Lors de son discours d’ouverture de la Troisième Conférence Environnementale le 11 décembre 2014, le Président de la République a annoncé l’ouverture d’un chantier sur la démocratie participative en matière environnementale, un développement de la « participation des citoyens dans l’élaboration de la décision publique ».

Dans cette optique, par l’intermédiaire de l’article 106 de la loi dite « Macron » du 6 aout 2015, le Gouvernement a inscrit dans notre législation, des dispositions qui l’autorise dorénavant à réformer le droit de l’environnement, et notamment les procédures de participation du public dans ce domaine, par voie d’ordonnance. Une situation paradoxale que de renforcer une procédure citoyenne par voie d’autorité et non par un débat devant le Parlement.

Dans ce mouvement de réforme, les travaux de la Commission « Richard » rendus à notre Ministre de l’Écologie en juin 2015, avaient suscité l’espoir des associations de défense de l’Environnement et des citoyens qui ne trouvent plus leur place au sein des procédures actuelles de démocratie environnementale. Ces deniers souhaitent davantage de prise en compte.

Notre Gouvernement, face à cette situation, énonce de belles évolutions en matière environnementale, mais ces dernières ont énormément de mal à voire réellement le jour. Le processus de réforme du dialogue environnemental en est l’exemple.

Cette volonté de réformer le dialogue environnemental est réapparut de manière encore plus solennelle au sein du Gouvernement après la mort de Rémi Fraisse. Un jeune étudiant botaniste, mort à 21 ans lors des manifestations contre le barrage de Sivens, envisagé sur le cours du Tescou, un affluent du Tarn dans le bassin de la Garonne. Une mort due à une grenade lancée par des gendarmes, et qui concrétise surtout l’échec du Gouvernement dans ce dialogue social. L’écologie est vécue dans ces moments comme un réel combat alors qu’il devrait être un sujet de débats, d’échanges d’idées, de solutions a trouvé en commun.

Comme l’énonce Ben Lefetey, porte-parole du collectif contre le barrage de Sivens et membre de France Nature Environnement, pendant que le Gouvernement prend son temps pour voter une réforme concrète du dialogue environnemental, « sur le terrain, les passages en force continuent, comme la validation par le gouvernement en septembre 2015 du projet de ligne à grande vitesse Bordeaux – Toulouse, malgré les avis défavorables des commissions d’enquêtes publiques ».

Aujourd’hui, suite aux nombreux évènements environnementaux et aux émois que ces derniers provoquent, la mise en place d’une intervention citoyenne encadrée est nécessaire. Le Gouvernement ne peut plus prendre de décisions sans prendre en considération ses propres citoyens, le peuple même qui les a élu.

Le projet d’ordonnance relatif au dialogue environnemental est voulu pour juin 2016 et sera examiné les 3 et 10 février 2016 par la Commission spécialisée sur la modernisation du droit de l’environnement. Puis il sera soumis le 16 février à l’avis du Conseil National de la Transition Écologique.
Entre temps, le Gouvernement a invité les acteurs intéressés par ce texte à faire part de leurs avis dans les plus bref délais.


Ce projet d’ordonnance, même si la voie choisit pour une telle réforme n’est peut être pas la meilleure, a pour mérite de lancer véritablement le mouvement d’une prise en compte du Gouvernement sur ce sujet.

Au préalable, ce projet prévoit de définir plus précisément le principe de participation du public et de modifier les conditions de saisine de la Commission Nationale du débat public, un encadrement législatif primordial.
Puis, le texte propose d’associer le public à la phase d’élaboration du projet jusqu’à l’ouverture de l’enquête publique, une disposition intéressante mais à priori uniquement valable pour les projets soumis à la Commission Nationale du débat public, c’est à dire les gros projets d’infrastructures ou d’énergie marine entre autre.
Ensuite, le texte prévoit d’établir des concertations préalables pour tous les projets, plans ou programmes soumis à une évaluation environnementale ou à une étude d’impact. Une proposition importante car cette concertation préalable concernerait beaucoup de projets, à savoir tant des projets d’installations classées ou de permis de construire soumis à étude d’impact, que des documents de planification tels que les plans locaux d’urbanisme (PLU). Néanmoins, une telle concertation pourrait être source de révélation d’informations relevant pour les industries du secret professionnel, un sujet qui pourrait malheureusement amener ces industries à vouloir bloquer le projet.
Et, concernant plus particulièrement l’organisation des enquêtes publiques, le projet d’ordonnance prévoit une modification qui consisterait tout d’abord en la mise en place d’un accès à une version dématérialisée du dossier d’enquête, puis en la possibilité d’une réunion de restitution du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur.
De plus, le texte propose la création d’une obligation de « déclaration d’intention » pour les projets de plus de cinq millions d’euros. Une publication sur internet qui permettrait d’informer le public en amont et par conséquent de recueillir l’avis des citoyens sur de tels projets pouvant modifier leurs modes de vie.
Enfin, une des propositions les plus importantes de ce projet consiste en la mise en place possible de référendums locaux sur des projets relevant de la compétence du préfet, et donc de l’Etat. Une disposition qui concernerait l’ensemble des projets étatiques, à l’exception des projets d’intérêts nationaux tels que le nucléaire. Une proposition très intéressante mais pouvant engendrer diverses conséquences auxquelles il faut également réfléchir, notamment celle de la réaction du préfet en cas de vote négatif.

