« Find the fact, expose the story, change the system » (Rescencer les faits, raconteur l’histoire, changer le système). Tels sont les mots d’ordre de l’ONG britannique Global Witness, spécialisée dans la dénonciation des conflits, de la corruption et des violations des droits de l’Homme associés à l’exploitation des ressources naturelles.
Selon son rapport annuel parut le 20 juin 2016 et intitulé cette fois-ci « On Dangerous Ground » (en terrain dangereux), l’année 2015 fut une année particulièrement meurtrière pour les défenseurs de l’environnement, les militants écologistes et les peuples indigènes en lutte contre l’accaparement et la destruction de leurs terres, leurs forêts ou leurs cours d’eau.

A l’échelle mondiale, le rapport recense pour cette année 2015, pas moins de 185 assassinats liés à des enjeux environnementaux, soit un mort tous les deux jours, perpétrés dans seize pays.
Un nombre en hausse de 60% par rapport à l’année 2014 et pour lequel l’ONG énonce que « pour chaque assassinat que nous avons été en mesure de documenter, d’autres n’ont pu être vérifiés, ou n’ont pas été signalés ». Le nombre réel de ces assassinats doit donc être bien plus élevé.
Un tel résultat n’a jamais été atteint depuis 2002, année depuis laquelle l’ONG effectue cette recension. Depuis cette date, près de 1 176 militants tués ont été recensés.

Le bilan le plus lourd est atteint au Brésil où 50 morts ont été recensés, 33 l’ont été aux Philippines, et 26 en Colombie. En majorité, ces crimes sont associés à l’extraction minière (pour un quart d’entre eux), mais également aux activités agro-industrielles, forestières, hydroélectriques ou de braconnage.

Ce rapport a pour objectif de mettre en lumière l’inaction des gouvernements face à ces affaires pénales, ces assassinats qui sont perpétrés dans un but politique mais également économique.

Par exemple, le rapport nous rappelle l’assassinat de l’activiste Hondurienne Berta Cáceres, une militante assassinée le 2 mars 2016. En 2015, cette femme avait reçu le prix Goldman, un prix crée en 1989 par Richard et Rhoda Goldman et qui récompense chaque année six défenseurs de l’environnement pour leurs actions locales.
A l’époque de son assassinat, Berta Cáceres luttait contre le projet de barrage hydro-électrique prévu sur le fleuve Gualcarque, un projet qui menace de priver d’eau des centaines d’habitants de la communauté de Rio Blanco en Honduras.


Cet assassinat a révolté le pays et la communauté internationale car les circonstances de cet acte soulèvent de nombreux doutes.
Tout d’abord, l’unique témoin du crime Gustavo Castro Soto, un ami sociologue et écologiste, énonce que les autorités ont modifié la scène de crime, est aujourd’hui coincé en Honduras car ces mêmes autorités lui ont interdit la sortie du territoire.
De plus, la famille de Berta Cáceres, et notamment ces quatre filles, ne cesse de répéter que « les responsables de son assassinat sont des groupes industriels en connivence avec le gouvernement ».
Enfin, son neveux, Silvio Carillo, énonce dans les média américains que sa tante « a été tué car sa renommée internationale commençait à la rendre intouchable ».

Autant de témoignages qui laissent donc planer un grand doute sur les circonstances de cet assassinat et sur la complicité plus ou moins éloignés du gouvernement.

Dans la suite des personnalités importantes assassinées en cette année 2015, le professeur Guatémaltèque Rigoberto Lima Choc, a été tué le 18 septembre alors qu’il menait un combat contre la pollution de la rivière La Pasión. Une pollution causée par une compagnie d’extraction d’huile de palme, une huile dont le marché, en plus de polluer les rivières, a une conséquence forte sur la déforestation.

Toutefois, aux côtés de ces assassinats de personnalités de l’environnement, la population la plus touchée et la plus vulnérable face à ces crimes est la population indigène, les peuples autochtones. Près de 40% du total des victimes, soit 67 personnes, appartenait à une telle population. L’ONG dénonce le fait que « du fait de l’insuffisance de leurs droits fonciers et de leur isolement géographique, (ces populations indigènes) sont particulièrement exposées à l’accaparement de leurs terres pour l’exploitation des ressources naturelles ».

Malgré tout, les indigènes ne s’enfuient pas de leurs terres, ils résistent et tentent de se défendre sous le couvert d’une déclaration universelle, la Déclaration des Nations Unis sur les droits des peuples autochtones.
Une déclaration dont l’article 1er dispose que « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international relatif aux droits de l’homme. », et l’article 10 que « Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable — donné librement et en connaissance de cause — des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour. ».

