Selon les articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l'environnement, l'exploitant d’une ICPE soumise à autorisation ou à déclaration est tenu de porter à la connaissance du préfet les modifications qu'il entend apporter à l’installation, à son mode d’utilisation ou à son voisinage. L'information du préfet n'est toutefois requise que si les modifications envisagées entraînent un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation initiale.

Toutefois, ni la loi ni la jurisprudence ne précisent ce qu’est un changement notable. Certes une description trop précise de cette notion pourrait conduire dans certains cas à réaliser des enquêtes publiques malgré l’absence d’enjeux.
Il n’en reste pas moins que l’on peut s’interroger sur la façon d’apprécier la notion de modification notable ou non notable.
L’étude de la jurisprudence révèle bien certains critères retenus par le juge lorsqu’il se prononce sur le caractère substantiel de telles modifications, notamment l’extension de la superficie d’exploitation, la modification de son fonctionnement ou encore l’évolution du volume ou de la capacité.
Par ailleurs, des circulaires peuvent, pour certaines catégories d’installations, venir préciser ces critères. Une circulaire du 28 mai 1996 précise par exemple que les extensions de décharge constituent toujours des modifications notables et doivent faire l’objet d’une nouvelle autorisation avec enquête publique.
Le caractère notable ou non notable s’examine ainsi en terme de modification des rubriques (nouvelles rubriques, changement de seuil, mais aussi variation des quantités) ainsi qu’en terme de variation des nuisances et dangers à l’encontre de l’environnement et des populations.

La rédaction des articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l’environnement a récemment été modifiée par un décret du 11 décembre 2009 . Un nouvel alinéa, qui introduit une définition générale de la modification substantielle a ainsi été ajouté.

I- la raison d’être de la modification des articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l'environnement : une condamnation de la France par la CJCE

Cette modification des articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l'environnement a pour origine une condamnation de la France par la CJCE le 7 mai 2009 pour transposition incorrecte en droit français de la directive communautaire COV du 11 mars 1999 et plus particulièrement de la notion de « modification substantielle » et des obligations applicables aux installations existantes. Ce remaniement répond ainsi à un arrêt en manquement de la CJCE.

Selon la Commission, partie requérante dans cette affaire, l’article R 512-33 ancien du Code de l’environnement qui disposait que « toute modification [...] de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier [...] doit être portée avant sa réalisation à la connaissance du préfet [...]» n’offrait pas la sécurité juridique exigée quant aux critères permettant d'encadrer juridiquement les modifications apportées à une installation classée. La qualification de « changement notable » serait selon elle laissée à la libre appréciation des autorités préfectorales, sous le contrôle du juge, et cette notion, qui n'est pas définie de manière plus circonstanciée, serait particulièrement générale. Les dispositions de la directive ne seraient donc pas mises en oeuvre avec la précision et la clarté requises pour satisfaire pleinement l'exigence de sécurité juridique.
Il est à noter qu’une circulaire du 13 février 2007 donnait pourtant des critères d’appréciation du caractère notable des modifications des installations utilisant des solvants organiques. Mais la Commission a rappelé que la circulaire "ne constitue pas un instrument de transposition approprié".

Cette modification permet donc à la France de se mettre en conformité avec le droit commnuautaire.

II- La définition de la notion de modification substantielle

Il s'agit d'une définition générale de la notion de " modification substantielle " qui ne vise pas spécifiquement les installations utilisant des solvants organiques, même si le décret permet de se mettre en conformité avec la directive 1999/13 visant ces installations.
Cette notion de modification substantielle existait d’ailleurs déjà dans la pratique et était bien connue des praticiens de la matière environnementale, le décret de 2009 ne fait donc que la préciser : « une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu'elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L 211-1 et L. 511-1 ».

Comme c’était le cas auparavant, les exploitants d’ICPE doivent prévenir le Préfet de toute modification apportée à l’installation, à son utilisation ou à son voisinage qui entraîne un changement "notable" des éléments du dossier initial de demande d'autorisation ou de déclaration. Si le préfet estime, après avis de l'inspection des installations classées, que la modification est substantielle, il invite alors l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter son installation classée ou un nouveau dossier de déclaration.
Sinon selon l’article R. 512-33 du Code de l’environnement, il peut fixer des prescriptions complémentaires s’il estime que la modification n’est pas substantielle.

Le décret donne la possibilité, de définir, pour certaines activités, par arrêté, des seuils quantitatifs et des critères permettant de définir plus précisément le caractère substantiel des modifications.

Deux arrêtés visant spécifiquement les installations utilisant des solvants organiques ont été ensuite publiés au Journal Officiel le 20 décembre 2009, permettant ainsi de transposer les dispositions relatives à la notion de modification substantielle contenues dans la directive COV.

Le premier arrêté fixe les seuils à partir desquels la modification d'une installation utilisatrice de solvants organiques est considérée comme ''substantielle'', en application des articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l'environnement.
Toutefois, ''le préfet a la possibilité de définir la modification substantielle en dessous du seuil fixé dans l'arrêté, par exemple en cas de CMR plus dangereux. La définition de la modification ne se limite pas au franchissement des seuils fixés par l'arrêté. Elle est également définie comme toute modification qui, de l'avis du préfet, peut entraîner des risques pour la santé, l'environnement...'' rappelle Laetitia El Bèze, rapporteur des projets d'arrêtés devant le Conseil supérieur des installations classées.

Le second arrêté fixe les obligations applicables aux installations ayant subi une ''modification substantielle'', telle que définie par le premier arrêté. Pour ce faire, il modifie l'arrêté du 2 février 1998, pour ce qui concerne les installations soumises à autorisation, et les arrêtés de prescriptions générales pour les installations classées soumises à déclaration utilisant des solvants organiques. Les installations concernées sont celles relevant des rubriques1433, 2330, 2345, 2351, 2360, 2415, 2450, 2564, 2661, 2685, 2930 et 2940.
Laetitia El Bèze explique que ''la partie de l'installation ayant subi une ''modification substantielle'' sera traitée comme une installation nouvelle vis-à-vis des émissions atmosphériques de COV. S'il le souhaite, le préfet pourra toutefois la traiter comme une installation existante sous certaines conditions''.

Il est à noter que le régime applicable aux modifications d’une installation soumise à enregistrement n’a pas encore été défini.

Pour conclure, si cette modification du Code de l’environnement permet à la France de se mettre en conformité avec le droit communautaire, on peut s’interroger sur ce qu’il faut entendre par l'adjectif qualificatif "significatif ", désormais accolé aux « dangers ou inconvénients ».

Sources


- Article R. 512-33 du Code de l’environnement

- Article R. 512-54 du Code de l'environnement


- Directive 1999/13/CE du Conseil, du 11 mars 1999, relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations.

- Aff. C-443/08, Commission européenne c/ France

- Décret n° 2009-1541 du 11 décembre 2009 portant transposition de la directive 1999/13/CE du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l'utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations (JORF n° 0289 du 13 décembre 2009, page 21537, texte n° 1).

- Modification substantielle ICPE: seuils et critères
Arrêté du 15 Décembre 2009 – JO du 20/12/2009

- Modification substantielle ICPE : prescriptions applicables
Arrêté du 15 Décembre 2009 – JO du 20/12/2009

- Environnement et nuisances Code permanent Editions législatives Tome 2 2009

- David Deharbe Modification homéopathique des articles R. 512-33 et R. 512-54 du Code de l'environnement décembre 2009

- Laurent Radisson Installations classées : la notion de « modification substantielle » précisée

- Rencontre des installations classées Aix 24 juin 2008