En France, entre 90 et 140 kg de nourriture par habitant sont perdus chaque année sur l’ensemble de la chaine, de la production à la consommation.

Face à cela, la population et certains politiques se mobilisent. Toutefois, le 11 février 2016, notre Gouvernement a réellement pris position sur ce sujet. La loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a été votée, une victoire juridique et sociale qui entre parfaitement dans le mouvement d’une économie plus écologique et solidaire.

Une victoire a apprécié car l’avancé juridique sur ce terrain n’était pas si prévisible. Lors de l’examen du projet de loi Macron, les députés Frédéric Lefebvre, ancien secrétaire d’état chargé de la consommation sous le gouvernement Fillon III et actuel député des Français établit hors de France, et Jean-Pierre Decool, député de la 14ème circonscription du Nord, avaient alors déposé des amendements concernant le gaspillage alimentaire. Des dispositions qui furent censurées par le Conseil Constitutionnel le 13 aout 2015, pour des raisons de procédures. Les dispositions n’étaient, selon les Sages, pas en relation directe à ce stade de la procédure, avec une disposition restante en discussion.

Suite à cette censure et afin de montrer son engagement sur ce terrain, Madame Royal a alors décidé de réunir les acteurs de la grande distribution pour proposer de faire « de manière volontariste et contractuelle ce que prévoyait le projet de loi ».

Toutefois, en parallèle de ces réunions, une proposition de loi portée par le député de la Mayenne et ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, voit le jour. Une proposition de loi entièrement dédiée à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Cette dernière fut présentée pour la première fois au Sénat le 17 aout 2015 et a été publiée le 12 février 2016 au Journal Officiel. Une loi expresse adoptée à l’unanimité au sein des deux chambres, et qui nous démontre de manière forte et concrète que le droit peut avancer très rapidement si l’on s’en donne les moyens et la volonté.

Cette nouvelle loi est une réelle victoire sociale, juridique, économique et écologique. Elle institue les actions à mener pour récupérer et valoriser l’ensemble des denrées alimentaires, en évitant tout gaspillage. De plus, cela va permettre à de très nombreuses personnes dans le besoin de se nourrir, ce qui est une conséquence sociale de première importance.








D’un point de vue plus juridique, cette nouvelle loi institue au sein du titre IV du code de l’environnement, et plus particulièrement de la section 3 chapitre 1 relative à la prévention et la gestion des déchets, une sous-section 1 bis relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Une sous-section comprenant trois articles dont le premier, institue l’article L541-15-4 et qui énonce la hiérarchie des actions à mener dans cette optique de lutte contre le gaspillage alimentaire :

1. prévention du gaspillage alimentaire
2. utilisation des invendus propre à la consommation humaine, à travers le don ou la transformation
3. valorisation de ces produits par leur don pour l’alimentation animale
4. utilisation de ces produits à des fins de compost pour l’agriculture ou pour la valorisation énergétique par la méthanisation.


De plus, une des mesures emblématiques de cette loi consiste en l’interdiction pour les distributeurs de denrées alimentaires de rendre impropre à la consommation les invendus encore consommables. Une interdiction assortie de sanction en cas de violation.
On parle ici du phénomène de « javellisation des invendus » qui s’était instauré à cause d’une législation fiscale mal organisée.
En cas de non respect de cette interdiction, la loi instaure désormais une peine d’amende de 3 750 € assortie d’une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée.
De plus, les distributeurs ne pourront pas établir de conventions contraires établissant l’impossibilité d’effectuer de tels dons, une limitation de l’objet du contrat plus que louable.

Dans la continuité d’une telle interdiction de « javellisation des produits encore consommables », la loi oblige dorénavant les distributeurs de denrée alimentaire dont la surface de vente dépasse 400 m2, à établir une convention avec une association caritative afin d ‘organiser et d’établir un mécanisme de don de ces invendus.
Une convention légalement obligatoire et qui devra être conclu dans un délai d’un an à compter de la publication du texte ou à compter du jour où la surface de vente de ces distributeurs dépassera 400 m2.

Toutefois, toutes ces modifications impactent nécessairement le régime de responsabilité du fait des produits défectueux, un régime dorénavant complété par l’article 2 de cette loi.

L’apport de la loi consiste en une définition complémentaire de producteur assimilé, ce qui facilitera les dons des fabricants de produits sous marque distributeur. Cela signifie plus concrètement que les industriels pourront désormais donner, sans craintes juridiques, des produits de marque de distributeur « exclut » du don.
Car jusqu’à présent, tout produit sous marque distributeur, dont le don était refusé par le distributeur lui-même, devait obligatoirement être détruit alors même que la qualité sanitaire des produits était bonne.


Dorénavant, la responsabilité du fait des produits défectueux est transférée des distributeurs vers les fournisseurs car l’article 1386-6 du code civil, qui définit juridiquement la notion de producteur, intègre désormais une troisième catégorie de producteur assimilé.
Est assimilé à un producteur celui qui fait don d'un produit vendu sous marque de distributeur en tant que fabricant lié à une entreprise ou à un groupe d'entreprises, au sens de l'article L. 112-6 du code de la consommation.


De plus, cette loi a également un impact éducatif car désormais, la sensibilisation au gaspillage alimentaire durant le parcours scolaire devient obligatoire. Cela consacre donc les démarches déjà engagées par bon nombre d’écoles et oblige les restantes à s’y conformer.
Une sensibilisation qui fait également son entrée légale dans le champ de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) avec une information sur les différentes initiatives de la société pour réduire le gaspillage.


Par conséquent, cette loi au quatre articles devrait avoir de très bons impacts sur notre société. Et malgré cette limitation légale au 400 m2, cela entrainera, on l’espère, globalement un esprit d’entraide solidaire et d’anti-gaspillage. Un nouveau mode de consommation où chaque denrée alimentaire trouvera une nouvelle vie après son passage au sein des grandes distributions.

La France est le pays le plus volontariste en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Nous devons donc désormais être un appui pour l’Union Européenne qui se devrait d’évoluer également en ce sens.
Un appel solennel est alors lancé à François Hollande et surtout à Jean-Claude Junker, Président de la Commission Européenne, pour que cette loi « puisse être déclinée au niveau européen ».

Selon Guillaume Garot, « lutter contre le gaspillage alimentaire, c’est retrouver son pouvoir d’achat. Mais c’est également faire le choix d’une société plus solidaire et plus responsable, car il n’est plus acceptable de jeter de la nourriture lorsque tant d’êtres humains dépendent de l’aide alimentaire pour vivre », voire meurent de faim au sein de notre pays et partout dans le monde.

La lutte contre le gaspillage alimentaire est dorénavant une vérité légale. Il est donc temps qu’elle s’inscrire de manière réelle et durable dans nos modes de vie.