EDF aura-t-il les moyens de démanteler ses centrales nucléaires ? Méthode de calcul sous-évaluant les coûts, gestion des déchets radioactifs impossible à chiffrer... La facture risque d'être bien plus salée que prévu. Une chose est sûre : le bilan provisoire des projets de démantèlement en cours est peu concluant.
EDF doit faire face à un véritable "mur d’investissements" dans les années qui viennent. Construction des EPR, maintenance des centrales en activité et reprise d’une partie d’Areva...Mais aussi les futurs coûts de démantèlement des 58 réacteurs nucléaires en exploitation. Les travaux s’échelonneront sur plusieurs décennies. Fin 2014, l’énergéticien les évaluait à 19,3 milliards d’euros.
Mais au final, quel sera leur montant ? Impossible à dire à ce jour, faute de retours d’expérience suffisants. La méthode de calcul d’EDF conduit à des évaluations optimistes. Toutes celles utilisées dans les autres grands pays producteurs d’électricité nucléaire aboutissent à des estimations plus élevées. La Cour des Comptes l’avait constaté en 2012 (1). L’énergéticien a basé ses estimations sur l’hypothèse d’un coût de démantèlement correspondant à 15% des coûts de construction.
Pour la Cour des Comptes, ce chiffre "ne résulte pas d’études très approfondies". D’ailleurs, en Allemagne, "le montant des provisions prévues pour le démantèlement correspond à peu près au coût de la construction".
L'audit, publié en janvier 2016, "conforte globalement" l’évaluation de l’énergéticien. Mais "cette étude prend pour hypothèse que les travaux se dérouleront très bien. Alors que les projets en cours montrent l’ampleur des problèmes. Par exemple il est parfois nécessaire de concevoir spécifiquement un robot pour pouvoir approcher un équipement très radioactif.
Une inquiétude corroborée par les difficultés techniques, les retards et les dépassements de coûts constatés sur les chantiers en cours. Et pour cause : le démantèlement des centrales aujourd’hui à l’arrêt ou en fonctionnement n’a pas été pensé au moment de leur conception.
Le site breton de Brennilis fait figure de cas d’école. Conjointement exploité par EDF et le CEA, son exploitation a cessé en 1985 ; il est toujours en cours de démantèlement.
En 1979, la facture était estimée à 19,4 millions d’euros (en monnaie de l’époque). Elle a depuis été réévaluée à... 482 millions d’euros. Il ne s’agit pourtant, pour EDF, que de démanteler un petit réacteur de 70 MW. La puissance de ceux en fonctionnement est tout autre : 900, 1 300 ou 1 450 MW ! Elle obligera à faire face à des quantités bien plus importantes de matériaux irradiés. EDF se veut pourtant rassurant : les difficultés concernent d’autres technologies que celles de son parc en exploitation. Ses 58 réacteurs à eau pressurisée (REP) seront plus faciles à déconstruire, affirme l'opérateur historique.