
Etat des lieux et avancées sur l'effectivité du droit pénal de l'environnement
Par Antoine DEVERNOIS
Souscripteur Environnement
AXA FRANCE IARD
Posté le: 28/07/2016 15:38
En 2015 le groupe de travail présidé par M. Laurent Neyret a rendu au Garde des sceaux un rapport dans lequel est formulé 35 propositions sur l’amorce d’une politique pénale adaptée aux enjeux, matérialisée par une rationalisation des procédures, une coordination des rôles respectifs et un renforcement des sanctions applicables.
La criminalité environnementale, caractérisé par l’ensemble des infractions qui menacent ou portent atteinte à l’environnement avec ou sans répercussion sur les personnes, affecte aujourd’hui la société dans son ensemble en raison de l’importance et de la multiplicité des enjeux que sont la préservation de la biodiversité et de l’équilibre des écosystème, la préoccupation sanitaire tenant à l’absence de dégradation du milieu de vie et de la santé des habitants, ou encore les enjeux économiques et sécuritaire.
Le rapport met en exergue les lacunes du droit positif en la matière et propose un régime répressif plus en phase avec les problèmes actuels.
Les lacunes du droit positif se constatent tant au niveau des sources juridiques à la fois insuffisantes et dispersées dans plusieurs corpus juridique. En témoigne l’inefficacité de la Charte de l’Environnement qui semblait ouvrir la voie à plus grande prise en compte de l’environnement mais qui ne contient pas de système de sanctions permettant de faire respecter les principes proclamés, ou l’article L421-2 du Code Pénal qui est le seul article du Code incriminant directement une atteinte à l’Environnement par le prise du terrorisme écologique.
Il y a donc une hétérogénéité des incriminations qui varient selon les différents Codes démontrant une impossibilité d’appréhender le droit pénal de l’Environnement et joue directement sur son caractère lisible et effectif.
Ces lacunes s’observent tant au niveau de la mise en œuvre des poursuites avec l’interprétation stricte de la loi pénale qui ne permet pas de prendre en compte toute les situations, qu’au niveau de la réponse pénale inadaptée car pas assez dissuasive par rapport à la gravité des situations.
Le manque d’effectivité de la répression s’explique également par le caractère administratif de la réglementation en matière environnementale, où les sanctions sont peu dissuasives à la fois dans leur quantum et dans la frilosité des juges à user de la sévérité en l’absence d’atteintes matérielles résultant d’infraction pénales autonomes. Le caractère majoritairement non intentionnel des infractions ne permet pas en effet en l’état de la jurisprudence une sévérité qui contribuerait à renforcer l’effectivité de la réponse pénale.
Le rapport Neyret propose un renforcement de l’effectivité du droit pénal de l’environnement en proposant des solutions visant à une meilleure lisibilité du dispositif existant et une modernisation des incriminations et des sanctions nécessaires à l’adaptation du droit aux nouveaux enjeux véhiculés par l’évolution de la criminalité environnementale.
Il préconise une simplification du droit et un focus sur les infractions les plus graves notamment en proposant une substitution des sanctions administratives aux sanctions pénales dans les cas où il s’agit seulement de réagir à la violation de dispositions réglementaires.
Il propose également la création d’un corps d’incrimination autonomes et spécifiques en mentionnant notamment la création d’un délit de mise en danger de l’environnement et d’une infraction générale d’atteinte à l’environnement qui permettrait d’abandonner le recours à la l’infraction générale de mise en danger prévue par le Code pénal.
Egalement la consécration du crime d’écocide qu’il définit comme tout acte intentionnel commis dans le cadre d’une action généralisée ou systématique et qui porte atteinte à la sureté de la planète.
Ensuite il propose d’adapter la réponse pénale à la qualité de l’auteur et de créer un Fonds International d’indemnisation pour l’environnement et la santé publique.
Enfin le rapport préconise une internationalisation de la protection pénale de l’environnement en développant 3 axes. La coopération internationale, l’harmonisation internationale de la protection pénale de l’environnement et l’unification des régimes juridiques par l’adoption d’instruments de réglementation communs.
Cette coopération passe par l’adoption de convention internationale commune notamment sur l’écocrime ou l’écocide.
On constate qu’il y a eu une réaction de la part des politiques avec l’ébauche d’un régime de répression effectif notamment à travers la circulaire relative à l’orientation des politiques en matière d’atteintes à l’environnement en date du 21 avril 2015 qui vise au renforcement de la coordination des rôles des acteurs judiciaires et administratifs et à la création d’une véritable doctrine en matière de répression des atteintes à l’environnement notamment dans la recherche systématique de la remise en état, les poursuites systématiques en cas de dommage grave ou irréversible, d’obstacles aux fonctions ou de réitération, et les alternatives aux poursuites dans les autres cas.
Elle prévoit la définition d’une politique pénale adaptée aux enjeux environnementaux locaux notamment par la désignation de magistrats référents pour le contentieux environnemental, et rôle du parquet dans le contrôle de l’effectivité de l’application de la police de l’environnement.
La loi relative à la Biodiversité laisse également espérer des avancées en la matière.
Tout d’abord, par un durcissement des sanctions visant à renforcer l’effectivité des règles existantes en ôtant le profit de l’infraction et en faisant prévaloir la dissuasion par la sévérité de la sanction.
D’une manière générale, le montant des amendes prévues par le Code de l’Environnement sera relevé et celles en matière de criminalité organisée le nouveau régime multipliera par 5 le montant des amendes.
La transaction pénale a aussi été débattu et pourra être une solution dans certains cas définis à l’avenir.
Cette loi prévoit la création d’une Agence française pour la Biodiversité afin de restructurer l’organigramme des différentes institutions existantes et une meilleure coordination des actions.
On remarque cependant que sur le plan européen la protection pénale de l’environnement a du mal à s’harmoniser. En témoigne l’application de la directive de 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal qui liste les comportements jugés répréhensibles en sommant les Etats de les hisser au rang d’infraction. Cependant cette illicéité dépend de chaque législation nationale et donc démontre le manque d’efficacité de la directive.
De même, au niveau des sanctions la directives exige des Etats membres qu’ils mettent en place des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives dans leur quantum, et donc dépend de chaque Etat membre.
En conclusion il est unanimement reconnu que le dispositif actuel souffre de lacunes qu’il convient de combler en élaborant une nouvelle orientation dans la réponse pénale à délivrer en réponse à des atteintes qui présentent, par ailleurs, une gravité croissante. Pour se faire il semble opportun de repenser les incriminations en érigeant des infractions autonomes adaptées à la spécificité de la matière environnementale, et des sanctions graduées et renforcées pour faire face à la gravité élevée des atteintes commises.