L’année 2015, année internationale des sols, a conduit la Conférence de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture à réviser le Charte mondiale des sols adoptée en 1981. Dans le préambule de la Charte de 2015, il est affirmé que « Les sols sont essentiels à la vie sur Terre mais les pressions exercées par l’homme sur les ressources pédologiques atteignent aujourd’hui un seuil critique. ». L’importance des sols, bien que paraissant évidente dans divers domaines, a des difficultés à s’imposer en droit français. En effet, à l’heure actuelle, le sol n’est pas reconnu en lui-même et pour ses fonctions écosystémiques, de nombreux auteurs affirment que le sol est « un oublié du droit. D’un point de vue juridique, le sol n’est reconnu que comme le fondement d’autres droits et est donc appréhendé de manière variable. Ces conceptions multiples s’expliquent par la diversité des règles dont il est l’objet. Tout d’abord, en droit international, le sol constitue l’assise spatiale des Etats. Au niveau national, il fait l’objet de subdivisions territoriales afin de fixer la compétence territoriale des autorités. Ensuite, il est l’objet d’appropriation au titre du droit de propriété, que ce dernier soit public ou privé. Enfin, le sol, selon sa qualité (forestière, agricole) va conduire à l’application de règles propres à chacune de ces fonctions économiques. Le sol est donc le fondement de nombreuses règles. Néanmoins, il est, malgré son omniprésence dans le droit, un « oublié du droit ». En droit de l’environnement, il n’existe pas de dispositions qui le reconnaissent, à l’instar de l’eau, comme un milieu naturel. Cette absence de reconnaissance constitue donc une entrave à une protection efficiente des sols.

Le projet de loi biodiversité, qui a été examiné en troisième lecture à l’Assemblée Nationale le 21 juin, semble en passe de remédier à ce vide juridique. Les députés ont souhaité intégrer à l’article 1er du projet de loi une protection des écosystèmes du sol. Le projet de loi prévoit donc de modifier l’article L110-1 du Code de l’environnement en ajoutant un alinéa : « Les processus biologique, les sols et la géodiversité concourent à la constitution du patrimoine commun. ». Le texte reconnait donc le sol comme patrimoine commun de la nation, dont la protection et la restauration sont d’intérêt général, au même titre que l’eau, l’air.

Pour certains députés, l’utilisation du terme « sol » est susceptible de créer des confusions avec la notion de sol telle que consacrée en droit civil. Mais, dans le projet de loi, le « sol » renvoie à la biodiversité des sols, c’est-à-dire à la composition même du sol et non pas au sol en tant que support d’un droit.

En consacrant le sol comme patrimoine commun de la nation, une personne sera propriétaire de son terrain, mais la biodiversité que renferme le sol, support de sa propriété, appartiendra à tous. Il est possible d’imaginer que suite à une telle reconnaissance, une police administrative des sols sera créée.

L’inscription du sol comme patrimoine commun de la nation, si elle aboutit, constituera une avancée essentielle. Néanmoins, de nombreux éléments devront être confirmés par la suite comme la création d’une police administrative spéciale, la mise en place de sanction, la création d’un organisme spécialisé, etc. Le chemin jusqu’à une reconnaissance totale est encore long.