanche, un second critère: seront considérées comme domestiques les eaux usées dont la charge brute de pollution organique est inférieure ou égale à 1,2 kg de DBO5 (demande biochimique en oxygène). 

C’est la portée de ce dernier critère qui être examinée par la cour de cassation, dans un arrêt du 22 novembre 2016.

A l’origine de l’affaire, un déversement sauvage de matières fécales provenant de fosses septiques par le camion vidange d’une entreprise, dans le réseau d’assainissement public de la commune de Saint-Vaast-La-Hougue. Le chef d’entreprise se voit poursuivi du chef de complicité de déversement sans autorisation d’eaux usées non domestiques dans un réseau public de collectes d’eaux usées.
Toutefois le tribunal correctionnel, saisi de l’affaire, considère que, bien que le déversement soit illicite, la matière déversée, elle, d’origine exclusivement humaine, répond donc aux caractéristiques d’eau usée domestique, et requalifie le délit en simple contravention.

La cour d’appel tient un autre discours : les eaux usées ayant stagné plusieurs mois dans la fosse septique avant leur pompage, leur concentration a décuplé, dépassant la charge brute autorisée par l’article R214-5 du CE, et ainsi, bien qu’étant un concentré de produits exclusivement d’origine humaine, ces eaux ont perdu leur caractère domestique, et doivent désormais être assimilés à des boues, dont la concentration rend nécessaire un prétraitement avant de pouvoir être traité par une station d’épuration. En conséquence les faits sont bien constitutifs d’un délit.
L’auteur du déversement, va se pourvoir en cassation, et contester cette interprétation faite par la cour d’appel, lui reprochant de ne priver les eaux rejetées de leur caractère domestique qu’à la lumière du critère de leur charge brute de pollution organique, omettant l’origine des déchets déversés, et donnant donc une interprétation trop restrictive à l’article R214-5 du code de l’environnement.

La haute juridiction approuve pourtant l’argumentaire de la cour d’appel : les eaux déversées, en raison de leur longue stagnation dans des fosses septiques, ne peuvent effectivement plus être considérées comme des eaux usées domestiques.

Mais les juges invoquent un second argument pour rejeter le pourvoi, en s’appuyant sur l’article R211-29 du code de l’environnement, lequel, dans son 3e alinéa rappelle que «  les matières de vidange issues de dispositifs non collectifs d’assainissement d’eaux usées sont des déchets assimilés à des boues de stations d’épuration ».
Or les eaux usées ici déversées provenaient de fosses septiques non reliées au réseau d’assainissement collectif. Elles devaient donc, quoi qu’il arrive, être considérées comme des boues et être soumises à traitement ou, à titre dérogatoire, à un épandage agricole contrôlé…mais en aucun cas rejetées dans le réseau public d’assainissement.

Le délit de déversement sans autorisation d’eaux usées non domestiques dans un réseau public de collectes d’eaux usées est donc doublement caractérisé.