La décision de la Cour d’appel de Douai du 2 juin 2016 (CAA Douai, 2 juin 2016, n°14DA00881,) porte précisément sur un permis de construire d’un parc de huit éoliennes.

En l’espèce, plusieurs particuliers vivant à des distances comprises entre 1000 et 5000 mètres des éoliennes projetées avaient contesté le permis devant le Tribunal administratif d’Amiens, qui avait reconnu leur intérêt à agir, notamment en raison de la visibilité des machines depuis leur domicile, et annulé l’autorisation.
Cette solution pouvait sembler logique car on considère habituellement que les personnes ayant vue sur un parc éolien depuis leurs habitations sont recevables à contester la légalité de celui-ci (voir notamment : CE, 8 juillet 2016, n°376344 ; CAA Douai, 10 juillet 2014, n°13DA00731, n°13DA00732, n°13DA00733; CAA Douai, 28 mai 2014, n° 12DA01848, n°12DA01849, n°12DA01850 ;

Or l’appréciation de la Cour est beaucoup plus sévère.

Ainsi, elle a d’une part considéré que les requérants vivant à plus de 3 km du parc ne pouvaient avoir intérêt à agir contre les permis, même s’il n’était pas contesté que les éoliennes seraient visibles depuis leurs domiciles.
C’est dire qu’au-delà d’une certaine distance, aucun recours de tiers ne serait désormais envisageable contre des permis éoliens, car ils ne seront pas considérés comme étant « dans le voisinage » du parc.

D’autre part, s’agissant d’un requérant dont la maison était située entre 1 et 2 km du projet, les juges d’appel ont relevé que celui-ci n’avait, dans son recours gracieux, attaqué que deux des permis litigieux, et non l’intégralité des autorisations.

Ils en déduisent logiquement que le requérant n’est recevable qu’à contester ces deux permis.
Or, s’il était démontré que le parc éolien serait perceptible depuis son domicile, rien ne permettait, selon la Cour, de considérer que les machines concernées par cette visibilité seraient celles qui avaient été valablement attaquées.
La Cour a donc, là encore, jugé que l’intérêt à agir du requérant n’était pas caractérisé :

Cette décision pose le principe de l’absence d’intérêt à agir du particulier qui réside à plus d’une certaine distance des éoliennes, et ce nonobstant la visibilité du projet : on peut toutefois se demander à partir de quelle distance les riverains seront considérés comme ne pouvant pas contester l’autorisation ; et d’autre part, elle marque l’exigence grandissante du juge en matière de preuve de l’intérêt à agir : en cela, l’arrêt s’inspire de toute évidence des nouvelles dispositions de l’article L. 600-1-2. Il conviendra toutefois de ne pas oublier que le Conseil d’Etat a précisé qu’il ne pouvait pas non plus être attendu des requérants qu’ils apportent une preuve irréfutable des nuisances du projet, et que des « éléments suffisamment précis et étayés » peuvent suffire (CE, 10 juin 2015, n° 386121 ; CE, 10 février 2016, n° 387507 ; voir aussi pour l’hypothèse particulière du voisin : CE, 13 avr. 2016, n°389798).

Cette jurisprudence apparait favorable aux opérateurs éoliens qui sont bien souvent confrontés à des recours de personnes qui résident à plusieurs kilomètres du parc autorisé mais elle nous semble surtout, et opportunément, rééquilibrer le rapport de forces.