L'extension de la responsabilité sociale des entreprises à la prise en compte des nouveaux risques environnementaux
Par Cécile GRIGNON
Avocat stagiaire
SCP Faro & Gozlan
Posté le: 17/02/2010 17:40
La notion de responsabilité sociale de l'entreprise est apparue pour la première fois aux Etats-Unis (Corporate Social Responsability). À l'origine l'entreprise socialement responsable désignait les entreprises qui proposent à leurs salariés un système d'assurance maladie amélioré, en plus du salaire. Il s'agit donc d'une démarche volontaire de la part des entreprises, qui souhaitent s'engager au-delà de leurs obligations légales. Cette initiative est donc favorable aux salariés au premier chef, mais également à l'ensemble de la société, participant notamment à un progrès en terme de santé des salariés.
La traduction européenne et française de la notion a impliqué une nécessaire adaptation en raison de réalités sociales différentes. Par exemple, tout salarié français bénéficie obligatoirement de la sécurité sociale. Néanmoins, l'importation du concept de responsabilité sociale de l'entreprise a été à l'origine d'une réflexion au niveau européen.
Ainsi, un appel à la responsabilité sociale de l'entreprise a été lancé lors du sommet de Lisbonne et à travers le Livre vert de la Commission européenne (juillet 2001), l'objectif étant de trouver de nouveaux instruments pour mesurer les progrès, instituer contrôles et régulations complémentaires
aux législations existantes.
Le concept de responsabilité sociale de l'entreprise apparaît comme une notion à géométrie variable selon le pays dans lequel il est évoqué. Néanmoins, au niveau européen, il est possible de retenir que la responsabilité sociale des entreprises est un concept dans lequel l'entreprise est considérée comme un acteur majeur de nos sociétés, et pas seulement un acteur économique et à ce titre, elle se doit d'intégrer les préoccupations économiques, mais aussi sociales et environnementales.
Tout comme aux Etats-Unis, il s'agit encore aujourd'hui d'une démarche volontaire. En effet, début juillet 2002, l’avis de la Commission européenne a tranché en faveur d’initiatives volontaires : il n’y aura pas de réglementation européenne sur la responsabilité sociale des entreprises, qui s’ajouterait à la régulation mondiale naissante que constituent les Principes directeurs de l’ OCDE à l’intention des multinationales ou la Global Reporting Initiative. Cette position a été réaffirmée en 2006.
L'entreprise socialement responsable rompt avec l'idée que les entreprises ne sont que des acteurs économiques. Leurs actions emportent nécessairement des conséquences sociales et environnementales que les entreprises se doivent désormais de prendre en compte en amont. A défaut, elles pourraient voir leur responsabilité engagée.
Ce concept intègre également la dimension mondiale des entreprises en ce que la législation nationale est parfois insuffisante pour gérer l'impact international de l'action des entreprises.
Par la responsabilité sociale des entreprises, ces dernières ont tenté de répondre à une demande croissante de la responsabilité civile.
I.La responsabilité sociale de l'entreprise : le choix d'une démarche volontaire
La mise en œuvre de la responsabilité sociale est l'occasion pour l'entreprise de définir et promouvoir une nouvelle stratégie. Elle atteste ainsi d'une démarche éthique.
En France, la responsabilité sociale de l'entreprise vise en premier lieu à protéger les salariés eux-mêmes, en ce qu'ils sont économiquement et juridiquement dépendants des entreprises.
Sur le plan juridique, la prise en compte des conséquences sociales est illustrée à travers de nombreux dispositifs : obligation de sécurité et de santé de résultat, obligation de reclassement, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, etc.
Ces dispositifs très variés posent des obligations mais vise également à inciter les entreprises à s'inscrire dans une démarche volontaire face aux risques.
Droit du travail et droit de l'environnement sont intimement liés à travers le concept de responsabilité sociale de l'entreprise. Ils concourent tous les deux à responsabiliser les entreprises à due proportion des bénéfices qu'elles retirent de la société et de l'environnement.
Les salariés sont très souvent les premiers à être exposés aux nouveaux risques environnementaux : amiante, nucléaire, risques chimiques.
A l'heure actuelle, la protection de la santé des salariés passe par deux outils juridiques : des règles de prévention et un régime de responsabilité spécifique. L'ensemble de ce dispositif vise la prise en compte du risque en amont afin d'éviter sa survenance.