Toutefois, malgré toutes ces énonciations positives, un des gros problèmes de ce projet d’ordonnance tel qu’il est écrit actuellement consiste en l’unique possibilité pour les administrations de modifier les conditions de participation du public sur des projets de décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Il est donc établit une simple possibilité et non une obligation.


En parallèle de ce projet d’ordonnance, une proposition de loi relative au « renforcement du dialogue social et de la participation du public » a été déposée par Sabine Buis, députée socialiste. Une proposition de loi qui se veut plus audacieuse dans cette démarche de réforme du dialogue environnemental et vise surtout à « dépasser l’opposition entre économie et écologie ».

Selon le blog Gossement/Avocats, cabinet spécialisé en droit public et droit de l’environnement, cette proposition de loi, « fait progresser la protection de l’environnement, tout en simplifiant son droit et en réformant le contentieux de l’environnement devant les juridictions administratives ».


Cette proposition de loi comporte onze articles réformateurs de notre droit actuel.

Tout d’abord, elle offre une définition du dialogue environnemental qui se compose de quatre aspects fondamentaux : la mise à la disposition de l'État, des collectivités territoriales et des parties prenantes, une information scientifique, économique et juridique complète dans les meilleurs délais ; la bonne foi des parties prenantes et la sincérité de leurs engagements réciproques ; la communication aux parties prenantes des suites réservées aux avis qu'elles ont formulé ; et enfin l'information des personnes associées aux procédures de participation du public.
De plus, elle définit également la catégorie des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Selon cette proposition, constitue une décision publique ayant une incidence sur l'environnement, toute décision administrative prise par l'État, par une collectivité territoriale ou par un de ses groupements, par un établissement public, ou par toute personne morale chargée d'une mission de service public, en rapport avec l'environnement dans la mesure où cette décision concourt à l'exercice de sa mission, et :
1. a pour effet de protéger, valoriser ou modifier l'état des éléments composant le patrimoine commun de la nation
2. ou est relative aux substances, à l'énergie, au bruit, aux rayonnements, aux déchets, aux émissions, aux déversements et autres rejets susceptibles d'avoir des incidences sur l'état de ces mêmes éléments ;
3. ou influe sur la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dès lors que ceux-ci peuvent subir les conséquences d'une altération des éléments de l'environnement
Enfin, toute décision publique ayant une incidence sur l'environnement est prise au terme d'un bilan de ses coûts et de ses avantages écologiques, économiques et sociaux ainsi qu'au regard de l'objectif de développement durable.
Autant de définitions qui contribuent à une meilleure sécurité juridique car à un meilleur cadre législatif.
Puis, contrairement au projet d’ordonnance, la proposition de loi propose de réformer la Commission Nationale du Débat Public. Tout d’abord en la renommant Haute Autorité de la Participation du Public, puis en lui accordant de nouvelles compétences comme celle de médiateur, en plus de celle de conciliateur qu’elle possède déjà. Autorité qui aura pour but de garantir le bon fonctionnement de la démocratie environnementale avec deux missions principales : assurer le bon déroulement des débats, ainsi qu’un rôle de médiateur en permettant de délocaliser certains dossiers car "parfois, il suffit de délocaliser un dossier, de faire intervenir d'autres personnes pour sortir par le haut", estime Sabine Buis.
Toute décision devra être motivée et tenir compte à la fois des critères écologiques, économiques et sociaux.

De plus, en son article 9, la proposition de loi insiste sur le sujet des hydrocarbures. Aujourd’hui, certaines sociétés contestent l’abrogation de leur permis de recherches d’hydrocarbures suite à la loi de juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique. Alors que d’autres n’ont pas connu le même sort et sont toujours détentrices d’un titre minier relatif à l’exploration ou à l’exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Il s’agit alors de permis dits « blancs ».
Cette situation démontre que la loi du 13 juillet 2011 doit être renforcée puis inscrite au sein du code minier.
En effet, l’interdiction de la seule fracturation hydraulique ne permet pas de prévenir tout risque d’une exploration et d’une exploitation des gaz de schiste. Toutes les techniques dites « alternatives » peuvent échapper à la loi.
La proposition de loi prévoit donc l’interdiction de toute exploration et exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, quelle que soit la technique d’extraction, y compris celle de la fracturation hydraulique.
Enfin, l'article 10 de cette proposition de loi énonce de réduire les délais d'instruction des recours devant les juridictions administratives, pour des recours injustifiés ou abusifs contre certaines autorisations, cela en généralisant la procédure actuelle de l'ordonnance de tri de l’article L. 522-3 du code de justice administrative. Désormais, le tribunal devra se prononcer dans un délai d’un mois sur la recevabilité du recours.
Puis, l’article 11 prévoit de supprimer la condition de l'urgence pour les référés suspension relatifs à des décisions ayant une incidence sur l'environnement. La balance des intérêts dans l’appréciation de la condition d’urgence est souvent difficile à apprécier, et la majorité des référés est rejetée alors même que des mois plus tard, l’illégalité du projet est reconnue par les tribunaux, mais des conséquences irréversibles sur l’environnement ont déjà eu lieu.


Par conséquent, le dialogue environnemental au sein duquel la procédure de participation du public est primordiale, est à l’heure actuelle au centre de nos attentions. Une évolution est attendue pour juin 2016, mais dans quelles mesures cette évolution aura lieu. Nous espérons le meilleur car les thématiques environnementales prennent de plus en plus d’ampleur et le Gouvernement, devant montrer l’exemple, se doit d’énoncer sa position et instaurer un réel mouvement sur ce sujet.