Bien que la santé et la sécurité au travail relèvent avant tout de la responsabilité de l’employeur, le salarié n’est pas exempt de toute obligation de sécurité. Certes, il s’agit d’une approche inédite dans la problématique de la prévention des risques professionnels, toutefois ce principe a été édicté dans le Code du Travail puis reconnu par la suite par la Cour de Cassation.

Le fondement de cette obligation trouve son origine en l’article 13§1 de la directive CEE n°89-391 du 12 juin 1989. Par la suite , la loi du 31 décembre 1991 sur la prévention des risques professionnels, transposant ladite directive dans le Code du Travail à l’article L 230-3, devenu l’article L 4122-1 du Code du Travail.

Au niveau jurisprudentiel, c’est par un arrêt de cassation « Deshler », de la chambre sociale du 28 février 2002, qui consacre cette obligation de sécurité à la charge du salarié qualifié de moyen. En effet, opérant une rupture avec sa position antérieure, la Cour va considérer que le salarié dans l’exercice de ses fonctions a une obligation de prudence et de diligence, alors même qu’il n’aurait pas reçu de délégation de pouvoirs. Ainsi, cette obligation concerne toute personne susceptible de travailler sous l’autorité d’un employeur, et ce, quelque soit son niveau hiérarchique.

Cette position a été confirmée à plusieurs reprises par les juges, estimant par exemple qu’un conducteur de travaux ne peut s’abstenir d’agir en cas de risque ou de danger pour la sécurité des salariés en se retranchant derrière la délégation de pouvoirs donnée au chef de chantier .

Cependant, cette obligation doit être appréciée en fonction de la formation et des possibilités du travailleur. Ainsi l’intensité de l’obligation de sécurité varie selon le niveau d’attributions et de responsabilité de ce dernier.

Aujourd’hui l’obligation en question nous revient dans un arrêt de la chambre sociale du 10 février 2016, s’intéressant plus particulièrement à son articulation entre les obligations du travailleur « victime » dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail et la responsabilité patronale.

En l’espèce, une salariée occupait un poste de travail présentant manifestement des risques pour sa santé. Ces risques étaient connus de l'employeur mais également de la salariée, qui, bien que les dénonçant, les avait acceptés moyennant une augmentation de rémunération. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence reconnaît que le licenciement de celle-ci est sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et pour inexécution déloyale du contrat de travail. Cependant, la cour décide de limiter le montant des dommages-intérêts alloués à la salariée en raison de l'attitude de celle-ci.

La Cour de cassation s’est donc posée la question de savoir si l'acceptation, par cette dernière, du risque pour sa santé, moyennant une rémunération plus avantageuse, ne constitue-t-elle pas une « faute », justifiant une réduction de la responsabilité et de l'indemnité allouée pour non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur ? La chambre sociale casse l’arrêt d’appel estimant que les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur. En effet, l’article L 4122-1 du Code du travail dispose que chaque salarié à l’obligation de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa propre santé et sécurité , ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes, mais que cette obligation est « sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur », d’autant pus que cette prescription se réalise conformément aux instructions données par l’employeur.

En conclusion, la protection de la santé et la sécurité des travailleurs ne doit pas être négociable entre l’employeur et la salarié.