La notion de responsabilité s’appréhende au sens large comme la nécessité morale, intellectuelle et juridique de remplir un devoir, de satisfaire un engagement mais aussi et surtout de réparer une faute ou un manquement.

Ceci étant dit, il n’est pas sans rappeler que l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés au titre de l’article L 4121-1 du Code du Travail. Ce même Code énonce clairement les règles qui s’imposent à l’employeur, notamment en suivant les neuf grands principes de prévention.

En matière de santé et de sécurité au travail, le Code civil a édicté de nombreuses règles dont le non-respect est sanctionné au titre de la responsabilité civile.

Ainsi, la responsabilité du chef d’entreprise peut être engagée lorsque ces règles ne sont pas appliquées.

D’une manière générale, la responsabilité civile trouve sa base légale dans le Code civil (articles 1134, 1382 et suivants). En droit commun, une personne physique ou morale voit sa responsabilité civile engagée dès lors qu’elle a causé un dommage à autrui par sa faute, sa négligence ou son imprudence, mais aussi par la faute des personnes dont elle répond.

Elle oblige donc à réparer tout dommage causé à autrui, causé volontairement ou non. De ce fait, l’employeur est civilement responsable des fautes commises ou subies par ses salariés, dans les fonctions auxquelles il les a employés.

Cependant, en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le fondement sera le plus souvent contractuel, en raison de l’existence d’un contrat de travail qui lie l’employeur à son salarié. En vertu de ce contrat pèse l’obligation de sécurité de résultat du chef d’entreprise à l’égard de ce dernier. C’est dans ce contexte que les salariés se voient accorder une indemnisation forfaitaire (I). Cependant, ils peuvent obtenir une indemnisation complémentaire lorsque l’employeur a été reconnu d’une faute inexcusable (II).

I. L’indemnisation forfaitaire automatique en cas d’AT-MP

Comme expliqué dans nos propos liminaires, le contrat de travail contient une obligation de sécurité de résultat. La jurisprudence l’a rappelé, notamment dans les arrêts « Amiante », du 28 février 2002 en affirmant qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ».

Étant une obligation de résultat, cela signifie que l’employeur est tenu de la santé et de la sécurité de ses salariés en toutes circonstances, et que sa responsabilité peut être engagée de plein droit, dès lors que l’obligation de sécurité a été violée. D’où la nécessité de prendre un maximum de mesures de sécurité et de mettre en place un système de prévention des risques professionnels des plus efficients.

Créée par la loi du 9 avril 1898 et en vertu du droit de la Sécurité Sociale, la réparation d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle est une réparation automatique et forfaitaire, qui lui est directement versée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (en fonction des cotisations accidents du travail/maladies professionnelles  acquittées par l’employeur). Cette réparation ne correspond pas à une réparation intégrale du préjudice.

Cette indemnisation est versée sans que la victime n’ait à rapporter la preuve d’une faute de son employeur mais en contrepartie, le salarié ne peut exercer aucun recours à l’encontre de son employeur pour obtenir une éventuelle indemnisation complémentaire.

L’employeur se retrouve en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de sa tête, car la seule présence d’un risque peut entraîner sa perte. Dans un arrêt de la Chambre sociale, les juges ont estimé que l’employeur qui expose un de ses salariés à
un risque identifié manque à son obligation de sécurité, s’il n’a pas pris les mesures de protections adéquates .

On peut donc estimer que le régime d’indemnisation forfaitaire est un régime d’indemnisation pour risque et non pour faute. Ainsi, le salarié obtiendra une indemnisation même lorsque l’employeur n’a pas commis de faute ou que celle-ci est imputable à celui-ci.

En revanche, le principe de réparation forfaitaire des accidents du travail qui exclut tout recours contre l’employeur est remis en cause dans quatre cas :
la faute intentionnelle,
la faute d’un tiers,
l’accident de circulation sur voie publique,
et la faute inexcusable ,
offrant ainsi une réparation complémentaire à la victime.

II. L’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur

L’article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit la possibilité pour la victime d’invoquer l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur qui lui permettrait d’obtenir une majoration de son indemnisation, via des dommages et intérêts supplémentaires.

En effet, en vertu de son contrat de travail, l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité de résultat, qui peut prendre le caractère d’une faute inexcusable.
A l’origine la loi de 1898 avait prévu la majoration de la rente réparant l’incapacité permanente, dans la limite d’un maximum, lorsque le salarié démontrait que l’accident du travail, auquel a été assimilée ultérieurement la maladie professionnelle, avait été causé par la faute inexcusable de son employeur.

Dans la logique de cette loi, par un arrêt « Veuve Villa », la jurisprudence définissait cette notion comme étant une faute « d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative , et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute». C’est la raison pour laquelle, une telle faute n’était admise que de façon exceptionnelle.

C’est donc assez logiquement que la Haute Juridiction ait opéré un revirement de jurisprudence, faisant évoluer sa définition dans les arrêts du 28 février 2002, la rapprochant de l’obligation de sécurité. Elle décide que «  le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger
auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
Ainsi, tout manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable du moment où l’employeur :
avait ou aurait dû avoir conscience du danger ou de maladie auxquels était exposé le salarié. Celle-ci doit résulter de son expérience et de ses connaissances et par son attitude d’employeur diligent.
n ‘a pas pris des mesures appropriées pour l’en préserver. De simples mesures ne suffisent pas et doivent être nécessaires et appropriées au danger. Leur adoption ou leur absence fera l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond.

C’est à la victime de rapporter la preuve de ces deux éléments cumulatifs, bien qu’il faut savoir que celle-ci est présumée dans deux cas :
en cas d’absence de formation des travailleurs embauchés en contrat à durée déterminée ou intérimaire lorsqu’ils sont affectés à des postes présentant des risques particuliers ;
en cas de signalement du risque à l’employeur par le salarié lui-même ou bien par le CHSCT.

Dans cette continuité, et tout en visant la jurisprudence de 1941, les juridictions ont considéré que la faute la plus légère, voire indirecte, de la part de l'employeur, était susceptible de caractériser sa faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, telle que :
Manque de formation, d'information, et de mise en garde du salarié
Défaut de surveillance, d'encadrement et d'organisation du travail
Non respect des mesures réglementaires de sécurité du travail
Absence de mise en place de dispositifs de protection
Conduite non autorisée d'un chariot élévateur
Travail en hauteur sans harnais, défaut de port du casque
Travail dans des conditions dangereuses
Etc.

Quid de la participation de la victime ? La participation de la victime à la réalisation du dommage n’a aucune incidence sur la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute. Dès lors que la faute de l’employeur qui remplit les conditions précitées a contribué à la survenance de l’accident, celle-ci sera considérée comme inexcusable et ouvrira la voie à une indemnisation complémentaire .

Dans la même lignée, par un arrêt du 31 octobre 2002, la Cour a réaffirmé une jurisprudence constante selon laquelle la faute de l’employeur ne pouvait être considérée comme inexcusable qu’à la condition, en cas de concours de fautes et en particulier de celles de l’employeur et du salarié, que cette faute ait été la cause déterminante de l’accident, ce qui amenait à comparer la gravité respective de la faute de l’employeur à celle du salarié. Cet arrêt retient qu’ « il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, il suffit qu’elle ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage ».

Cependant la faute inexcusable du salarié exonère l’employeur de sa responsabilité. Elle est caractérisée, dès lors où l’employé a l’intention de commettre une faute, dont le degré de gravité est exceptionnellement élevé, et dont l’auteur de la faute se voit exposer à un danger dont il a connaissance ou aurait dû avoir connaissance .