Les autorités françaises imposent à GDF-Suez, ainsi qu’à des entreprises locales de distribution et à Total Energie Gaz de proposer le gaz naturel à des tarifs réglementés pour les ménages et les petites et moyennes entreprises, qui consomment moins de 30 000 kWh / an. En parallèle, l’ensemble des fournisseurs de gaz naturel ont la possibilité de proposer la fourniture de gaz naturel à des prix inférieurs aux tarifs réglementés.
L’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) conteste l’intervention des autorités françaises sur le prix de fourniture du gaz naturel. L’ANODE considère que la réglementation des tarifs du gaz naturel en France méconnaît les objectifs de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.
L’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 20 avril 2010, « Federutility » (C-265/08), pose des conditions à la réglementation des tarifs de gaz naturel. Les États membres ne peuvent intervenir sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel au consommateur qu’à condition que cette intervention poursuive un intérêt économique général, qu’elle soit proportionnée et qu’elle prévoit des obligations de service public clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables tout en garantissant un égal accès des entreprises de gaz de l’Union aux consommateurs. L’ANODE soutient que les conditions ne seraient pas remplies.

Saisi du litige, le Conseil d’État français par un renvoi préjudiciel, interroge la Cour de justice de l’Union Européenne sur l’interprétation de la directive 2009/73/CE. La question se pose de savoir si la réglementation des tarifs du gaz naturel en France constitue une entrave à la réalisation du marché de gaz naturel concurrentiel et si cette entrave est justifiée.
Dans son arrêt du 7 septembre 2016, la Cour rappelle que la directive a pour objectif la libre fixation du prix de fourniture du gaz naturel par le jeu de l’offre et de la demande. Or, les tarifs réglementés en l’espèce ne sont aucunement le résultat d’une libre détermination découlant du jeu de l’offre et de la demande sur le marché. Bien au contraire, ces tarifs résultent d’une détermination effectuée sur la base de critères imposés par les autorités publiques et qui se situe donc en dehors de la dynamique des forces du marché. La Cour en conclut qu’une telle réglementation constitue, par sa nature même, une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel, cette entrave subsistant même si des offres concurrentes peuvent être proposées par les fournisseurs à des prix inférieurs aux tarifs réglementés.

Concernant le critère d’objectif d’intérêt général, la Cour reconnaît que les États membres peuvent imposer aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz des obligations de service public portant sur le prix de fourniture du gaz naturel afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et la cohésion territoriale.
Concernant le critère de la proportionnalité de la réglementation en cause, la Cour renvoie à l’appréciation du Conseil d’État qui doit déterminer si la réglementation est nécessaire pour réaliser les objectifs d’intérêt général. Le caractère permanent des tarifs imposé ne permettrait pas de satisfaire au critère de proportionnalité.
La Cour relève que des obligations de service public (telles que l’obligation de fournir le gaz à certains tarifs) doivent être imposées de manière générale aux entreprises du secteur du gaz et non à certaines entreprises en particulier. Aucune des entreprises opérant dans le secteur de la distribution de gaz ne pourrait être exclue. La Cour conclut en précisant qu’il appartiendra au Conseil d’État de vérifier si la réglementation des tarifs en cause n’est pas discriminatoire.