Dans un arrêt du 22 juin 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé qu’un salarié, même s’il est éligible à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, ne peut obtenir réparation d’un préjudice d’anxiété que contre une société qui entre dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante s’agissant de la réparation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.

L’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 précitée prévoit qu’une allocation de cessation anticipée d'activité soit versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve cependant que ceux-ci cessent toute activité professionnelle et que l’établissement pour lequel ils ont travaillé figure sur une liste fixée par arrêté ministériel. Cette liste précise également la période durant laquelle les salariés doivent avoir été employés dans l’établissement pour avoir droit à la « préretraite amiante ».

Pour rappel, dans un arrêt du 11 mai 2010 (Soc. 11 mai 2010, n°09-42.241) la chambre sociale de la Cour de Cassation avait d’abord admis qu’en complément de l’allocation de cessation anticipée soit acceptée la réparation du préjudice d’anxiété pour les seuls salariés ayant été exposés à l’amiante et en raison de l’angoisse permanente dans laquelle ils se trouvent de développer une maladie liée à l’amiante.

La reconnaissance de ce préjudice était alors soumise à la réunion de trois conditions cumulatives. En effet, le salarié devait :
- Avoir travaillé dans un des établissements visés par l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998
- Se trouver dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante
- Attester cette angoisse par des contrôles médicaux et examens périodiques justifiant de son état.

Par la suite, la chambre sociale a assoupli les conditions de recevabilité et supprimé la dernière condition tenant aux examens médicaux (Soc. 4 déc. 2012, n°11-26.294)

Dans l’arrêt du 22 juin 2016, les salariés démontraient avoir travaillé dans des ateliers de fabrication du chlore près des sources d’amiante sans protection particulière, qu’ils intervenaient dans des postes électriques dans lesquels les planchers étaient en fibro-amiante et que de ce fait ils se trouvaient dans un état d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante.
La Cour d’appel avait alors condamné la société à payer à chaque salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice d’anxiété.

La Cour de cassation, au visa des articles L.4121-1 du code du travail, 1147 du code civil et 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, casse cette décision au motif que « s’il est éligible à l’allocation de cessation anticipée d’activités des travailleurs de l’amiante, le salarié ne peut obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété par une demande dirigée contre une société qui n’entrait pas dans les prévisions de l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 ».

Avec cette décision, la Cour maintient sa ligne jurisprudentielle en la matière et confirme la différence de traitement qui existe aujourd’hui encore entre les salariés selon que l’entreprise au sein de laquelle ils ont travaillé est ou non inscrite sur la liste de l’arrêté ministériel. Si tel n’est pas le cas, le personnel ne peut donc pas prétendre à l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété alors même qu’il a tout à fait pu être exposé aux risques liés à l’amiante…

Sources :
Soc. 22 juin 2016, FS-P+B, n° 14-28.175 (sur le 4e moyen)
RTD Civ. 2015 p.393, obs. P. Jourdain