Néanmoins, la justice ne les aide pas assez et le droit, dans ces situations, ne joue pas son rôle de « protecteur des minorités » du fait de son inapplication par les gouvernements. Ces derniers n’appliquent pas les textes protecteurs de l’environnement préférant se centrer sur les avantages économiques que peuvent permettre ces atteintes.
Toutefois, en plus de ne pas appliquer les textes protecteurs de l’environnement en amont de ces assassinats, de nombreux gouvernements n’appliquent également pas leur droit pénal et ne poursuivent pas de manière approfondie les enquêtes liées à ces crimes. Une inapplication du droit pénal pour des raisons politiques.
Autre exemple d’une passivité des gouvernements, en septembre 2015, dans le sud des Philippines et plus particulièrement sur l’île de Mindanao. La jeune militante écologiste Michelle Campos a assisté à l’assassinat de son père et de son grand-père, de chefs de la communauté autochtones ainsi que d’un directeur d’école par un groupe paramilitaire, cela sous les yeux de l’armée régulière.
Toutes ces personnes refusaient simplement leur expropriation par des compagnies minières convoitant le charbon, le nickel et l’or des sous-sols. Quelques 3 000 indigènes ont du fuir leurs villages.

Enfin, en Afrique, et plus exactement en République Démocratique du Congo, onze rangers ont été assassinés alors qu’ils ne faisaient que leur travail.
Toutefois en Afrique, en plus des crimes liés à l’environnement un mouvement de « criminalisation des militants » se développe, comme l’arrestation au Cameroun du directeur d’une ONG luttant contre les plantations de l’huile de palme ou encore l’emprisonnement à Madagascar d’un militant écologiste qui dénonçait un trafic de bois de rose.
Là, les gouvernements ne restent pas passifs mais manipulent l’opinion publique en amenant ces militants devant la justice et en les accusant publiquement de s’opposer au développement économique du pays.


Malgré la connaissance de ces faits, l’impunité règne et les criminels sont rarement arrêtés. Les gouvernements ne s’impliquent pas assez dans la recherche des auteurs de ces assassinats et il n’y a donc que très peu, voire trop peu, d’enquêtes approfondies.
De plus, les militants ne sont que peu ou pas protégés avant leurs assassinats alors qu’il est avéré que durant cette période ils sont victime de plusieurs menaces.

malgré le fait de relevés plusieurs menaces répétées précèdent le plus régulièrement leurs assassinats.

Selon le conversationniste brésilien Felipe Minalez, « tuez devient acceptable pour atteindre des objectifs économiques », une situation dramatique. L’ONG Global Witness rejoint cette position en affirmant que l’augmentation de ces assassinats perpétrés contre les défenseurs de l’environnement serait symptomatique du développement du commerce, du non-respect des droits de l’Homme et de la répression de la société civile dans de nombreux pays.


Afin de lutter contre cette situation, l’ONG énonce que « les gouvernements et les entreprises doivent mettre fins aux projets qui bafouent les droits des communautés à jouir de leurs terres, afin d’enrayer la spirale de la violence ». Puis, elle ajoute que « les assassinats toujours impunis dans les villages miniers reculés, ou en plein cœur des forêts tropicales, sont alimentés par les choix que font les consommateurs à l’autre bout de la planète ».

L’ONG en appelle donc aux gouvernements du monde d’intervenir le plus rapidement possible « pour stopper cette spirale de violence ». Elle formule également cinq demandes à ces derniers ainsi qu’à la communauté internationale en générale :
- protéger les défenseurs de l’environnement
- enquêter sur les crimes liés à l’environnement
- juger les coupables et dévoiler les intérêts corporatistes et politiques liés aux persécutions
- garantir la liberté d’expression et responsabiliser les auteurs de ces méfaits
- et enfin, résoudre les causes sous-jacentes de la violence contre les défenseurs de l’environnement et reconnaitre les droits sur la Terre



Elle demande aux Etats de protéger les Terres et les protecteurs de la Terre. Elle demande également de traduire devant la justice l’ensemble des responsables de ces assassinats, et elle demande surtout de « reconnaître formellement les droits des communautés, et s’attaquer à la corruption et aux violations qui minent le secteur des ressources humaines ».

Le droit pénal doit être appliqué dans ces pays afin de mettre en lumière les auteurs de ces crimes. Une application nationale qui se doit d’être rigoureuse en attendant l’arrivée d’un droit pénal international de l’environnement, un autre combat mené par de nombreux juristes et qui avance pas à pas.