Le rattachement du ministère en charge de l’industrie au ministère de l’écologie, de l’énergie du développement durable et de la mer (MEEDDM) s’est traduit par une meilleure intégration des préoccupations environnementales dans la réglementation applicable au secteur de l’industrie. Parmi ces préoccupations, se retrouve notamment celle du vieillissement des installations. En effet l’outil industriel français, issu majoritairement de l’après guerre ou de la période des trente glorieuses est à l’image de la population française, c’est à dire vieillissant.

Ce vieillissement se traduit par un risque accru pour l’environnement et la sécurité des personnes. Ainsi de nombreuses pollutions sont imputables à manque de suivi, de maintenance ou de remplacement de ces installations : ouverture d’un bac dans un dépôt pétrolier en 2007, fuites de canalisation d’hydrocarbure sur les berges de la Loire en 2008 ou encore rupture d’un pipeline à l’été 2009 dans le parc régional de la Crau. De tels incidents et accidents et les pollutions liées sont susceptibles de se reproduire, voir de devenir de plus en plus fréquent au regard de l’âge de l’outil industriel français.

Face à ce constat d’une nécessaire optimisation des outils de suivi, de maintenance et de remplacement, le MEEDM a lancé en 2008 un plan pour la maîtrise du vieillissement dans les installations industrielles. Si tous les secteurs industriels sont concernés, ce plan vise en priorité l’ensemble de la filière pétrolière et le secteur de la chimie.
Après consultation des différents acteurs de l’industrie française, Jean louis Borloo et Chantal Jouano ont présenté en janvier 2010 le plan de « modernisation des installations industrielles » contenant 38 mesures regroupées en six thématiques. Ces différentes mesures dont l’entrée en vigueur s’échelonnera jusqu’à juin 2011 concerneront essentiellement les installations SEVESO de stockage (I) et les installations de transport : canalisations de transport, pipelines et piping (tuyauterie sur site) (II).


I. Mesures concernant les ouvrages de stockage et leurs accessoires :

La première mesure prévue par le plan de modernisation des installations industrielles va constituer en une obligation réglementaire, pesant sur l’exploitant, de constituer un document de référence pour le suivi des équipements à risque. Ce document recensera les actions d’indentification, de surveillance et de remplacement des équipements dit « à enjeu ».
L’essentiel des équipements concernés étant des installations classées pour l’environnement (ICPE) type SEVESO seuil Haut, cette formalisation de suivi sera intégrée dans les Systèmes de Gestion de la sécurité (SGS), rendus obligatoires au titre de la directive SEVESO. L’arrêté ministériel du 10 mai 2000 instaurant les SGS sera modifié en ce sens au premier semestre 2010.

Ces SGS qui comptent actuellement 7 volets, devront donc, à compter de cette modification réglementaire, prévoir un recensement des équipements susceptibles de conduire à une pollution importante ou à un risque pour l’homme en cas de rupture de confinement. Une fois ce recensement réalisé et « l’état zéro » de ces ouvrages déterminé par l’exploitant, ce dernier devra intégrer au SGS les modalités de suivi qu’il compte mettre en place pour chaque ouvrage, les résultats de ces suivis et lister les éventuelles mesures correctives ou d’adaptation réalisées. L’état zéro et le recensement devra être réalisé d’ici l’été 2011.

Les accessoires des ouvrages de stockages tels que les cuvettes de rétentions, les racks interunité et les caniveaux et autres fosses humides seront également soumis à cette obligation de recensement et d’évaluation de leur état d’entretien. En cas d’évolution du risque (changement de l’environnement, risques liés à l’ouvrage lui-même, etc.) des mesures compensatoires devront être prévues.
Différents guides professionnels décrivant les modalités techniques d’évaluation et de suivi de ces ouvrages sont en préparation et devraient paraître d’ici l’été 2010.


II. Mesures concernant les canalisations de transport et le piping:

La question du vieillissement des canalisations de transport est particulièrement importante en France : il faut rappeler ici que 50 000km de pipelines sont implantés en France (36 500km en gaz, 9 800km en produits pétroliers et 3 900km en produits chimiques). Ces installations sont très majoritairement enterrées. Ces ouvrages sont âgés de 30 à 70 ans avec une moyenne supérieure à 40 ans et représentent plus de 80% des volumes transportés sur le territoire.
Si ces ouvrages présentent un bilan plutôt favorable, comparé au transport par barge ou par route, les risques de pollution et d’atteinte aux personnes n’en existent pas moins, comme l’a rappelé l’accident de Ghilenghien (Belgique) et ou la rupture du pipeline SPSE dans la plaine de la Crau à l’été 2009.

Il faut également rappeler que les canalisations de transport ne sont soumises à la réglementation ICPE que si elles sont comprises dans l’enceinte d’une installation ICPE (piping). En effet, pour des raisons pratiques, les canalisation de transport hors sites sont soumises à une réglementation propre, dont la dernière en date est l’arrêté du 4 août 2006 portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz combustibles, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimiques.

Les mesures du plan de modernisation des installations industrielles concernant les canalisations de transport s’articulent autour de trois points :

Le premier d’entre eux est un rapprochement entre la législation ICPE et celle applicable aux canalisations de transport. Ainsi, le SGS évoqué dans la première partie serait applicable aux pipelines et viendrait d’intégrer aux études de sécurité et au SIG (Système d’information Géographique) déjà rendu obligatoire pour l’exploitant par l’arrêté de 2006.

Le second point serait la mise en place d’une base de données interprofessionnelle sur l’accidentologie des canalisations de transport. Les exploitants de canalisation auront alors l’obligation de déclarer les incidents et accidents intervenus lors de l’exploitation. Cette base aura pour objectif d’assurer, par l’analyse de ces évènements, une meilleure prévention des risques.

Le troisième point prévoit un renforcement du contenu des guides techniques professionnels en ce qui concerne les mesures de prévention et sécurité et de maintenance applicable à ces ouvrages. Ces guides, prévus par la réglementation en matière de canalisation de transport, sont élaborés par des organismes accrédités par le MEEDDM (type GESIP) et ont pour but de décrire les modalités concrètes et techniques d’application de la réglementation en vigueur.

Les canalisations en sites (piping), font également l’objet de mesures dans le plan de lutte contre le vieillissement des installations industrielles du MEEDDM. Il faut alors distinguer deux cas : soit ces éléments sous pression sont dans l’enceinte d’une installation soumise à la réglementation ICPE soit elles se situent dans l’enceinte d’un site industriel non soumis à une surveillance réglementaire particulière.

Dans le premier cas qui regroupe l’immense majorité des canalisations sur site, ces équipements devront être pris en compte, par l’exploitant dans l’inventaire qu’il réalisera sur son site (cf. I.). Dans le second cas l’exploitant de ces équipements sera soumis à des obligations de surveillance et de maintenance renforcées qui seront prévues ultérieurement activité par activité.

Face à ce plan on ne peut que se réjouir que la problématique de vieillissement soit prise en compte par le ministère en charge de l’industrie, dans le but louable de réduire les risques pesant, du fait de ces ouvrages, tant sur l’environnement que sur les personnes.
Reste désormais à attendre le contenu exact de cette nouvelle réglementation et à espérer que les coûts engendrés par ce plan de modernisation des installations industrielle ne conduiront pas à grever la compétitivité déjà déclinante de ce secteur.