La prohibition du harcèlement moral est visée dans le Code du travail. Cette notion a été affinée par la jurisprudence. Cependant, comment identifier une situation de harcèlement moral ?

I - L'encadrement légal du harcèlement moral

Le harcèlement fait l’objet d’une définition légale à l'article L.1152-1 du Code du travail. L’article L.1152-1 du Code du travail ennonce en effet que:" aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.".
Cette définition a été reprise par la Cour de cassation à plusieurs reprises notamment au cours de deux arrêts rendus le 7 Juillet 2009 par la chambre sociale.

Les points à retenir de la définition du harcèlement moral et qui doivent être nécessairement présents pour que le juge puisse retenir une telle qualification à l’encontre de l’employeur résident :
1) dans le caractère répétitif des agissements de harcèlement. Or, il arrive qu’un acte isolé de harcèlement se double de discrimination prohibée. Depuis la loi du 27 mai 2008 la France est en conformité avec le droit européen. Désormais, et en vertu d’un arrêt rendu le 16 Décembre 2008 par la chambre sociale de la Cour de cassation, il est possible de qualifier un acte isolé de harcèlement, à condition qu’il puisse être relié à une discrimination prohibée. ;
2) leurs conséquences (dégradations des conditions de travail portant atteinte à la santé physique et mentale du salarié, compromission de l’avenir professionnel du salarié) ;
3) l’absence de désignation du harceleur, ce qui conduit à adopter la conception la plus large possible. Le harceleur n’est pas forcément l’employeur.

Le harcèlement moral peut avoir deux origines :

- le comportement inacceptable d’un ou plusieurs individus ;
- l’environnement de travail.

L'article L 1152-4 du Code du travail impose à l’employeur d’agir, notamment au titre de son obligation de sécurité de résultat, disposant que « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. » Et lui donne une ligne de conduite à l'article L 1152-6 du Code du travail pour trouver une solution : « Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties. Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime. » Le législateur joint des sanctions possible, qu'il intègre à l'article L 1152-5 du Code du travail qui dispose que « Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire ».

Quid de la charge de la preuve ? La preuve du harcèlement est appréciée par les juges en deux temps: d'une aprt à travers la présomption de harcèlement que doit établir le salarié; d'autres part, par l'absence d'éléments contraires apportés par l'employeur.
La jurisprudence semble constante sur le domaine de la charge de la preuve. En effet, par un arrêt du 30 avril 2009 (N°07-45264), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé «que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. »
Par conséquent, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En somme, La simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral. Par ailleurs, le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction.


II - Revue jurisprudentielle : Les situations ayant été considérées comme relevant du harcèlement moral

- La surcharge de travail (Cas.Soc., 24 juin 2009, n° 08-41681) : La chambre sociale réaffirme par cet arrêt l'exigence de simple présomption à rapporter par le salarié. En outre, la Chambre sociale a estimé que les manquements de l'employeur en l'absence de justifications de la part de ce dernier invite à la qualification de harcèlement.

- L'agressivité de l'employeur envers son salarié (Cas.Soc., 24 juin 2009,n°07-45208):En l'espèce, Chambre sociale a confirmé la cour d'appel de Versailles qui avaient reçu une demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse motif prit que l'employeur avait manifesté à l'égard d'un salarié " un comportement empreint d'agressivité traduisant sa volonté de restreindre ses fonctions au sein de l'entreprise". De tels faits étant bien évidemment constitutifs de harcèlement moral.

-La suppression de poste (Cas.Soc., 5 mai 2009,n°07-45397):Le "replacement du salarié à son ancien poste de travail" et la suppression de l'ensemble des responsabilités qui étaient antérieurement les siennes constituent des éléments de preuve à prendre en considération pour justifier la qualification de harcèlement moral.

III- Une tendance à l'obligation de moyens renforcée

Par un arrêt très récent de la chambre sociale (Cass, soc. 01/06/2016, n°14.-19.702), le juges de la Haute juridiction semble offrir la possibilité à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral mais uniquement s’il justifie de conditions très strictes.En effet, il appartient à l’employeur de justifier :
non seulement qu’il a pris, en aval, toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu’il l’a fait cesser effectivement mais également qu’il a mis en place, en amont, une politique de prévention de qualité guidée par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail.

Et c’est sans doute cette dernière condition, en faveur des salariés, qui posera le plus de difficulté aux employeurs !