Après la signature d’un accord entre la société Engie et la société Chenière en 2015 en vue de la fourniture de gaz naturel liquéfié produit aux Etats-Unis, issu en partie de gisements de gaz de schiste, la Ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, Ségolène Royal, a été interpellée le 10 mai 2016 sur la question de l’utilisation de gaz de schiste en France.

La Ministre a alors indiqué qu’elle allait « examiner juridiquement la façon dont nous pouvons interdire l’importation de gaz de schiste ».

Qu’en est-il réellement du gaz de schiste, de son utilisation et de ses conséquences ?

1. Définition du gaz de schiste

Le gaz de schiste, aussi appelé gaz de roche-mère, est un gaz naturel contenu dans certaines roches argileuses. Ce gaz est enfermé dans les porosités d’une roche rendue perméable par l’argile qu’elle contient, d’où une extraction rendue particulièrement difficile.

En effet, cela nécessite de recourir à la fracturation hydraulique. Ce procédé consiste à provoquer un grand nombre de micro-fractures dans la roche contenant du gaz, la rendant poreuse et permettant au gaz de se déplacer jusqu’aux puits et d’être récupéré en surface. La fracturation est obtenue par injection d’eau à haute pression et de produits chimiques.

Cette technique, fortement contestée, impacte l’environnement sur différents points, notamment : l’eau et l’air du site, la pollution atmosphérique distante, la consommation importante d’eau, les risques sismiques…

2. Les conséquences concrètes de la fracturation hydraulique : l’exemple des Etats-Unis

Selon un rapport de l’Institut américain de géophysique (USGS – United States Geological Survey) publié en mars 2016, environ sept millions de personnes vivent dans des régions du centre et de l’est des Etats-Unis où la fracturation hydraulique peut provoquer des secousses telluriques de nature à endommager les constructions.

C’est ainsi que dans l’Oklahoma, le gaz de schiste provoque régulièrement des séismes. En effet, le 6 janvier 2016, deux séismes d’une magnitude de 4,7 et 4,8 ont secoués cette région du centre des Etats-Unis. En 2015, l’Oklahoma recensait plus de 900 tremblements de terre d’une magnitude de 3, soit deux et demi par jour.

Depuis 2008, cette région connaît un boom pétrolier grâce à la révolution de l’hydrofracturation. Cependant, cela s’accompagne d’effets négatifs, tels que la consommation exponentielle d’eau, dans des régions où cette ressource se fait souvent rare en période de sécheresse, mais aussi la réinjection de volumes considérables d’eaux usées et de produits chimiques dans les forages de schistes et également le soulèvement des plaques près de failles du fait des volumes d’eau injectés…

3. La position de la France

En France, la loi Jacob du 13 juillet 2011 (n° 2011-835) dispose que « En application de la Charte de l'environnement de 2004 et du principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national. »

Suite à l’adoption de cette loi, la société texane Schuepbach Energy a saisi le Conseil constitutionnel le 12 juillet 2013 (décision n°367893) d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le but de voir reconnaître l’inconstitutionnalité des articles 1er et 3 de la loi de 2011.

Cependant, le Conseil a décidé que « Les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique sont conformes à la Constitution. » Cette décision est une application du principe de prévention et répond à l‘intérêt général de protection de l’environnement.

L’interdiction de la fracturation hydraulique en France est donc conforme à la Constitution. Cependant la commercialisation du gaz de schiste n’est pas interdite et selon Maître Sébastien Mabile, spécialiste en droit de l’environnement et expert pour la Fondation Nicolas Hulot, « s’opposer à l’importation de ces hydrocarbures se heurte aux règles de libre circulation des marchandises de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour laquelle, malheureusement, les considérations environnementales passent au second plan ». Avis partagé par Maître Arnaud Gossement qui indique que « Pour justifier une interdiction d’importation, il faudrait montrer qu’elle entraîne des risques sanitaires ou environnementaux sérieux sur le territoire français, comme cela a été le cas pour la viande aux hormones ou la “vache folle”. Or, s’agissant du gaz de schiste, le risque est pour le pays producteur, pas pour le pays importateur. »

Un obstacle juridique de taille combiné au fait qu’une fois extrait, le gaz de schiste est semblable aux gaz issus de gisements conventionnels…