Sur le plan de la prévention, on peut citer deux outils juridiques majeurs en droit du travail : le document unique d'évaluation des risques professionnels et le plan de prévention.
Le régime de responsabilité existant en matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail a également pour objectif d'inciter à la prévention, grâce à un régime favorable à la protection des salariés. De même, la faute inexcusable de l'employeur peut être retenue par la seule preuve que l'employeur avait ou aurait du avoir connaissance de l'existence du risque qui est survenu et qu'il n'a pas mis en oeuvre les moyens pour le prévenir (arrêts « amiante » du 28 février 2002).
La législation sociale française semble particulièrement stricte, de telle sorte qu'il reste peu de place pour l'initiative volontaire des entreprises en matière de santé de leurs salariés.
II.La responsabilité sociétale de l'entreprise : prise en compte des enjeux environnementaux
L'intégration de la prise en compte des enjeux environnementaux dans le concept de responsabilité sociale de l'entreprise est récente. Pourtant, ce mouvement semble se justifier pleinement puisqu'au départ, la responsabilité sociale de l'entreprise implique de prendre en compte l'entreprise en tant qu'acteur dans toutes les sphères dans lesquelles elle interagit. Et il n'est plus à démontrer combien l'entreprise influe sur l'environnement.
Dès lors qu'on intègre les exigences environnementales au concept de responsabilité sociale de l'entreprise, on parle davantage de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). C'est la déclinaison des principes du développement durable à l’échelle de l’entreprise.
La législation a largement abondé dans ce sens : responsabilité à la suite d'une pollution, responsabilité en matière de gestion des déchets, etc.
Il existe des instruments juridiques et financiers incitatifs. Un des leviers importants agissant sur le comportement socialement responsable des entreprises est celui du financement. L’investissement socialement responsable, c’est-à -dire la gestion de fonds qui intègre des critères de nature sociale et environnementale aux critères financiers classiques, se développe rapidement ces dernières années. Les fonds institutionnels, comme le Fonds de réserve des retraites, ont des objectifs à long terme qui correspondent bien aux valeurs du développement durable. Ils représentent des montants importants qui s’orientent progressivement vers l'investissement socialement responsable.
Si de nombreuses entreprises, la plupart à dimension internationale, se sont engagées dans cette démarche de responsabilité sociétale, les petites et moyennes enterprises et les entreprises sous-traitantes sont laissées de côté. Or, le nombre de salariés qu'elles représentent est considérable, de sorte qu'il est tout à fait préjudiciable à ces salariés qu'aucune obligation légale n'existe.
En effet, il est essentiel pour la promotion des petites et moyennes entreprises et des entreprises sous-traitantes, qui jouent un rôle important dans la croissance du pays, que leurs salariés ne soient pas mis à l'égard des progrès sociétal.
Sur la question des nouveaux risques environnementaux, les salariés de ces entreprises y sont tout autant exposés que les salariés des grands groupes. Il paraît socialement inacceptable que certains salariés soient moins protégés que d'autres face à ces risques.
Contrairement à la culture américaine, la culture française est particulièrement attachée à l'égalité : égalité face aux soins, égalité face aux risques. C'est la raison pour laquelle l'outil législatif est privilégié en France : le but est d'inciter toutes les entreprises a faire le maximum pour protéger la santé de leurs salariés et pour protéger l'environnement.
S'il semble que la loi soit l'outil privilégié de la promotion de l'entreprise socialement responsable, est-il possible d'envisager un cadre spécifique pour les risques environnementaux ?
Sur ce point, il semble que de nombreuses pistes d'amélioration soient envisageables et je citerai, à titre d'exemples, le cas des salariés sous-traitants dont la situation sanitaire reste plus précaire que celle des salariés, ou encore la question de la protection des salariés au sein des entreprises ayant une activité en lien avec le nucléaire, dont les risques ne sont pas tous connus.
Encore une fois, il est socialement inacceptable en France de faire peser des risques sanitaires sur les salariés. Sur ce point, le principe de précaution semble de mise.
Enfin, il faut reconnaître que le poids des législations sociales et environnementales sur les entreprises françaises peut peser sur leur compétitivité au niveau mondial. A cette critique, il est possible de répondre que l'entreprise doit se montrer opportuniste en exploitant ce cadre juridique pour promouvoir l'image d'une entreprise responsable, qui s'inscrit dans le développement durable, ce qui est sans aucun doute une qualité qui saura se faire valoir dans les années à venir.